https://www.youtube.com/watch?v=hyE6JC85WJw
Dans le cadre d’une rencontre / WebArchive – Archive.Today organisée par le Centre de recherche en droit public (CRDP) de l’Université de Montréal le 25 mars 2015, le président de la Commission des droits de la personne du Québec (CDPDJ) a présenté une conférence intitulée Démocratie, société et droits fondamentaux.
L’exposé de M. Frémont fait ressortir que la CDPDJ a , à la fois un rôle d’activiste (faire changer les mentalités) et un rôle d’initiateur de poursuites judiciaires contre ceux qui refusent les idées que la Commission veut promouvoir / imposer.
La vidéo de la conférence est disponible sur le canal YouTube du CRDP.
Liste des extraits
EXTRAIT 1 – Jacques Frémont : J’aimerais que les gens disent de moi : ‘C’était vraiment un emmerdeur’.
EXTRAIT 2 – Jacques Frémont : Le rôle d’une commission des droits de la personne c’est de déranger
EXTRAIT 3 – Faire changer les mentalités
EXTRAIT 4 – Majorité et minorité
EXTRAIT 5 – Jacques Frémont : Il y a un courant islamophobique au sein de la société québécoise.
EXTRAIT 6 – Perception vs réalité
EXTRAIT 7 – Induire le changement social
EXTRAIT 8 – 95% des cas plaidés par la CDPDJ sont tranchés en sa faveur devant les tribunaux
EXTRAIT 9 – Jacques Frémont : Est-ce que la CDPDJ prend assez de risques pour faire la jurisprudence? [Est-ce qu’elle accepte de plaider suffisamment de causes devant le tribunal?]
EXTRAIT 10 – La mission d’éducation et de changement des mentalités de la CDPDJ
EXTRAIT 11 – Jacques Frémont endosse le livre Speaking Out on Human Rights de Pearl Eliadis
EXTRAIT 12 – Statistiques sur les personnes qui contactent la CDPDJ
EXTRAIT 13 – ‘Faire le droit’ en choisissant de plaider des causes ‘risquées’
EXTRAIT 14 – Les intégristes de la liberté de presse
EXTRAIT 15 – Contrer une plainte de la CDPDJ en invoquant son biais en Cour supérieure
EXTRAIT 16 – Jacques Frémont : Est-ce que la CDPDJ devrait utiliser plus souvent ses pouvoirs pénaux et ‘clancher’ [faire taire, humilier] ceux que la Commission considère responsables de manquements graves?
EXTRAIT 1 – Jacques Frémont : J’aimerais que les gens disent de moi : ‘C’était vraiment un emmerdeur’.
VIDÉO 03:57 Jacques Frémont : Lorsque j’ai été nommé [à la tête de la CDPDJ], dans la première semaine il y a quelqu’un qui, à la Commission, m’a posé la question, parce que, bien sûr les fonctionnaires, eux restent, et les présidents passent, les vice-présidents, les commissaires passent mais comment dire les fonctionnaires restent… Ce fonctionnaire m’a dit : «Monsieur Frémont, à la fin de votre mandat dans cinq ans, qu’est-ce que vous voulez que les gens disent de vous?» Et, immédiatement, j’ai ‘snappé’ … J’ai dit : Écoutez, ce que j’aimerais qu’ils disent de moi c’est que «C’était vraiment un emmerdeur.»
EXTRAIT 2 – Jacques Frémont : Le rôle d’une commission des droits de la personne c’est de déranger
VIDÉO 04:33 Jacques Frémont : Le rôle d’une commission et le rôle d’un président au sein d’une commission, une commission des droits de la personne c’est de déranger, c’est de poser des questions que les gens aiment pas entendre, c’est de donner, de suggérer des réponses qui font pas l’affaire souvent des gens. Et, croyez-moi, je m’y attache quotidiennement. […] Quand un ministre se fâche en commission parlementaire, quand des lettres dans les journaux nous envoient dans les pâquerettes, etc., quelque part on a dû faire quelque chose de correct… De déranger le système, de pousser le système, de le contredire et de le pousser dans ses retranchements.
EXTRAIT 3 – Faire changer les mentalités
VIDÉO 12:07 Jacques Frémont : Notre mandat, à la Commission […] c’est précisément de faire changer les mentalités, de faire évoluer les choses. Si on n’évolue pas comme société, on manque notre coup.
EXTRAIT 4 – Majorité et minorité
VIDÉO 12:51 Jacques Frémont : Ce qui m’intrigue, c’est que un des effets de cette crise [de la Charte des valeurs], mais qui était bien avant dans le système, c’est ce discours de la majorité qui dit : «Nous sommes la majorité, vous êtes la minorité. Par conséquent, parce que je suis la majorité, vous allez venir et faire ce que je vous dis de faire.» Ce qui est complètement antinomique avec la vision des droits et libertés.
