AVERTISSEMENT
Point de Bascule n’endosse pas le contenu de ce document. Il est archivé sur ce site uniquement à des fins de référence.
WARNING
Point de Bascule does not endorse the content of this document. It is archived on this website strictly for reference purposes.
Salam Elmenyawi endosse la peine de mort pour apostasie et la lapidation prescrites par la charia
Auteure : Sophie Brouillet
Référence : La Presse, 16 juin 2003, p. B1
Titre original : Croire au Coran
Deux thèses circulent au sujet de l’islam, qui est maintenant la troisième confession au Québec. La première affirme que c’est une religion tolérante et ouverte à la modernité, dont l’image est déformée par un courant intégriste minoritaire. La seconde, politiquement plus “incorrecte “, dit que l’islam porte des germes totalitaires, même si un grand nombre de fidèles demeurent modérés.La rencontre d’imams, de représentants musulmans et d’observateurs permet-elle de trancher? Pas si facilement.
Salam Elmenyawi est un homme fort sympathique. Au Québec depuis plus de 30 ans, le président du Conseil musulman de Montréal s’est installé avec sa femme et ses enfants dans un coin paisible de Saint-Laurent, face à un parc qui respire la vie de famille. Il assure que le mot islam est synonyme de paix et de tolérance… tout en répétant que le Coran est à prendre à la lettre, que religion et politique doivent demeurer liés et que la guerre sainte (le jihad) devient légitime si l’islam est attaqué.
“Chaque mot du Coran a été révélé par Dieu à Mahomet” dit-il, excluant l’idée que ce livre puisse être imparfait ou appeler à des interprétations. “Quelqu’un qui dirait croire tout du Coran, sauf une ligne, ne serait plus musulman.” Il en va de même selon lui de la charia, la loi islamique, qui est directement inspirée du livre saint des musulmans.
Quand on lui demande ce qu’il fait alors des passages les plus durs des textes fondateurs de l’islam, M. Elmenyawi les précise et les circonscrit le plus amicalement possible, pour ultimement les maintenir. “Le jihad, c’est d’une part le droit de défendre notre religion si quelqu’un l’attaque, dit-il. C’est aussi celui de protéger notre vie, notre honneur et nos biens, comme dans le cas de la guerre en Bosnie et au Kosovo. Enfin, c’est le combat intérieur de chacun, par le jeûne et la prière.”
Quant aux sévères sanctions prescrites par l’islam à ceux qui transgressent ses interdits, Salam Elmenyawi insiste sur leur portée limitée mais ne les désavoue pas. La peine de mort pour les musulmans qui renient leur foi? “Ce n’est pas une règle absolue, si on regarde la jurisprudence. Ça s’applique surtout à ceux qui combattent l’islam. Salman Rushdie, par exemple, a insulté le Prophète.”
Le président du Conseil musulman de Montréal évoque le traitement plus “clément” réservé à l’universitaire égyptien Nasr Abou Zeid, condamné en justice pour apostasie en 1996 pour avoir avancé que le Coran n’avait pas été révélé d’une traite, mais rédigé par fragments au cours d’une période de 25 ans. “Il a seulement été divorcé de sa femme, puisqu’il n’était plus musulman!” dit M. Elmenyawi. Nasr Abou Zeid a toutefois fui l’Égypte peu après le jugement rendu contre lui. Questionné sur la lapidation, punition traditionnelle de l’adultère, Salam Elmen-yawi souligne qu’elle requiert des preuves bétonnées qui rendent son application très rare. Quant à l’amputation de la main des voleurs, elle a été omise aux époques de famine. Mais en temps normal? “En temps normal, on n’a pas le droit de changer la loi qui vient du Coran.”
Plusieurs appels au respect et à la charité sont par ailleurs contenus dans le livre saint de l’islam, tient à ajouter M. Elmen-yawi. Ainsi le meurtre, en dehors de situations de légitime défense, est proscrit, et la fraternité avec des non-musulmans est tout à fait possible. Il cite en ce sens la sourate 60. “Allah ne vous défend pas d’être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Car Allah aime les équitables.”
Pour le président du Conseil musulman de Montréal, les passages durs et doux doivent être compris à la lumière les uns des autres, comme pour la Bible. “Les gens jouent un jeu contre l’islam en ne lisant que la moitié des versets”, déplore-t-il.
Les musulmans soulignent aussi que le Coran prône la démocratie, dans la sourate où il est dit que les justes “se consultent entre eux au sujet de leurs affaires”. Par contre, la séparation de la religion et de l’État est impensable dans l’esprit de plusieurs. “Comme on fait appel à un ingénieur pour concevoir un pont, on se réfère à Dieu pour faire des lois”, énonce M. Elmenyawi, utilisant une comparaison fréquente dans le monde musulman.
Conteste-t-on parmi ses congénères sa vision de l’islam? “Très peu, dit-il. Nous sommes certains de ce que nous croyons.”
Les propos d’Ibrahim (prénom fictif), un imam montréalais qui souhaite garder l’anonymat, tendent à confirmer la vérité de cette réponse. “Si je changeais un seul verset du Coran, personne ne viendrait plus à la mosquée et les autres imams, la communauté ne parleraient que de ça”, dit-il, évoquant avec fierté l’unité de la foi musulmane, maintenue grâce à l’apprentissage du Coran par coeur et à une chaîne de transmission qui remonterait jusqu’à Mahomet.
Si les deux hommes condamnent les attentats du 11 septembre, ils se refusent à parler du mouvement islamiste comme d’un phénomène marginal dans le monde musulman. “L’islamisme, c’est un terme trompeur, croit Salam Elmenyawi. Quand on parle de terrorisme, il ne faut pas le couper de ses racines. Les musulmans forment 25 % de la population mondiale, mais 80 % de ses réfugiés…”
L’islamologue Jean-René Milot, de l’UQAM, croit pour sa part que bien des musulmans ont une vision moins stricte de leur religion, mais n’osent pas le dire trop fort. “Il y a des modernistes dans l’esprit, rapporte-t-il, mais peu sont capables de s’affirmer face à l’autorité. Il ne faut pas attendre des leaders qu’ils soient progressistes dans la théorie, même s’ils font un paquet de choses en ce sens dans la vie.”
Illustration(s)
Demers, Ivanoh; Nadon, Robert
Livre saint, table de lois, guide politique: le Coran est “à prendre à la lettre “, pour la plupart des musulmans orthodoxes.ce qui n’empêche pas certains fidèles d’avoir une vision moins stricte de leur religion.
“Les gens jouent un jeu contre l’islam en ne lisant que la moitié des versets”, déplore Salam Elmenyawi, président du Conseil musulman de Montréal.