«Revenir aux sources de l’idée libérale» pour comprendre la nature de la menace islamiste
En décembre 2012, lors de la course à la chefferie du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard suggéra à son parti de «revenir aux sources de l’idée libérale» et de se réclamer des principes qui amenèrent l’ancien premier ministre Adélard Godbout (1892-1956) et T.-D. Bouchard (1881-1962) à s’opposer au fascisme. Il souligna également l’opposition de Jean-Charles Harvey (1891-1967) à l’antisémitisme et l’apport de Wilfrid Laurier (1841-1919).
Philippe Couillard (Le Devoir – 5 décembre 2012) : Revenir aux sources de l’idée libérale / WebArchive – Archive.Today
Harvey et les autres sont de grands oubliés. Il était remarquable que M. Couillard souligne leur contribution en 2012. Dans le cas de Harvey en particulier, il n’y a guère que son biographe Yves Lavertu, Victor Teboul, Lysiane Gagnon et André Arthur qui aient honoré sa mémoire ces dernières années.
En 2000, Lysiane Gagnon suggéra que Harvey avait été «l’un des très rares intellectuels [québécois] de l’avant-guerre à n’avoir jamais cédé à la tentation du fascisme et de l’antisémitisme» et que c’est probablement la raison pour laquelle les élites québécoises compromises avaient fait le silence autour de son œuvre après la guerre.
Lysiane Gagnon (La Presse – 27 mai 2000) : Jean-Charles Harvey, intellectuel libre / WebArchive – Archive.Today
Jean-Charles Harvey mena son combat contre le fascisme en grande partie au journal Le Jour qu’il fonda en 1937.
Le 26 février 1938, un de ses collaborateurs publia un article qui dénonçait l’impotence des pays occidentaux face au fascisme tout en soulignant un parallèle entre le fanatisme de l’Allemagne nazie et «celui des grands jours de l’Islam».
C’est cet extrait du Jour que nous vous présentons. Une reproduction de l’article complet est disponible plus bas.
[EXTRAIT] Toutes les violations aux traités, aux accords librement consentis (comme Locarno), aux promesses qui paraissent les plus sincères, n’avaient pas été suffisantes pour convaincre l’opinion publique en général et celle de certains observateurs et gouvernements en particulier, que l’on ne pouvait pas s’entendre avec l’Allemagne du IIIe Reich, cette Allemagne messianique, entraînée par un fanatisme qui rappelle celui des grands jours de l’Islam. Tous les avertissements avaient été vains. Il fallut quinze ans à l’Angleterre pour comprendre enfin que Mussolini était un adversaire implacable de l’Empire britannique et, cependant, Mussolini est loin d’avoir eu sur l’Italie la même influence que Hitler sur l’Allemagne, brutalement arrachée à la dérive où l’avait conduite l’inflation monétaire qui bouleversa son système économique et social.On voit que ce n’est pas par excès d’impatience que l’on a jugé les dictatures. On a même pris tellement de temps à passer jugement qu’elles se trouvent maintenant avantagées par rapports aux autres pays.
Lentement, implacablement, tout le programme contenu dans «Mein Kampf», cette bible du nazisme, se réalise parce qu’en dépit de tous les avertissements, de toutes les évidences, les peuples et leurs gouvernants ont refusé, parfois systématiquement, de reconnaître les intentions réelles de l’Allemagne hitlérienne, des buts ultimes du national-socialisme pangermanique exacerbé.
Cet article du Jour a été écrit avant la guerre, avant que les camps d’extermination ne soient mis en place, avant qu’une bonne partie de l’Europe ne soit occupée par les nazis. Et pourtant, le Jour a su identifier la menace alors que d’autres la minimisaient, voire l’encourageaient. Dans son hommage de 2000 à Harvey, Lysiane Gagnon rappela que Le Devoir du début des années ’40 n’avait trouvé mieux que de réduire la guerre entre l’Allemagne et l’Angleterre à un «conflit commercial».
Lysiane Gagnon : Alors que Le Devoir trouve normal, voire indiqué, que Vichy impose aux Juifs le port de l’étoile jaune, Harvey dénonce dans son journal Le Jour «l’extermination abominable et systématique» pratiquée dans le ghetto de Varsovie. En 1942, il publie un reportage sur le «calvaire» des Juifs internés au camp de Drancy. On ne savait pas ? Allons donc ! On en savait assez pour s’indigner que des êtres humains puissent être traités de la sorte.
[…] La simple existence d’un Jean-Charles Harvey fait mentir ceux qui prétendent, encore aujourd’hui, que tous ces intellectuels québécois qui ont flirté avec le fascisme étaient d’innocentes victimes de leur époque, ignorantes de ce qui se passait de l’autre côté de l’Atlantique.Harvey a passé toute sa vie dans la même société qu’eux. Il ne disposait d’aucune information privilégiée. Il n’avait même jamais séjourné en Europe, contrairement à un André Laurendeau, par exemple. Triste paradoxe, Jean-Charles Harvey, ce francophile amoureux de la littérature française, n’a jamais pu voir la France, probablement faute de moyens. C’est pourtant lui qui allait avoir raison sur toute la ligne.
