Horaire des consultations publiques sur le projet de loi 59 (version du 31 juillet 2015)
Le Conseil musulman de Montréal (CMM) et le Forum musulman canadien (FMC) ont été invités il y a quelques jours à participer aux consultations publiques sur le projet de loi 59 (#PL59). Celles-ci doivent commencer le 17 août et se termineront le 22 septembre. L’annonce récente de la participation du FMC aux consultations publiques est survenue après que son président Samer Majzoub se soit plaint à la Gazette que son organisation avait été ignorée.
#PL59 a été déposé à l’Assemblée nationale par la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, le 10 juin 2015. Si elle est adoptée, la nouvelle loi donnera de nouveaux pouvoirs à la Commission des droits de la personne du Québec (CDPDJ) et lui permettra de poursuivre ceux qu’elle considère responsables de ‘discours haineux’ sans même devoir attendre des plaintes du public.
Lorsqu’en décembre 2014, il présenta les recommandations de la CDPDJ qui menèrent à #PL59, le président de l’organisme, Jacques Frémont, expliqua qu’il comptait utiliser les nouveaux pouvoirs qu’il demandait pour poursuivre ceux qui critiqueraient certaines idées, notamment pour poursuivre «des gens qui écriraient contre […] la religion islamique […] sur un site internet ou sur une page Facebook».
À la mi-juin 2015, le Forum musulman canadien a émis un communiqué de presse pour donner son appui aux mesures de censure de #PL59 mais a exprimé ses réserves sur d’autres aspects du projet de loi. Forum musulman canadien / WebArchive – Archive.Today
Quant au Conseil musulman de Montréal, l’autre organisation islamiste invitée le 20 août aux consultations publiques sur #PL59, il représente plus de 70 institutions islamiques dans la région de Montréal selon sa page Facebook. Son leader, Salam Elmenyawi, est également l’aumônier des universités McGill et Concordia. En 2003, interviewé par La Presse, le leader du CMM avait justifié que Salman Rushdie soit tué après la publication de ses Versets sataniques. Rushdie vivait alors sous la menace constante que des musulmans ne l’assassinent en réponse à une fatwa en ce sens de l’ayatollah Khomeini.
La Presse / 16 juin 2003 : Quant aux sévères sanctions prescrites par l’islam à ceux qui transgressent ses interdits, Salam Elmenyawi insiste sur leur portée limitée mais ne les désavoue pas. La peine de mort pour les musulmans qui renient leur foi? «Ce n’est pas une règle absolue, si on regarde la jurisprudence. Ça s’applique surtout à ceux qui combattent l’islam. Salman Rushdie, par exemple, a insulté le Prophète.»
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En 2015, après l’attentat contre Charlie Hebdo, Salam Elmenyawi a déclaré à la Gazette que c’est «absolument faux» d’affirmer que les enseignements de l’islam encourage la violence contre ceux qui critiquent cette religion» («[I]t is ‘absolutely false’ to say that Islamic teaching encourages violence against those who criticize that religion».) The Gazette / WebArchive – Archive.Today
De passage à New York à la fin de juin, le premier ministre Couillard a déclaré que son gouvernement devait établir des limites précises à la liberté d’expression. Il a déclaré au New York Times / Archive.Today : «The government must ‘draw a line in the sand’ on freedom of expression».
Lors de sa présentation du projet de loi à l’Assemblée nationale le 10 juin, le premier ministre justifia la censure proposée par son gouvernement en affirmant que ceux qui provoquent la «crainte de l’autre» (comprendre : les anti-islamistes) donnent «des armes nouvelles» aux «criminels» (comprendre : les terroristes islamistes). Au nom de «l’ouverture», de «l’inclusion» et du «vivre ensemble», le premier ministre Couillard annonça que son gouvernement comptait utiliser les mesures de censure de #PL59 pour faire taire ceux qui décrivent et dénoncent la menace islamiste.
