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La Commission des droits de la personne du Québec n’a pas été la première entité gouvernementale à recommander l’adoption de nouvelles dispositions comme celles prévues par le projet de loi 59 pour censurer les discours dits ‘islamophobes’. Dès 2008, dans son rapport final, la Commission Bouchard-Taylor a recommandé «Que des initiatives exceptionnelles soient prises pour lutter contre l’islamophobie» (p. 270). Jamais, dans leur rapport cependant, les commissaires n’ont fait la moindre allusion au fait que le concept d’islamophobie avait été concocté par l’infrastructure des Frères Musulmans aux États-Unis précisément pour faire passer les critiques du projet islamiste pour des racistes.
Un rapport de recherche commandé par la Commission Bouchard-Taylor et produit par la sociologue Maryse Potvin de l’UQAM avait même recommandé de donner des pouvoirs accrus au CRTC et au Conseil de presse pour punir les médias qui porteraient atteinte à la «cohésion sociale» (p. 213), notamment en leur interdisant de publier «pendant un certain nombre de jours» (sic) !
A la page 250 de leur rapport final, les commissaires proposèrent plutôt de «donner beaucoup plus de moyens» à la CDPDJ (de juridiction québécoise) plutôt qu’au CRTC, de juridiction fédérale.
Comme elle l’affirme aujourd’hui au sujet des dispositions de censure du #PL59, Lysiane Gagnon de La Presse a écrit des propositions de Maryse Potvin de 2008 qu’elles «évoquent ce qui se passe dans les régimes totalitaires».
Dans leur rapport, les commissaires Bouchard et Taylor avaient également proposé de limiter le débat sur la menace islamiste en en faisant quasiment une chasse-gardée de la police : «Qu’on laisse aux forces policières le soin de débusquer la menace terroriste là où elle se trouve – s’il s’en trouve. Pour le reste, les Québécois ont le devoir de traiter équitablement les citoyens sans reproche» (p.234).
Comme nous avons eu l’occasion de l’indiquer dans un article précédent, une grande partie des activités menées par les islamistes ne sont pas illégales et n’impliquent pas nécessairement le recours à la violence mais n’en doivent pas moins d’être remises en question. La police et les autres services de sécurité n’ont ni le mandat, ni les ressources pour traiter en profondeur de ce que les islamistes appellent le «jihad par la parole» («jihad of the tongue» / Cliquez sur l’image).
Il est indiqué de rappeler que le Forum musulman canadien (transcription – vidéo) et le Conseil musulman de Montréal de l’imam Elmenyawi (transcription – vidéo), qui ont récemment défendu la censure des critiques de l’islam durant les consultations publiques sur #PL59, comptaient parmi les signataires d’un communiqué d’appui aux recommandations de la Commission Bouchard-Taylor en 2008.
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Auteur : Lysiane Gagnon
Référence : La Presse, 17 septembre 2015
Titre original : Un projet liberticide / WebArchive – Archive.Today
Ça commence bien. Devant la commission parlementaire qui étudie le projet de loi contre les « discours haineux », l’imam Adil Charkaoui accuse la députée Nathalie Roy de tenir des propos « empreints de haine ». Cette dernière avait dit que M. Charkaoui n’était pas représentatif de la communauté musulmane (ce qui est parfaitement exact – et fort heureux).
On voit déjà à quel point certains ont une conception élastique du concept de « haine », et à quelles dérives peuvent aboutir les procès pour « discours haineux ». Mais cela n’est que la pointe de l’iceberg.
Le projet de loi 59 est un projet liberticide indigne d’un gouvernement libéral (dans les deux sens du mot), dont on ne comprend pas qu’il ait pu être conçu, approuvé, puis déposé en Chambre sans que personne n’y mette le holà. La ministre de la Justice est de toute évidence dépassée par la question, mais le premier ministre Couillard, lui, n’est-il pas capable de comprendre la portée des dispositions hallucinantes de ce projet ?