[…] Ce qui me fascine c’est actuellement d’observer une certaine progression de ce discours anti-droits finalement, de ce discours majoritaire qui veut écarter d’autant les droits des minorités.
EXTRAIT 5 – Jacques Frémont : Il y a un courant islamophobique au sein de la société québécoise.
VIDÉO 14:39 Jacques Frémont : Appelons les choses, les choses. Il y a un courant islamophobique, actuellement très clair, au sein de la société québécoise. Pas seulement au sein de la société québécoise, au sein de bien des sociétés et il est présent chez nous. Qu’est-ce qui fait que ces perceptions … les gens ont mordu à ce point et ont adopté cette perception sans, pour la majorité, jamais avoir parlé à des musulmans, sans avoir la compréhension du début du commencement de ce qu’est la religion musulmane, ses valeurs, ses pratiques, les courants au sein de la religion musulmane, etc. On fait une association musulman – terrorisme; terrorisme – dehors, vous êtes contre nos valeurs, retournez chez vous.
EXTRAIT 6 – Perception vs réalité
VIDÉO 15:24 Jacques Frémont : La question à ce moment-là c’est si la perception devient la réalité, comment peut-on travailler les perceptions pour que la réalité change dans la bonne direction? C’est fascinant. Le premier ministre Couillard il y a quelques jours a dit : «Non, non, l’intégrisme c’est pas ce que vous dites, l’intégrisme ce sont des gens qui croient profondément dans un … [M. Frémont n’a pas complété]. Pis je pense qu’il avait profondément raison dans sa définition, profondément raison. Il a été obligé de se remballer quelques heures plus tard. Les gens disent : «Non, l’intégrisme c’est l’équivalent du jihadisme, donc la guerre sainte. Donc, parlez-nous pas d’intégrisme.» […] On a eu les Bérêts blancs au Québec, ce sont des intégristes de la religion catholique.
EXTRAIT 7 – Induire le changement social
VIDÉO 16 :39 Jacques Frémont : Évidemment, la question fondamentale qui se pose à toute commission des droits, toute commission nationale des droits de l’homme c’est la question éternelle que vous étudiez, que j’ai étudiée à l’université, à la faculté c’est comment induire le changement social et comment induire le changement des mentalités et quel rôle le droit et ses institutions peuvent-ils jouer à cet égard.
EXTRAIT 8 – 95% des cas plaidés par la CDPDJ sont tranchés en sa faveur devant les tribunaux
VIDÉO 20:16 Jacques Frémont : Une fois que, nous, on a dit que c’était acceptable pis qu’on n’est pas capable de régler la cause, qu’il y a eu effectivement de la discrimination, à ce moment-là, nous [la CDPDJ] prenons le dossier et, au nom de la personne qui a subi cette discrimination, nous allons devant le tribunal des droits de la personne … et nous allons plaider la cause là-bas et nous avons un taux de succès assez hallucinant d’à peu près 95%.
EXTRAIT 9 – Jacques Frémont : Est-ce que la CDPDJ prend assez de risques pour faire la jurisprudence? [Est-ce qu’elle accepte de plaider suffisamment de causes devant le tribunal?]
VIDÉO 20:55 Jacques Frémont : Je pense que ce qui est derrière ce taux-là, ce qui est dérangeant ce sont les causes qu’on n’a pas prises et qu’on aurait gagnées devant le tribunal. Et, c’est la notion de risque qui intervient à ce moment-là. Est-ce qu’on prend assez de risques pour faire la jurisprudence, pour développer des droits et libertés au Québec? J’ai beaucoup de difficultés à répondre à cette question-là?
EXTRAIT 10 – La mission d’éducation et de changement des mentalités de la CDPDJ
VIDÉO 22 :41 Jacques Frémont : Parmi les mandats, selon moi, les plus importants [de la CDPDJ] sont ceux des articles 71.4 et [71.]5 qui nous disent d’élaborer et d’appliquer un programme d’information et d’éducation, destiné à faire comprendre et accepter l’objet et les dispositions de la présente Charte et [71.]5 de diriger et encourager les recherches et publications sur les libertés et droits fondamentaux. Donc, nous ne sommes pas uniquement un organisme qui est un rouage qui mène vers le système judiciaire mais nous avons une mission, on l’a vu, de commenter ce qui se fait à l’extérieur et nous avons aussi une mission d’éducation, d’information et de changement des mentalités.
EXTRAIT 11 – Jacques Frémont endosse le livre Speaking Out on Human Rights de Pearl Eliadis
Extraits du livre de Pearl Eliadis / Description générale du livre
VIDÉO 34:42 Jacques Frémont : Si la question vous intéresse, d’ailleurs je l’ai amené pour vous le montrer. Un livre remarquable qui est, je pense, au monde, le meilleur livre [pour comprendre les différents modèles de commissions des droits de la personne] mais qui est très canadien, écrit par Pearl Eliadis qui est une avocate bien connue de Montréal, anciennement de Toronto : Speaking Out on Human Rights.