En 2016, on n’utilise plus les conquêtes musulmanes du passé pour illustrer la nature de la menace nazie, on utilise les atrocités nazies bien connues pour illustrer la nature de la menace islamiste contemporaine.
Ainsi, lors du Jour du Souvenir de novembre 2015, le premier ministre Couillard a établi un parallèle opportun entre l’État islamique et le régime nazi. Il faut lui en donner le crédit.
Cette journée-là, lors d’une interview accordée à Dominic Maurais de CHOI Radio X (également archivée sur RadioEGO), M. Couillard a également évoqué le souvenir d’un de ses oncles qui a combattu l’occupation nazie de la France et qui a été exécuté par les SS dans les Alpes après avoir été capturé. D’autres membres de la famille de M. Couillard vivant en France occupée ont également été envoyés dans les camps de concentration par les nazis.
Malgré les atrocités bien connues des nazis, des leaders islamistes de premier plan se revendiquent aujourd’hui de l’héritage d’Hitler pour justifier leur propre programme.
Ainsi, le guide spirituel des Frères Musulmans, Youssef Qaradawi, a déclaré qu’Hitler avait été envoyé par Allah pour punir les juifs et il a invité ses partisans à poursuivre là où Hitler avait arrêté. Al-Jazeera / MEMRI
Youssef Qaradawi est le principal idéologue islamiste soutenu par la Qatar Foundation et malgré cela, Jacques Frémont a accepté de participer aux activités de cette fondation en 2009 à titre de vice-recteur de l’Université de Montréal, avant de devenir président de la Commission des droits de la personne du Québec quelques années plus tard. Point de Bascule a consacré un article à l’affaire.
Point de Bascule (12 novembre 2015) : Participation de Jacques Frémont aux activités de la Qatar Foundation en 2009 – Rappel des positions totalitaires de Youssef Qaradawi, le principal idéologue islamiste soutenu par cette fondation
En 2013, Tareq Hawwas (Tariq Al Hawas), un autre exégète musulman impliqué avec la Qatar Foundation / Archive.Today, a dit des juifs que «si Hitler avait pu les achever, ça aurait été un soulagement pour l’humanité» MEMRI / WebArchive – Archive.Today – JihadWatch.
Dans son texte To what do we invite humanity? (À quoi convions-nous l’humanité?), le fondateur des Frères Musulmans, Hassan Al-Banna, a présenté Adolf Hitler comme un modèle aux musulmans en quête de «succès et de fortune».
Le 31 décembre 2015, le président turc Recep Erdogan a présenté l’organisation politique de l’Allemagne nazie comme un exemple de gouvernement efficace pour justifier les changements qu’il compte apporter au régime présidentiel de la Turquie : «Dans un système unitaire (comme la Turquie) un système présidentiel peut parfaitement exister. Il y a actuellement des exemples dans le monde et aussi des exemples dans l’histoire. Ainsi l’Allemagne d’Hitler», a déclaré le président turc Erdogan à son retour d’une visite en Arabie Saoudite. Le Parisien / Archive.Today
En décembre 2012, Justin Trudeau, alors candidat au leadership du Parti libéral fédéral, a été critiqué pour avoir accepté de s’adresser à la conférence islamiste annuelle Reviving the Islamic Spirit (RIS) de Toronto malgré qu’elle soit organisée, depuis une douzaine d’années, par l’infrastructure des Frères Musulmans au Canada et malgré qu’un collecteur de fonds du Hamas, IRFAN-Canada, la commanditait cette année-là.
En plus d’œuvrer à la destruction d’Israël (article 13), en plus de diffuser des émissions qui font l’apologie d’Hitler (2009 – 2013 – 2014), les leaders du Hamas ont fréquemment prôné la conquête islamique de l’Occident ces dernières années (2006/Jan – 2006/Fév – 2008 – 2011 – 2012). En 2011, par exemple, le leader du Hamas, Mahmoud Al-Zahhar, a déclaré à la télévision que la civilisation occidentale «ne sera pas capable de résister au grand et glorieux islam». Le 16 juillet 2013, le Hamas a menacé de lancer des attaques terroristes dans les pays où se trouvent les ambassades d’Israël. Le Canada fait évidemment partie des cibles potentielles.
Dans son discours à la conférence RIS le 22 décembre 2012, Justin Trudeau avait écarté du revers de la main les critiques qui lui étaient adressées et déclaré que l’exemple de Wilfrid Laurier devait servir de modèle pour établir des ponts entre les communautés.
Après la déclaration de Trudeau, Brian Lee Crowley, directeur administratif de l’Institut MacDonald-Laurier, lui avait répondu que «Il n’y a pas de compromis possible avec ceux qui ne partagent pas une vision du Canada qui soit fondée sur la liberté, la règle de droit, l’inclusion, etc. […] Laurier aurait su reconnaître les islamistes comme des personnes qui doivent être écartées et exclues de la recherche d’un terrain d’entente adapté à la vie au Canada», avait conclu ce spécialiste de Laurier.