La prémisse du premier ministre c’est que l’élimination du messager anti-islamiste éliminera le message islamiste lui-même et les initiatives violentes qu’il provoque. M. Couillard blâme le messager pour le message. C’est comme s’il accusait Raif Badawi d’avoir provoqué la «crainte de l’autre» en critiquant certaines facettes de l’islam sur son blogue et d’avoir ainsi donné «des armes nouvelles» aux autorités saoudiennes qui en profitèrent pour l’emprisonner et le faire fouetter (50 coups de fouet d’une peine de 1 000 jusqu’à maintenant).
Le projet de loi 59 n’est rien de moins qu’une façon pour le gouvernement du Québec de se conformer aux exigences de l’Organisation de la coopération islamique (56 pays musulmans et l’Autorité palestinienne) qui cherchent à faire criminaliser la critique de l’islam aux Nations Unies et dans d’autres forums internationaux. Il y a une semaine à peine, alors qu’il était de passage en France, le ministre saoudien des Affaires islamiques a réitéré l’appel de son pays à criminaliser la critique de l’islam.
Pendant ce temps, l’Arabie saoudite interdit la construction de lieux de culte non-musulmans sur son territoire, elle persécute ceux qui pratiquent une religion autre que l’islam et elle exécute ceux qui abandonnent l’islam.
Pour justifier les recommandations de la CDPDJ qui menèrent à #PL59, son président, M. Frémont, invoqua des résolutions adoptées par des instances des Nations Unies en la matière. Or, ce qu’il n’a pas indiqué lors des interviews qu’il accorda à Radio-Canada le 2 décembre 2014, c’est que ces résolutions émanent de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) qui établit une équivalence entre le discours haineux, le blasphème, la critique de l’islam et la diffamation des religions.
Point de Bascule (13 juillet 2015) : De la notion de ‘blasphème’ de l’OCI à celle de ‘discours haineux’ de la CDPDJ : L’origine des mesures de censure incluses dans le projet de loi 59 au Québec
M. Frémont a également indiqué que les principes généraux derrière les recommandations de la CDPDJ qui menèrent à #PL59 avaient été discutés lors d’un forum international sur les droits de l’homme auquel il assista au Maroc en novembre 2014. Le roi du Maroc avait inauguré ce forum en affirmant que l’universalité des droits de l’homme n’est pas ‘l’expression d’une pensée et d’un modèle unique’. C’est au nom de cette ‘diversité’ dans la conception des droits de l’homme que la police marocaine a arrêté des jeunes pour avoir bu du jus (et donc avoir rompu le jeûne en public) lors du Ramadan 2015 qui s’est terminé récemment. MetroNews / Archive.Today
C’est également au nom de cette ‘diversité’ dans la conception des droits de l’homme qu’en 2013, le Conseil suprême des exégètes musulmans du Maroc, la seule instance du pays habilitée à se prononcer en matière religieuse, a émis une fatwa stipulant que les peines actuellement prévues par le Code pénal marocain pour l’apostasie devraient être remplacées par la peine de mort. Aperçu des lois criminalisant l’apostasie dans le monde musulman / WebArchive – Archive.Today
Le Maroc est également un des pays membres de l’OCI qui a présenté des résolutions à l’ONU et dans d’autres forums internationaux pour criminaliser la critique de l’islam.
Point de Bascule (23 janvier 2015) : En novembre 2014, Jacques Frémont participa à un forum qu’inaugura le roi du Maroc en déclarant que l’universalité des droits de l’homme n’est pas ‘l’expression d’une pensée et d’un modèle unique’
En 1990, neuf ans avant qu’elle ne présente aux Nations Unies sa première résolution pour criminaliser la critique de l’islam, l’Organisation de la coopération islamique adopta la Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en islam.
Les articles 24 et 25 de la Déclaration stipulent que les droits et libertés qui y sont énoncés sont soumis aux dispositions de la charia et que la charia demeure l’unique référence pour interpréter la Déclaration. L’article 22a, en particulier, stipule que «Tout homme a le droit d’exprimer librement son opinion pourvu qu’elle ne soit pas en contradiction avec les principes de la Charria».
C’est l’application de ce principe qui a valu à Raif Badawi d’être condamné à 1 000 coups de fouet après avoir critiqué certaines facettes de l’islam sur son blogue en Arabie saoudite. Le gouvernement québécois et tous les partis d’opposition ont manifesté leur appui à Badawi à plusieurs reprises à l’Assemblée nationale. Ils ont d’ailleurs été sévèrement blâmés par l’Arabie saoudite pour l’avoir fait.