En 2009, Pearl Eliadis a produit un long article / WebArchive – Archive.Today pour justifier les poursuites d’un lobby islamiste devant plusieurs commissions des droits de la personne au Canada contre Maclean’s et Mark Steyn. Steyn a consacré au moins deux commentaires (2008 – 2014) aux positions de Pearl Eliadis. Son plus ancien soulignait que la conception des droits de l’homme de madame Eliadis mène à l’arbitraire.
Dans l’extrait qui suit de son texte de 2008, Mark Steyn réfère au fait que Pearl Eliadis l’a condamné pour avoir référé à des règles mentionnées par l’ayatollah Khomeiny sur la façon dont ceux qui ont des relations sexuelles avec les animaux doivent se comporter :
Mark Steyn : [Traduction PdeB] L’idée que se fait Pearl Eliadis d’une société ‘diverse’ et ‘multiculturelle’ en est une où il est permis aux ayatollahs de commenter sur ceux qui s’envoient en l’air avec des moutons alors que c’est interdit à d’autres et que ce seront elle et d’autres apparatchiks des ‘droits de l’homme’ qui seront les arbitres décidant de ceux qui peuvent soulever la question. Ça, c’est la mort de la liberté.
Mark Steyn : Pearl Eliadis’ idea of a “diverse” “multicultural” society is one in which it’s okay for ayatollahs to riff on sheep-shagging but not okay for others – and she and her fellow “human rights” hacks will be the arbiters of which persons are permitted to raise the subject. Sorry, but that’s the death of liberty.
EXTRAIT 12 – Statistiques sur les personnes qui contactent la CDPDJ
VIDÉO 38:10 Jacques Frémont : En moyenne, 15 000 personnes contactent la CDPDJ par année;
De ce nombre, 1 672 personnes ont porté plainte l’année dernière;
Après un premier filtrage, environ 950 dossiers ont été ouverts;
Au moment de l’enquête, 260 dossiers ont été réglés en médiation. Le taux de succès voisine le 62%;
240 (des 950 cas) se règlent par la suite (désistement en raison d’un double recours, etc.).
Les 450 cas non réglés se retrouvent devant le comité des plaintes de la CDPDJ. Le Comité examine si la cause peut être plaidée devant le tribunal et si le dossier doit être amené en cour.
Une fois que les mis-en-cause sont avisés que la CDPDJ s’apprête à aller en cour, plusieurs choisissent de régler.
En bout de ligne, 20 dossiers se retrouvent devant le Tribunal des droits de la personne.
EXTRAIT 13 – ‘Faire le droit’ en choisissant de plaider des causes ‘risquées’
VIDÉO 42:24 Jacques Frémont : [Il y a] plusieurs groupes qui disent : il y a plusieurs cas que vous devriez prendre et que vous ne prenez pas. Vous ne prenez pas de risques. Vous avez tendance à prendre les causes qui vont être gagnées devant les tribunaux et vous ferez pas le droit avec des causes faciles. Vous allez faire le droit avec des causes difficiles, les causes risquées. Et, je suis extrêmement sensible à ces questions. […] Dans plusieurs des causes, des interventions de la Commission, on a fait le droit. On a défini ce qu’est la discrimination systémique. On était encore à la Cour Suprême en janvier dernier dans l’affaire Latif c. Bombardier pour le profilage racial. La première cause soumise à la Cour Suprême en matière de profilage racial, etc. Donc, on fait le droit mais presque par accident. C’est rare qu’il y a un dossier… C’est arrivé l’autre jour, Il y a un dossier qui est rentré … la personne c’est un groupe de pression m’avait averti qu’ils le feraient. Ils ont rentré le dossier et là, on l’a mis sur un ‘fast track’ parce que c’est un dossier avec lequel j’ai dit : On règle pas, on n’offre pas la médiation. On s’en va en cour. Le groupe veut aller en cour, c’est contre le gouvernement. Il faut régler cette question-là une fois pour toutes devant les tribunaux. Donc, on essaye de transformer notre culture d’une culture aléatoire de litiges à une culture beaucoup plus stratégique de litiges ou une culture de litiges stratégique.