Il n’y a pas que les islamistes qui aient été inspiré par le nazisme. Hitler, lui-même, confia à son ministre des Armements, Albert Speer, que l’islam triomphant du passé l’inspirait. Speer l’a consigné dans ses mémoires :
Hitler fut fort impressionné par les bribes d’histoire qu’il apprit d’une délégation d’Arabes distingués. Quand les musulmans tentèrent d’atteindre l’Europe centrale en passant par la France au VIIIe siècle, ils furent repoussés lors de la bataille de Tours. Si les Arabes avaient gagné cette bataille, le monde serait musulman aujourd’hui parce que leur religion croit à la propagation de la foi par l’épée et à la subjugation de toutes les nations à cette foi. Les peuples germaniques seraient devenus les héritiers de cette religion. Une telle religion était parfaitement adaptée au tempérament allemand. […] Hitler termina sa spéculation historique en faisant remarquer que «Ce fut notre malchance d’avoir la mauvaise religion. Pourquoi n’avions-nous pas la religion des Japonais qui accorde la plus grande valeur au sacrifice pour la mère-patrie? L’islam aurait également été beaucoup plus compatible avec ce que nous sommes que le christianisme. Pourquoi fallait-il que ce soit le christianisme avec toute sa douceur et sa mollesse?»
Le projet de loi 59, dont le principe a été récemment adopté par le gouvernement Couillard, rendra extrêmement périlleux à l’avenir d’établir ce rapprochement entre la menace islamiste et le nazisme puisqu’il permet à quiconque et à la Commission des droits de la personne du Québec elle-même d’initier des poursuites pour «discours haineux» contre ceux qui tiennent des propos qui pourraient être considérés blessants pour les membres d’une communauté. Les faits et les déclarations de leaders islamistes semblent être devenus sans importance. Pour exempter d’examen les déclarations totalitaires islamistes, il ne suffit plus que d’accuser ceux qui les critiquent de tenir des «discours haineux».
Lysiane Gagnon a d’ailleurs écrit, dans une de ses récentes chroniques, que les dispositions de #PL59 / #Bill59 mèneraient à «un régime de terreur intellectuelle».
On ne se demande pas de quel côté auraient été Jean-Charles Harvey et Wilfrid Laurier dans l’actuel débat sur le projet de loi 59. Leurs prises de position nombreuses et connues en faveur de la liberté d’expression et de la liberté de conscience permettent facilement de répondre à cette question-là. On se demande plutôt comment le retour «aux sources de l’idée libérale» préconisé par Philippe Couillard en 2012 a pu l’amener à mettre en place des mesures qui favoriseront, dans les faits, la principale menace totalitaire de notre époque.
Autant il y avait des Allemands et des Italiens qui n’endossaient pas les ambitions hégémoniques des régimes combattus par Jean-Charles Harvey et les parents de M. Couillard dans le passé, autant il y a des musulmans qui ne partagent pas les ambitions de censure et de conquête des tendances dominantes de l’islam aujourd’hui. Point de Bascule le reconnait et collabore régulièrement avec certains d’entre eux. Ceci étant, ce serait se bercer d’illusions dangereuses que de nier l’existence d’une menace islamiste violente et non-violente en se fondant sur la présence de ces voix courageuses, certes, mais isolées et sans grands moyens.
Références supplémentaires
Point de Bascule (11 novembre 2015) : Le premier ministre Philippe Couillard fait un ‘amalgame’ très opportun entre l’État islamique et le nazisme lors du Jour du Souvenir
Point de Bascule: [EXTRAITS] Nous sommes d’accord avec le premier ministre Couillard au sujet du parallèle opportun qu’il établit entre l’État islamique et le régime nazi. Cependant, nous croyons que la liberté d’expression est indispensable pour combattre l’État islamique et la menace islamiste en général. Voici pourquoi nous nous opposons au projet de loi 59 sur le soi-disant ‘discours haineux’ qu’il a présenté en juin 2015.
[…] Le nazisme a été vaincu parce que des actions opportunes ont été prises après que cette idéologie ait été analysée et comprise. À moins que la doctrine et les concepts partagés par les islamistes puissent être discutés et étudiés librement sans crainte de poursuites pour «discours haineux», les attaques terroristes vont continuer et la menace islamiste va s’intensifier.
Brigitte Pellerin (Toronto Sun – 23 décembre 2012) : Brian Lee Crowley : «L’esprit de Wilfrid Laurier aurait dû amener Justin Trudeau à s’éloigner des islamistes»
Lysiane Gagnon (La Presse – 17 septembre 2015) : Un projet liberticide / WebArchive – Archive.Today – Point de Bascule (Commentaire contre le projet de loi 59)
André Arthur (CHOI RadioX – 16 novembre 2015) : AUDIO Commentaire sur un deuxième projet de censure d’internet du gouvernement Couillard
La Presse (24 novembre 2015) : Lysiane Gagnon revient à la charge et déclare qu’avec #PL59 / #Bill59, le gouvernement Couillard «nous prépare un régime de terreur intellectuelle»
André Arthur (CHOI RadioX – 15 décembre 2015) : AUDIO Compte-rendu d’un article américain sur la menace islamiste au Canada