https://twitter.com/CDPDJ1/status/538075356696027136/photo/1 / Archive.Today
Le président de la Commission des droits de la personne du Québec, Jacques Frémont, au 2e Forum mondial des droits de l’homme qui s’est déroulé à Marrakech (Maroc) du 27 au 30 novembre 2014.
SOMMAIRE
PARTIE 1 – Deux conceptions incompatibles des droits de l’homme
PARTIE 2 – Outre les représentations de Mahomet, d’autres agissements sont punis par le Maroc parce qu’ils offensent les musulmans
PARTIE 3 – En 2002-2003, Jacques Frémont a été impliqué dans la réforme de l’institut qui forme les juges marocains
PARTIE 1 – Deux conceptions incompatibles des droits de l’homme
Dans l’interview qu’il accorda à Radio-Canada le 2 décembre 2014 pour justifier la demande de sa Commission au gouvernement pour plus de pouvoirs afin de poursuivre «des gens qui écriraient contre … la religion islamique» (AUDIO SRC 13:44), M. Frémont mentionna revenir tout juste d’un forum international où la question avait été discutée (AUDIO SRC 13:00).
À Radio-Canada, M. Frémont n’a pas eu l’occasion d’identifier le forum duquel il revenait. Sur Twitter, la Commission des droits de la personne (CDPDJ) qu’il préside a indiqué qu’il participa au 2e Forum mondial des droits de l’homme qui se déroula à Marrakech (Maroc) du 27 au 30 novembre 2014.
À l’instar de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) à laquelle il appartient, le Maroc est partisan d’une censure de ceux qui critiquent l’islam sous une forme ou sous une autre. Dans des rencontres internationales, le Maroc a d’ailleurs présenté, au nom de l’OCI, des motions interdisant la critique de l’islam et de ce que l’OCI appelle la ‘diffamation de la religion’.
C’est leur aversion pour la liberté d’expression qui a incité le Maroc et les autres gouvernements membres de l’OCI à se doter de leur propre Déclaration des droits de l’homme en Islam en 1990.
Contrairement à la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée à l’ONU en 1948 qui vise à protéger le droit des individus à critiquer des idées, celle de l’OCI vise à protéger une idée, la religion musulmane, de la critique des individus. C’est ce qu’accomplit l’article 22a de la Déclaration de l’OCI en établissant que l’expression d’une opinion n’est permise que dans la mesure où elle respecte la charia, la loi islamique.
Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme :
Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.
Article 22a de la Déclaration des droits de l’homme en Islam de l’OCI :
Tout homme a le droit d’exprimer librement son opinion pourvu qu’elle ne soit pas en contradiction avec les principes de la Charria [sic].
Lors de l’inauguration du forum auquel participa Jacques Frémont, le roi du Maroc a clairement évoqué ces deux conceptions incompatibles quand il déclara qu’il n’y a pas de modèle unique en matière de droits de l’homme :
[L]’universalité des droits de l’Homme ne saurait être sujet [sic] à des remises en cause. Pour autant, loin d’être l’expression d’une pensée et d’un modèle unique, l’universalité doit être, dans sa quintessence, la résultante d’une dynamique d’adhésion progressive, par étapes, moyennant une appropriation individuelle et collective, où les traditions nationales et culturelles trouvent naturellement leur place, ni contre ni à côté, mais autour d’un socle de valeurs indérogeables [sic – indélogeables?].
Selon cette conception, seule l’idée des droits de l’homme est universelle, leur contenu et leur portée variant selon «les traditions nationales et culturelles».
Les propos du roi sont rapportés sur le site officiel du royaume Maroc.ma / WebArchive – Archive.Today.
Il y a quelques jours, le même site officiel a également rapporté que le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement marocain, Mustapha Khalfi, a interdit la distribution des publications étrangères reproduisant des caricatures jugées blasphématoires de l’islam parce qu’elles constituent de la «diffamation à l’égard de la religion musulmane et de ses symboles».
Le ministre Khalfi se fonde sur l’article 29 du Code marocain de la presse et de l’édition :
[EXTRAIT] L’introduction au Maroc de journaux ou écrits périodiques ou non, imprimés en dehors du Maroc, pourra être interdite par décision motivée du Ministre de la communication lorsqu’ils portent atteinte à la religion islamique, au régime monarchique, à l’intégrité territoriale, au respect dû au Roi ou à l’ordre public.
Imaginez les protestations (justifiées) des lobbies islamistes qui plaident pour la censure des critiques de l’islam au Canada si le gouvernement invoquait la ‘diffamation de religion’ pour censurer les exégètes musulmans lorsqu’ils dénigrent le bouddhisme, nient la trinité chrétienne ou qualifient les juifs de «singes et de cochons».
Point de Bascule (8 septembre 2011) : Les Frères Musulmans et le bouddhisme [Article en anglais]
Plutôt que de se faire le relai d’organisations comme l’Organisation de la conférence islamique, la Commission des droits de la personne du Québec devrait expliquer aux musulmans qui s’offusquent que leur religion soit critiquée que c’est le prix à payer dans un pays où des idées, des doctrines et des religions souvent incompatibles peuvent être en concurrence les unes avec les autres.
Dans une société libérale où l’individu a préséance sur le collectif, la limite à l’expression des idées devrait être l’incitation à la violence contre ceux qui ne partagent pas nos idées, et non pas l’inconfort qu’on peut ressentir face à des propos qui nous déplaisent.
PARTIE 2 – Outre les représentations de Mahomet, d’autres agissements sont punis par le Maroc parce qu’ils offensent les musulmans
Ces derniers temps, en raison de la boucherie islamiste à Charlie Hebdo, on a beaucoup entendu parler de musulmans qui s’offusquent de voir des représentations de Mahomet. C’est loin d’être le seul agissement qui offusque un grand nombre de musulmans et qui incite les autorités du Maroc et d’autres membres de l’OCI à user de répression.