Radio-Canada (1 avril 2015) : L’Arabie saoudite demande au gouvernement du Québec de se mêler de ses affaires au sujet de Raïf Badawi
En 1989, l’OCI a déclaré que Salman Rushdie était un apostat pour avoir écrit les Versets sataniques. Dans un article consacré à l’affaire le 20 mars 1989 (p. B2), la Gazette de Montréal avait rappelé que les principales autorités de l’islam considèrent les apostats passibles de mort (The Gazette : «[B]eing an apostate – holder of an unorthodox religious view – apparently is punishable by death under Islamic law»).
L’ayatollah Khomeini avait contribué à faire connaître cette peine en encourageant ouvertement les musulmans à tuer Salman Rushdie et en promettant une récompense (de leur vivant) aux musulmans qui réussiraient.
Youssef Qaradawi, le guide spirituel des Frères Musulmans, est un autre leader musulman respecté qui a rappelé que les apostats de l’islam sont passibles de mort. Dans un exposé à la télévision arabe (article – vidéo), Qaradawi a même reconnu que «s’ils [les musulmans] avaient cessé d’appliquer les châtiments pour apostasie, l’islam n’existerait plus aujourd’hui».
En janvier 2015, Qaradawi, au nom de l’association d’exégètes musulmans qu’il dirige, a également demandé aux Nations Unies d’interdire ce qu’il appelle la ‘diffamation des religions’. Yahoo.com / WebArchive – Archive.Today
À au moins deux reprises dans le passé, Salam Elmenyawi a reconnu l’autorité du guide spirituel des Frères Musulmans. En décembre 2004, il a déclaré au journal Le Devoir / Archive.Today que le Conseil de la charia qu’il travaillait à établir comptait consulter Qaradawi (al Kardaoui) dans le futur pour trancher des questions de jurisprudence islamique. En septembre 2004, Elmenyawi a référé à une fatwa de Qaradawi pour indiquer que l’argent de la zakat (charité islamique) pouvait être dépensé pour payer ceux qui travaille dans les médias à promouvoir l’islam.
Les pressions des pays membres de l’OCI sur le Canada et les autres pays non-musulmans afin qu’ils se conforment aux règles de charia ne sont pas nouvelles. Avant les résolutions contre la ‘diffamation des religions’ que l’OCI tentent de faire appliquer par le Canada et les autres pays non-musulmans depuis 1999, l’OCI avait fait pression sur le gouvernement canadien en 1989 afin qu’il interdise la vente des Versets sataniques de Salman Rushdie au Canada.
The Gazette / 2 mars 1989 (p. B1)
[Traduction de Point de Bascule] [Le ministre des Affaires étrangères] Joe Clark n’a reçu aucune assurance des diplomates des pays musulmans qu’ils allaient demander à l’ayatollah Khomeini d’annuler son appel à tuer l’auteur britannique Salman Rushdie.Les 24 diplomates convoqués au bureau de Clark lui ont plutôt dit que les Versets sataniques de Rushdie devraient être interdits au Canada et que les lois du pays contre la littérature haineuse étaient appliquées injustement.
[…] Najmuddin Shaikh, l’ambassadeur du Pakistan et le porte-parole des pays musulmans qui ont des représentants au Canada, a déclaré que l’impression générale des musulmans c’est que le livre de Rushdie a traité l’islam comme une farce et qu’il a causé du mépris et de la haine en Occident à l’égard des fidèles du Prophète Mohammed. […] Dans ce qui semble être une critique d’une décision de l’Agence du revenu du Canada qui considère que le livre ne promeut pas la haine et peut donc être vendu, [l’ambassadeur pakistanais] Shaikh a déclaré : «Les limites à la liberté d’expression qui sont offertes à certaines communautés ne l’ont pas été à la communauté musulmane et s’ils étaient moins sélectifs, ce livre n’aurait pas été autorisé au Canada. Nous croyons que ce livre ne devrait pas être disponible [au Canada]». […] Le premier ministre Brian Mulroney s’est joint à d’autres leaders occidentaux et a condamné Khomeini pour avoir commandé l’assassinat de Rushdie.VERSION ORIGINALE ANGLAISE – Joe Clark got no assurance yesterday of help by diplomats from Islamic countries to get Ayatollah Ruhollah Khomeini’s death sentence lifted from British author Salman Rushdie.