EXTRAIT 14 – Les intégristes de la liberté de presse
VIDÉO 44:48 Jacques Frémont : Récemment, on a proposé, on a recommandé à la fin novembre que le discours haineux discriminatoire soit interdit en vertu de la Charte des droits et libertés, au nom, précisément, de la protection des victimes et de la protection de l’espace discursif démocratique. On s’est fait rentrer dans le chou mais pas à rien qu’à moitié par les intégristes de la liberté de presse et, soudainement, ça a été emparé par Charlie … Je suis Charlie, donc tout le Québec était Charlie, alors, toute personne qui disait que de dire : je vous encourage à aller violer les féministes, ça va régler leurs problèmes. Ha!, ça, c’est tout à fait correct. Je suis Charlie, yé, yé, yé. Nous autres, on dit : Wow! Est-ce qu’on peut prendre un peu de recul ici ?
EXTRAIT 15 – Contrer une plainte de la CDPDJ en invoquant son biais en Cour supérieure
VIDÉO 46:26 Jacques Frémont : On a un rôle de promotion des droits et libertés. Pour faire la promotion des droits et libertés, il n’est pas anormal, les gens n’aiment pas ça, mais il n’est pas anormal que le président de la Commission fasse une sortie publique puis dise à la STM [Société des transports de Montréal] : «Le train de l’Est, ça n’a aucune allure.» L’Agence métropolitaine de transports, de dire : «Le métro à Vendôme, pour le CUSM, ça n’a aucune allure.» C’est le rôle de promotion. Sauf que, s’il y a une plainte contre la STM pendant ce temps-là, puis qu’on a vingt-cinq dossiers de gens qui ont mis en cause la STM qui doit se défendre… Si je crie trop fort, moi, qu’est-ce que vous pensez que la STM va dire? Ha!, la Commission a un biais. Appréhension raisonnable de biais et donc, ils doivent se disqualifier. […] «Vous voulez nous ‘clancher’, on va aller en Cour Supérieure, on va prendre la déclaration de votre président puis on va bloquer la poursuite qui est contre nous.»
Ce n’est pas arrivé. En tout cas, pas récemment, mais moi, j’ai pris comme politique en arrivant de dire : je ne siège sur aucun dossier, sauf dans les cas de forces majeures et je ne veux avoir accès à aucun dossier. Donc, le système informatique [ne] me donne pas accès aux dossiers et on est capable de le démontrer en cour.
EXTRAIT 16 – Jacques Frémont : Est-ce que la CDPDJ devrait utiliser plus souvent ses pouvoirs pénaux et ‘clancher’ [faire taire, humilier] ceux que la Commission considère responsables de manquements graves?
VIDÉO 57:36 Jacques Frémont : Enfin, nous avons, et ça c’est très peu connu, l’article 134 [de la Charte des droits et libertés de la personne], un autre paradoxe… c’est un article pénal qui nous permet de ‘clancher’ quelqu’un quand c’est très grave. On peut les amener en cour, aller chercher une amende … Tout le truc.
Soit dit en passant, on a les pouvoirs d’une commission d’enquête aussi. Donc, les pouvoirs de madame Charbonneau, c’est mes pouvoirs aussi. Alors faites attention à vos questions tout à l’heure.
Tout ça pour dire qu’on les a jamais, à peu près jamais exercés. Est-ce qu’on devrait les exercer dans certains cas qui sont les cas les plus graves?
NOTE : Le Dictionnaire des expressions québécoises de Pierre DesRuisseaux définit l’expression ‘clancher’ quelqu’un utilisée par M. Frémont comme voulant dire «Tabasser, faire taire, humilier quelqu’un, faire la leçon à quelqu’un, le dépasser».
La reproduction de la page du dictionnaire est disponible plus bas.
Selon un site internet de la parlure québécoise / WebArchive – Archive.Today, le terme ‘clencher’ (écrit avec un E sur le site) peut également vouloir dire ‘liquider’ quelqu’un.
Références supplémentaires
Point de Bascule : Fiche Commission des droits de la personne du Québec (CDPDJ)
Point de Bascule (12 décembre 2014) : La Commission des droits de la personne du Québec désire une modification des lois pour faciliter les plaintes, notamment, contre les sites internet qu’elle juge ‘islamophobes’
Point de Bascule (19 décembre 2014) : Le président de la Commission des droits de la personne a confirmé à Radio-Canada qu’il désire s’en prendre à ceux qui critiquent des idées, à ceux qui critiquent la religion islamique en particulier
Point de Bascule (20 janvier 2015) : La Commission des droits de la personne du Québec, l’Arabie saoudite et l’Iran ont condamné l’attaque contre Charlie Hebdo tout en appuyant les restrictions à la liberté d’expression promues par l’Organisation de la coopération islamique
Point de Bascule (23 janvier 2015) : En novembre 2014, Jacques Frémont participa à un forum qu’inaugura le roi du Maroc en déclarant que l’universalité des droits de l’homme n’est pas ‘l’expression d’une pensée et d’un modèle unique’
Point de Bascule (12 juin 2015) : Point de Bascule à Maurais Live pour commenter le projet de loi 59 sur la prévention et la lutte contre les discours haineux