PUNI POUR AVOIR OFFENSÉ EN MANGEANT DURANT LE RAMADAN
La vue de personnes qui mangent en public durant le Ramadan offusque également un grand nombre de musulmans et, chaque année, des cas de personnes punies par le gouvernement marocain et d’autres font les manchettes à cette période de l’année.
Extrait du Courrier International (2010)
Comme en Algérie ou dans la plupart des pays musulmans, ne pas respecter le jeûne en public [au Maroc], peut valoir une amende et un emprisonnement de plusieurs mois. Parfois, la punition se limite, surtout s’il s’agit de mineurs, à une bonne correction dans un commissariat voire même en pleine rue.
En 2012, un jeune Marocain été condamné à trois mois de prison ferme à Rabat pour avoir rompu publiquement le jeûne durant le Ramadan :
Extrait du Figaro (2012)
‘Ce jeune a été arrêté par la police alors qu’il était en train de manger publiquement dans la médina (la vieille ville, ndlr) de Rabat. Le verdict a été rendu vendredi’. […] L’article 222 du code pénal marocain punit la rupture publique du jeûne pendant le mois de Ramadan d’une peine pouvant aller jusqu’à six mois ferme.
Durant le Ramadan 2014, des musulmans offensés à la vue d’Hindous qui mangeaient ont attaqué leurs restaurants à Pune, dans l’ouest de l’Inde.
PUNI POUR AVOIR OFFENSÉ EN ABANDONNANT L’ISLAM
Un grand nombre de musulmans s’offusquent également quand certains de leurs coreligionnaires abandonnent l’islam. À l’instar de plusieurs autres exégètes, le guide spirituel des Frères Musulmans Youssef Qaradawi, un des leaders d’opinion les plus importants dans le monde sunnite, a décrété que les apostats de l’islam doivent être tués. Qaradawi a également reconnu dans le passé que si les musulmans avaient abandonné les châtiments pour apostasie, l’islam n’existerait plus aujourd’hui.
Dans l’esprit des leaders du Maroc et des autres qui justifient des châtiments contre ceux qui abandonnent l’islam, le concept de liberté de religion ne sert pas à protéger le droit de l’individu à choisir sa religion, à l’abandonner ou à n’en choisir aucune, mais uniquement à lui interdire d’abandonner l’islam.
En avril 2013, le Conseil suprême des exégètes musulmans du Maroc, la seule instance du pays habilitée à se prononcer en matière religieuse, a émis une fatwa stipulant que les peines actuellement prévues par le Code pénal marocain pour l’apostasie devraient être remplacées par la peine de mort.
Bibliothèque du Congrès : Aperçu des lois criminalisant l’apostasie dans le monde musulman / WebArchive – Archive.Today [Article en anglais]
Le 29 novembre 2014, au moment où se déroulait le forum de Marrakech sur les droits de l’homme auquel assista M. Frémont, le chef du gouvernement marocain, Abdelilah Benkirane du Parti Justice et Développement proche des Frères Musulmans, a confirmé n’avoir aucune intention de faire inscrire la liberté de conscience dans la constitution, jugeant cette question ‘tranchée’.
La question est certainement ‘tranchée’ mais pas dans le sens des libertés individuelles, évidemment.
Extrait du site Bladi.net (2013)
Selon le président de la section locale de l’Association marocaine des droits de l’homme, Mohamed el Baladi a été condamné [à 2 ans et demi de prison] pour s’être converti à la religion chrétienne et avoir tenté d’ébranler la foi d’un musulman, délit passible d’une peine de prison au Maroc.
Arrêté le 28 août dernier chez lui, avec des livres, des revues et des CD, le jeune homme, 30 ans, a ‘confessé’ au juge sa conversion à la religion chrétienne.
[…] Même si la nouvelle constitution marocaine prône «la tolérance et [l]e dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde», le code pénal, dans son article 220, punit «quiconque emploie des moyens de séduction dans le but d’ébranler la foi d’un musulman ou de le convertir à une autre religion».
PARTIE 3 – En 2002-2003, Jacques Frémont a été impliqué dans la réforme de l’institut qui forme les juges marocains
En 2002-2003, alors qu’il était doyen de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, Jacques Frémont a été impliqué dans le projet de réforme de l’Institut national des études judiciaires au Maroc. L’organisme est responsable de la formation des juges marocains.
Références supplémentaires
COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE DU QUÉBEC
Point de Bascule (12 janvier 2015) : La Commission des droits de la personne du Québec désire une modification des lois pour faciliter les plaintes, notamment, contre les sites internet qu’elle juge ‘islamophobes’
Point de Bascule (19 janvier 2015) : Le président de la Commission des droits de la personne a confirmé à Radio-Canada qu’il désire s’en prendre à ceux qui critiquent des idées, à ceux qui critiquent la religion islamique en particulier
Point de Bascule (20 janvier 2015) : La Commission des droits de la personne du Québec, l’Arabie saoudite et l’Iran ont condamné l’attaque contre Charlie Hebdo tout en appuyant les restrictions à la liberté d’expression promues par l’Organisation de la coopération islamique
MAROC
RTL Info (25 avril 2012) : Le premier ministre du Maroc (Frères Musulmans) refuse de s’adresser à une ministre belge car c’est une femme
Point de Bascule (13 août 2012) : Une ministre du PJD (Frères Musulmans) commente sur le suicide d’une jeune Marocaine forcée de marier son violeur : «Parfois le mariage de la violée à son violeur ne lui porte pas un réel préjudice»
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