Instead, the 24 diplomats summoned to Clark’s office told him Rushdie’s book The Satanic Verses should be banned in Canada and that the country’s anti-hate-literature rules are applied unfairly.
[…] Najmuddin Shaikh, ambassador from Pakistan and spokesman for the Islamic nations with representatives in Canada, said there is a general feeling among Muslims that Rushdie’s book has made a joke of Islam and created contempt and hatred in the West for followers of the Prophet Mohammed. […] In apparent criticism of Revenue Canada’s decision that the book does not advocate hatred and may therefore be sold, Shaikh said: “Limits on freedom of expression offered other communities have not been applied to the Muslim community and if they were less selective this book would not have been allowed in. We believe the book should not be circulated.” […] Prime Minister Brian Mulroney joined other Western leaders in denouncing Khomeini for ordering Rushdie’s death.
Dans un manuel publié en 2003 à l’intention des étudiants du secondaire, la CDPDJ a fait écho au refus de diverses instances du gouvernement canadien de se plier aux demandes de pays musulmans d’interdire la diffusion des Versets sataniques de Salman Rushdie au Canada. Le manuel édité par la CDPDJ présentait également Salman Rushdie et le dissident soviétique Alexandre Soljenitsyne comme des symboles de la liberté d’expression.
Si le Conseil musulman de Montréal devait appuyer les propositions de censure de #PL59 lors des consultations publiques comme l’a déjà fait son allié Samer Majzoub du Forum musulman canadien, alors la novlangue de 2015 présentera l’accord du gouvernement avec les islamistes qui justifièrent que Rushdie soit tué pour avoir écrit les Versets sataniques comme un exemple de «vivre ensemble», «d’ouverture» et «d’inclusion».
Couverture du manuel Droits et libertés… à visage découvert au Québec et au Canada / WebArchive – Archive.Today
Chapitre De la liberté d’expression : Pouvoir des mots, langage du corps, puissance des images / WebArchive – Archive.Today
Contrairement à ce qu’affirme le manuel édité par la CDPDJ, une fatwa n’est pas une exécution mais une directive religieuse. Dans le cas de la fatwa émise par l’ayatollah Khomeini contre Rushdie, elle encourageait les musulmans du monde entier à l’assassiner.
Références supplémentaires
Point de Bascule : FICHE Commission des droits de la personne du Québec (CDPDJ)
Point de Bascule (13 juillet 2015) : De la notion de ‘blasphème’ de l’OCI à celle de ‘discours haineux’ de la CDPDJ : L’origine des mesures de censure incluses dans le projet de loi 59 au Québec
Point de Bascule (5 août 2015) : En marge de #PL59 – Le projet de la CDPDJ de poursuivre des sites internet appartenant au secteur des télécommunications de compétence fédérale
Point de Bascule (30 juin 2015) : 25 mars 2015 – Extraits d’une allocution de Jacques Frémont sur le rôle de la CDPDJ (L’exposé de M. Frémont fait ressortir que la CDPDJ a , à la fois un rôle d’activiste [faire changer les mentalités] et un rôle d’initiateur de poursuites judiciaires contre ceux qui refusent les idées que la Commission veut promouvoir / imposer.)
Point de Bascule (21 juillet 2015) : En marge de #PL59 – En 2010 à Toronto, Elie Wiesel et Salman Rushdie ont participé à un débat sur la liberté d’expression dans lequel ils se sont opposés sur le droit de nier l’existence de l’Holocauste
Point de Bascule (23 juillet 2015) : En marge de #PL59 – Neuf citations en faveur de la liberté d’expression et neuf citations justifiant sa restriction
Point de Bascule (13 juillet 2015) : De la notion de ‘blasphème’ de l’OCI à celle de ‘discours haineux’ de la CDPDJ : L’origine des mesures de censure incluses dans le projet de loi 59 au Québec