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http://tvanouvelles.ca/lcn/infos/national/archives/2015/01/20150108-154216.html WebArchive – Archive.Today
Le 8 janvier, le réseau TVA a annoncé que la Commission des droits de la personne du Québec condamnait l’attaque contre Charlie Hebdo. La Commission demande également au gouvernement de modifier la Charte dont elle voit à l’application pour faciliter les plaintes contre ceux qui critiquent l’islam.
Le 2 décembre 2014, la Commission des droits de la personne a émis un communiqué pour annoncer qu’elle recommandait au gouvernement du Québec «l’ajout d’une disposition à la Charte des droits et libertés de la personne interdisant l’incitation publique à la haine pour un motif interdit de discrimination».
Cette journée-là, le président de la Commission, Jacques Frémont, a reconnu dans une interview à Radio-Canada que sa Commission désire pouvoir poursuivre les gens qui critiquent certaines idées, ceux qui critiquent la religion islamique en particulier. Le passage pertinent de l’interview a été reproduit dans un récent article de Point de Bascule.
Le 2 décembre 2014, M. Frémont, a accordé une autre interview à Radio-Canada dans laquelle il apporta d’autres précisions importantes sur les modifications législatives qu’il demande :
- La Commission désire pouvoir poursuivre sans qu’il y ait de victimes spécifiques. Selon l’explication de M. Frémont, la Charte modifiée permettrait des poursuites «lorsqu’on a des propos généraux, des propos haineux généraux, de l’incitation à la haine, etc., où là il n’y a pas de victimes particularisées, [lorsque] c’est le groupe en général qui est victime».
- Puisqu’il deviendrait superflu d’avoir des victimes spécifiques ou particularisées pour porter plainte, la Commission a prévu pouvoir initier elle-même des procédures contre ceux qu’elle juge fautifs. L’amendement proposé permettrait également que des gens sans rapport avec le groupe apparemment visé par les propos haineux puissent également porter plainte et déclencher une enquête de la Commission.
- Parmi les cibles visées par la Commission, M. Frémont a indiqué vouloir obtenir les moyens pour poursuivre «un site web, tout simplement, qui déblatère et qui a des propos, des incitations à la haine par rapport à certains groupes particuliers, pensons aux groupes musulmans». M. Frémont a fait sa remarque quelques jours à peine après que l’émission Enquête de Radio-Canada et deux de ses collaboratrices ait qualifié Point de Bascule de «site de propagande haineuse» qui «nourri[t] la peur envers les musulmans» et qui «patauge dans l’intolérance» (VIDEO 41:10).
- Frémont a également déclaré à Radio-Canada que sa requête au gouvernement pour des changements législatifs se fonde sur des résolutions adoptées par des instances des Nations Unies en la matière. Ce que M. Frémont a omis de mentionner, cependant, c’est que ces résolutions avaient d’abord été proposées par l’Organisation de la coopération islamique (OCI), une entité qui établit une équivalence entre la critique de l’islam, la diffamation de la religion et le discours haineux. L’OCI regroupe 57 gouvernements musulmans et, ensemble, ils constituent le plus important bloc de pays participant aux votes à l’ONU. À ce jour, le Canada a systématiquement voté contre les propositions de censure que l’OCI cherche à faire appliquer par les pays non-musulmans membres de l’ONU. En 2008, le Comité sénatorial canadien sur les droits humains (p. 16 / WebArchive – Archive.Today) souligna que «[L]e Canada s’[est] toujours opposé aux projets de résolution condamnant la diffamation des religions parce qu’ils sont axés sur une seule religion, que la liberté de religion est un droit individuel et non l’apanage d’une religion et que ces résolutions n’abordent pas la question de la liberté d’expression».
Point de Bascule (12 décembre 2014) : Transcription de l’interview accordée à Michel C. Auger du 15-18 de Radio-Canada (radio) par Jacques Frémont, président de la Commission des droits de la personne du Québec, le 2 décembre 2014
Le 12 juin 2013, M. Frémont a été nommé président (Archive.Today) de la Commission des droits de la personne par un gouvernement du Parti Québécois. Il est entré en fonction le 26 août 2013. Au moment de sa nomination il travaillait pour l’Open Society Fondations, à titre de directeur de l’International Higher Education Support Program. Son leadership d’une sous-structure de l’organisation du multimilliardaire George Soros dura du début de l’année 2012 jusqu’à l’été 2013.
Pendant plus de 30 ans, M. Frémont a occupé de nombreux postes à l’Université de Montréal, dont :
Directeur du Centre de recherche en droit public de la Faculté de droit (1994-1999);
Doyen de la Faculté de droit (2000-2004);
Provost et de vice-recteur aux affaires académiques (2007-2012).
Depuis que Jacques Frémont et sa Commission ont demandé des modifications à la Charte des droits, plusieurs commentateurs ont critiqué les changements proposés.
