http://www.barreau.qc.ca/pdf/journal/vol42/201002.pdf / WebArchive – Archive.Today
Les propositions sur le ‘discours haineux’ du projet de loi 59 sont une réponse du gouvernement Couillard à la requête de la CDPDJ de se conformer à des résolutions adoptées par l’ONU et proposées par l’OCI qui visent à bannir la ‘diffamation de la religion’ / critique de l’islam.
Me Jean-C. Hébert : «L’idée de diffamation des religions limite la liberté d’expression. Répétons-le : en terre musulmane, les droits humains sont subordonnés à la loi divine.»
Le 10 juin 2015, le gouvernement Couillard a présenté le projet de loi 59 sur la prévention et la lutte contre les discours haineux. Ce projet de loi répond à une requête que lui avait adressée la Commission des droits de la personne du Québec (CDPDJ) et son président Jacques Frémont en novembre 2014. À l’époque, la CDPDJ avait demandé au gouvernement de lui accorder le pouvoir de poursuivre des individus et des organisations qu’elle considère responsable de discours haineux même quand il n’y a pas de victime spécifique.
Dans une interview accordée à Michel C. Auger le 2 décembre 2014, Jacques Frémont a déclaré que la requête de la CDPDJ au gouvernement pour des changements législatifs se fondait, notamment, sur des résolutions adoptées par des instances des Nations Unies en la matière. Or, ce que M. Frémont n’a pas indiqué, à l’époque, c’est que ces résolutions émanaient de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), une entité qui établit une équivalence entre la critique de l’islam, la diffamation de la religion et le discours haineux. L’OCI regroupe 57 gouvernements musulmans et, ensemble, ils constituent le plus important bloc de pays participant aux votes à l’ONU. En 1990, insatisfaite par la Déclaration universelle des droits de l’homme (que l’Arabie saoudite n’a pas approuvée en 1948), l’OCI a adopté sa propre Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en islam qui affirme la primauté de la charia et qui est incompatible avec la liberté d’expression. Me Jean-C. Hébert, l’auteur de l’article dont nous publions des extraits, fait ressortir cet aspect de la Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en islam dans son texte.
À ce jour, autant sous des gouvernements libéraux que conservateurs, le Canada a systématiquement voté contre les propositions de censure que l’OCI cherche à faire appliquer par les pays non-musulmans membres de l’ONU. Par contre, ces propositions de censure sont implicitement endossées par le président de la CDPDJ, Jacques Frémont, lorsqu’il demande que le Québec se conforme à des résolutions adoptées par des instances de l’ONU qui avaient été proposées par l’OCI. En 2008, le Comité sénatorial canadien sur les droits humains (p. 16 / WebArchive – Archive.Today) souligna que «[L]e Canada s’[est] toujours opposé aux projets de résolution condamnant la diffamation des religions parce qu’ils sont axés sur une seule religion, que la liberté de religion est un droit individuel et non l’apanage d’une religion et que ces résolutions n’abordent pas la question de la liberté d’expression». Il est bon de rappeler que la toute première résolution contre la ‘diffamation de la religion’ en 1999 portait le titre de motion contre la ‘diffamation de l’islam’ (Becket, p. 2). L’OCI en changea le nom dans sa quête d’appui à sa motion de censure.
Me Hébert constate également que «La géopolitique fait en sorte que la conception universaliste des droits humains se heurte à une tendance relativiste et multiculturelle.» On en a eu une preuve patente lorsque le roi du Maroc a inauguré un congrès sur les droits de l’homme en novembre 2014 (auquel assista le président de la CDPDJ) en déclarant que l’universalité des droits de l’homme n’est pas ‘l’expression d’une pensée et d’un modèle unique’. C’est en se fondant sur cette ‘diversité’ de droits de l’homme que le Maroc réprime ses citoyens qui abandonne l’islam, ceux qui refusent de jeúner durant le Ramadan, etc. On cherche encore le carnet de voyage de M. Frémont qui aurait évoqué le relativisme du roi en matière de droits de l’homme au congrès de novembre dernier et déploré ou, à tout le moins, rapporté, les effets négatifs découlant de la ‘diversité’ qui prévaut en matière de droits de l’homme au Maroc.
NOTE : Dans son texte de 2010, Me Hébert réfère à l’Organisation de la conférence islamique (OCI). L’OCI a changé de nom en 2011 pour devenir l’Organisation de la coopération islamique.
Titre original du passage reproduit : À chacun ses droits de l’Homme !
Adresse originale : http://www.barreau.qc.ca/pdf/journal/vol42/201002.pdf / WebArchive – Archive.Today
Auteur : Me Jean-C. Hébert
[EXTRAITS] Affirmée en 1948 dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU, et confirmée en 1993 par la Conférence de Vienne, l’universalité des droits de l’Homme reste pour l’essentiel un objectif fragmenté. La géopolitique fait en sorte que la conception universaliste des droits humains se heurte à une tendance relativiste et multiculturelle, laquelle autorise les États à définir, selon leurs critères, leurs propres droits de l’Homme. […] En 2008, l’Organisation de la Conférence islamique (57 pays musulmans) percevait l’universalité des droits de l’Homme comme un «prétexte pour s’immiscer dans les affaires intérieures des États et porter atteinte à leur souveraineté nationale». Soulignant l’importance qu’attache la pensée islamique à la promotion des droits de l’Homme, le communiqué final du Sommet de Dakar marque la vive préoccupation des pays musulmans à l’égard des «tentatives d’exploiter la question des droits de l’homme pour discréditer les principes et règles de la charia islamique».
Référence : Le Journal du Barreau, Février 2010, p. 12Cette Conférence islamique au Sommet donna naissance à la Déclaration de Dakar. Les États musulmans appellent au «dialogue des civilisations», chrétienne et musulmane, «par l’approfondissement des valeurs que partagent les peuples, l’interdépendance de ceux-ci à travers une coopération féconde, dans le respect des spécificités religieuses et culturelles».
Source d’identité, la religion est devenue une force politique. Entendu : mieux vaut le dialogue que le choc des civilisations ! Mais, appréhender l’humanité dans un carcan religieux laisse songeur. L’universalité des droits de l’Homme serait-elle une jolie fable ?
Diffamation de la religion
Le concept de civilisation permet aux États de marquer leur singularité. Selon le spécialiste de l’islam Olivier Roy / Archive.Today, l’affirmation par des gouvernements que «leur civilisation est différente permet de présenter la démocratie et les droits de l’homme comme des idées purement occidentales, culturelles». À son avis, «la revendication contre la diffamation des religions est construite par des élites qui reprennent un sentiment populaire pour le retourner contre leur propre population».
Née dans la foulée de l’affaire des caricatures de Mahomet, l’idée de diffamation des religions limite la liberté d’expression. Adoptée en 1990, la Déclaration du Caire sur les droits de l’Homme en Islam précise «Tout homme a le droit d’exprimer librement son opinion, pourvu qu’elle ne soit pas en contradiction avec les principes de la charia». Façon de dire que les droits humains sont subordonnés à la loi divine.
Realpolitik oblige ! En phase avec sa politique de la main tendue aux pays musulmans, Barack Obama a convenu avec le président Hosni Moubarak d’Égypte de rapprocher les mouvances occidentale et musulmane. L’automne dernier, au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, les délégations américaine et égyptienne ont coparrainé une résolution déplorant les attaques contre les religions, tout en insistant sur le fait que la liberté d’expression demeure un droit fondamental.
Ce beau geste ne peut gommer la réalité. Dans l’ordre constitutionnel égyptien, l’égalité des femmes et des hommes est garantie «dans les domaines politique, social, culturel et économique, sans préjudice des dispositions de la loi islamique». Répétons-le : en terre musulmane, les droits humains sont subordonnés à la loi divine.
Références supplémentaires
Point de Bascule : Fiche Commission des droits de la personne du Québec (CDPDJ)
Point de Bascule (31 août 2011): La conférence interreligieuse de Montréal: un appel à la censure
Point de Bascule (12 décembre 2014) : La Commission des droits de la personne du Québec désire une modification des lois pour faciliter les plaintes, notamment, contre les sites internet qu’elle juge ‘islamophobes’
Point de Bascule (19 décembre 2014) : Le président de la Commission des droits de la personne a confirmé à Radio-Canada qu’il désire s’en prendre à ceux qui critiquent des idées, à ceux qui critiquent la religion islamique en particulier
Point de Bascule (23 janvier 2015) : En novembre 2014, Jacques Frémont participa à un forum qu’inaugura le roi du Maroc en déclarant que l’universalité des droits de l’homme n’est pas ‘l’expression d’une pensée et d’un modèle unique’
Point de Bascule (30 juin 2015) : 25 mars 2015 – Extraits d’une allocution de Jacques Frémont sur le rôle de la CDPDJ (L’exposé de M. Frémont fait ressortir que la CDPDJ a , à la fois un rôle d’activiste [faire changer les mentalités] et un rôle d’initiateur de poursuites judiciaires contre ceux qui refusent les idées que la Commission veut promouvoir / imposer.)