Paul Journet de La Presse (Archive.Today) a fait ressortir que l’évaluation de ce qui constitue un discours haineux «comporte … une part de subjectivité [et qu’il] est difficile de prévoir comment la jurisprudence évoluerait» si la Charte devait être modifiée dans le sens voulu par la Commission. Journet conclut que le «risque de créer une brèche» dans les mécanismes de défense de la liberté d’expression existe et que ça devrait convaincre le gouvernement de refuser la requête de la Commission.
Dans un texte intitulé ‘Nous ne sommes pas tous Charlie’ (Archive.Today), le chef du Parti conservateur du Québec, Adrien Pouliot, a protesté contre les réformes demandées par Jacques Frémont et sa Commission en disant qu’elles mèneraient à la censure de ceux qui critiquent une facette ou une autre de l’islam.
Jacques Frémont a réagi dans La Presse (Archive.Today) en soutenant que M. Pouliot dénaturait ses intentions.
Pourtant, le 2 décembre 2014 à Radio-Canada, M. Frémont a bel et bien dit qu’il comptait s’en prendre à ceux qui «écriraient […] contre la religion islamique» et aux sites internet qui «déblatèrent» au sujet des musulmans.
Déterminer ce qui constitue du «déblatérage» ou de la «haine» est extrêmement subjectif. Il est bon de rappeler qu’avant d’accepter la plainte d’un islamiste de Calgary contre le magazine Western Standard pour avoir publié les caricatures de Mahomet en 2006, la Commission des droits de la personne de l’Alberta professait également son appui à la liberté d’expression.
Et pourtant…
Dans son livre Shakedown (McClelland & Stewart, 2009), l’éditeur du Western Standard, Ezra Levant, relate le harcèlement qu’il a subi de la part de la Commission des droits de la personne de l’Alberta.
Après que Levant ait publié les caricatures de Mahomet, Syed Soharwardy, un imam de Calgary est allé porter plainte à la police de la ville en leur demandant de l’arrêter. «Les policiers ont été polis et lui expliquèrent gentiment qu’il n’était plus en Arabie saoudite ou au Pakistan et que la police au Canada ne s’occupe pas de faire appliquer le Coran, et ne s’ingère pas dans les débats politiques» (p. 135), rappelle Ezra Levant dans son livre.
Devant un premier refus, Soharwardy contacta un procureur de la Couronne pour faire débloquer son affaire. Après un second refus, il s’est tourné vers la Commission des droits de la personne qui accepta rapidement de déclencher le processus contre Ezra Levant.
Ezra Levant conclut : Qui aurait pu croire qu’au vingt-et-unième siècle la police serait plus respectueuse des libertés civiles que les commissions des droits de la personne? (pp 135-6)
Dans son texte Contre le délit d’opinion (Archive.Today), Yves Boisvert de La Presse réfère au cas d’Ezra Levant et à la poursuite contre Mark Steyn et le Maclean’s comme à des exemples de conséquences néfastes découlant du genre de mesures que souhaitent mettre en application Jacques Frémont et sa Commission.
Le processus représente la punition
Une autre conséquence négative associée aux plaintes traitées par les Commissions des droits de la personne, c’est que, contrairement à ce qui se passe devant les vrais tribunaux, les plaignants n’ont rien à perdre, aussi frivoles leurs plaintes soient-elles. Dans une cause civile normale, le plaignant doit engager un avocat pour défendre sa cause et peut se voir condamner à payer les frais de la partie adverse s’il perd. Avec les plaintes soumises aux Commissions des droits de la personne, le seul risque que court le plaignant c’est que sa plainte soit refusée par la Commission. Une fois sa plainte acceptée, c’est le personnel de la Commission qui fait les recherches nécessaires à la cause. Seule la partie qui se défend doit payer pour se défendre.
Comme l’explique Ezra Levant dans Shakedown, «voilà pourquoi tant de gens laissent tomber quand ils sont confrontés à une plainte venant d’une de ces commissions». (p. 141)
Levant conclut que «le processus représente la punition» (p. 141). Même si Ezra Levant a ‘gagné’ contre l’imam et la Commission qui le poursuivaient, du fait que l’imam a laissé tomber sa plainte en cours de route, c’est néanmoins Ezra Levant qui a fini avec une perte de plusieurs dizaines de milliers de dollars pour avoir défendu son droit de publier les caricatures de Mahomet.
Condamner l’attaque contre Charlie Hebdo n’équivaut pas nécessairement à défendre la liberté d’expression
Après qu’Adrien Pouliot ait affirmé «Nous ne sommes pas tous Charlie» dans La Presse et qu’il ait donné en exemple la recommandation de la Commission des droits de s’en prendre à ceux qui critiquent l’islam, son président Jacques Frémont s’objecta (Archive.Today). M. Frémont insista pour écrire que sa Commission avait dénoncé l’attaque contre Charlie Hebdo.
L’Arabie saoudite et l’Iran ont également condamné l’attaque contre Charlie Hebdo. Ça ne fait pas d’eux des défenseurs de la liberté d’expression pour autant.
L’Arabie saoudite compte parmi les pays qui répriment la liberté d’expression le plus violemment.
Le vendredi 9 janvier 2015, le surlendemain de la boucherie islamiste contre Charlie Hebdo, les autorités saoudiennes ont procédé à la flagellation de Raif Badawi devant une mosquée de Djeddah pour avoir critiqué l’islam sur son blogue. Il a reçu les 50 premiers coups de fouet d’une peine de 1000 qui devrait s’échelonner sur 20 semaines. Raif Badawi a également été condamné à 10 ans de prison, à une amende et à une interdiction de voyager à la fin de sa peine de prison. L’épouse de Badawi et ses jeunes enfants sont réfugiés au Canada et vivent à Sherbrooke, au Québec.
Radio-Canada (9 janvier 2015) : Les 50 premiers coups de fouet donnés à Raif Badawi
L’Iran, le régime des ayatollahs, a également condamné l’attaque contre Charlie Hebdo. Pourtant, en 1989, c’est le même régime qui a émis une fatwa demandant aux musulmans du monde entier de tuer Salman Rushdie pour avoir écrit Les versets sataniques, un livre jugé blasphématoire à l’égard de Mahomet par le régime iranien.
Si Rushdie a pu survivre à ces menaces, c’est grâce à l’importante protection policière dont il a bénéficié. Ses traducteurs et éditeurs n’ont pas été aussi chanceux. Son traducteur japonais, Hitoshi Igarashi, a été assassiné en 1991, son éditeur norvégien, William Nygaard, et son traducteur italien, Ettore Capriolo, gravement blessés lors de tentatives d’assassinat. Lors de l’attentat de 1993 qui visait le columnist turc, Aziz Nesin qui tentait de faire publier le livre de Rushdie en Turquie, 37 personnes sont mortes dans l’incendie de l’hôtel où il était de passage.
En janvier 2005, l’ayatollah Ali Khamenei, le successeur de l’ayatollah Khomeini, l’auteur de la fatwa de 1989, a réaffirmé que Salman Rushdie était un apostat pouvant être tué impunément. En 2012, la fondation iranienne proche du régime qui promet de récompenser ceux qui tueraient Rushdie a porté le montant de la récompense à 3,3 millions $.
L’Express (18 septembre 2012) : 5 choses à savoir sur la fatwa contre Salman Rushdie
Conclusion
De l’aveu même de Jacques Frémont à Radio-Canada le 2 décembre dernier, les changements qu’il propose d’apporter à la législation québécoise sont inspirés de résolutions adoptées par diverses instances des Nations Unies. Ces résolutions, qui avaient d’abord été soumises par l’Organisation de la coopération islamique (OCI), ont toujours été rejetées par le Canada parce qu’elles briment la liberté d’expression. L’Arabie saoudite et l’Iran comptent parmi les principaux membres de l’OCI.
En 1990, l’OCI (alors connue comme l’Organisation de la conférence islamique) s’est dotée de sa propre Déclaration des droits de l’homme en islam, précisément parce que ses membres n’endossent pas la liberté d’expression et d’autres droits reconnus par la Déclaration des droits de l’homme des Nations Unies.
L’article 22a de la Déclaration de l’OCI se lit comme suit :
Tout homme a le droit d’exprimer librement son opinion pourvu qu’elle ne soit pas en contradiction avec les principes de la Charria [sic].
Le Québec doit refuser que ses lois soient modifiées pour les rendre conformes à des résolutions d’organisations étrangères qui foulent aux pieds les droits individuels les plus élémentaires.
Références supplémentaires
Wikipedia : La diffamation de religion et les Nations Unies [Article en anglais]
Point de Bascule (6 septembre 2011) : Des intellectuels en appellent à McGill et à l’Université de Montréal pour qu’elles appuient la liberté d’expression (Résolution contre un projet de censure discuté lors de la Conférence sur les religions du monde de Montréal basé sur des propositions de l’Organisation de la coopération islamique)
UAE Interact (12 octobre 2012) : Lors d’une rencontre à Québec, des parlementaires des Émirats arabes unis demandent qu’on criminalise la critique des religions [Article en anglais]
Point de Bascule (22 mai 2013) : En 2011, le Musée des religions de Nicolet s’est associé aux Frères Musulmans et à Tariq Ramadan comme partenaire et ami d’une conférence universitaire McGill/UdeM prônant d’interdire la critique des religions
Point de Bascule (22 mai 2013) : Réponse à Simon Jodoin du Voir : Il ne faut pas donner de prétextes supplémentaires aux islamistes et aux autres qui détestent la liberté d’expression pour intenter des poursuites qui ne visent qu’à la restreindre
Point de Bascule (12 décembre 2014) : La Commission des droits de la personne du Québec désire une modification des lois pour faciliter les plaintes, notamment, contre les sites internet qu’elle juge ‘islamophobes’
Point de Bascule (9 janvier 2015) : En 2012, l’organisation de Tariq Ramadan, Présence Musulmane, a publié un article justifiant ceux qui auraient recours à la violence contre Charlie Hebdo