Ce texte n’est pas à amender, comme l’a promis la ministre. Il est à jeter aux orties. D’abord parce qu’il fait double emploi, pour ce qui est de la répression de la violence, avec le Code criminel canadien. Ensuite, parce qu’il constitue une attaque contre la liberté de parole sans équivalent en Amérique du Nord.
L’engrenage a commencé avec l’idée pernicieuse que le gouvernement devait contrebalancer les mesures envisagées contre la « radicalisation » des jeunes tentés par l’aventure mortifère du djihad. Autrement dit, qu’il fallait « apaiser » les musulmans en leur donnant une loi qui les protégerait de l’islamophobie.
Comme si l’islamophobie était un danger analogue au terrorisme ! Comme si l’ensemble des musulmans s’identifiait aux extrémistes islamistes !
Deuxième étape : tant qu’à légiférer contre l’islamophobie, pourquoi ne pas légiférer contre les propos qui vexeraient d’autres minorités ? Il y en a beaucoup, par les temps qui courent, et elles sont toutes promptes à voir dans la moindre critique du « dénigrement », du « mépris » ou de la « haine ». Donc, on élargit le champ des plaignants potentiels à tout le monde (sauf aux hommes blancs) : les transgenres, les vieux, les femmes, les gais, les autistes, les autochtones, les immigrants, les minorités visibles, les croyants, ainsi de suite.
Arrive ensuite dans le portrait la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec, qui attendait depuis longtemps l’occasion d’étendre son champ de juridiction déjà pourtant très vaste. « Donnez-nous donc la responsabilité de séparer le bon grain de l’ivraie, de faire le tri entre les bien-pensants et les mauvais esprits ! », de suggérer métaphoriquement la Commission au gouvernement. Et ce dernier d’obtempérer.
Le projet de loi octroie à la CDPJQ des pouvoirs exorbitants : la Commission, déjà connue pour sa rectitude politique et sa culture congénitalement opposée à la liberté de penser, instituera une procédure de dénonciation et d’enquête qui échappera aux règles judiciaires normales grâce à des pouvoirs analogues à ceux d’une commission d’enquête. Tout en assurant l’anonymat des plaignants, elle pourra ordonner la cessation des discours jugés répréhensibles (par exemple, ordonner à un chroniqueur accusé d’islamophobie de cesser d’écrire sur le sujet).
Après quoi, son tribunal, déjà fameux pour ses excès de zèle, passera à l’action. Les mauvais esprits seront sujets à des amendes pouvant aller jusqu’à 20 000 $, et, au cas où leur réputation n’aurait pas été suffisamment démolie par les procédures, leur nom sera inscrit sur une liste diffusée sur internet – la liste de la honte – pour une durée déterminée par le même Tribunal.
C’est du totalitarisme pur. De quoi accabler la société d’une chape de plomb faite de censure et d’autocensure. De quoi éliminer le peu de débats et de confrontations d’idées qui subsistent au Québec.
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Références supplémentaires
Sheema Khan (Globe and Mail – 15 septembre 2005) : La charia mérite un examen équitable [Article en anglais / La présidente-fondatrice du Conseil national des musulmans canadiens (l’ancien CAIR-CAN) condamne Lysiane Gagnon pour s’être opposée à la reconnaissance des tribunaux islamiques en droit familial.]
Lysiane Gagnon (La Presse – 31 mai 2008) : Les propositions de censure d’un rapport commandé par la Commission Bouchard-Taylor évoquent ce qui se passe dans les régimes totalitaires
Lysiane Gagnon (La Presse – 31 mars 2011) : Des insurgés inquiétants
La Presse (29 janvier 2013) : Lysiane Gagnon réagit aux liens de Philippe Couillard avec l’Arabie saoudite
La Presse (16 novembre 2013) : Lysiane Gagnon déclare qu’évoquer une menace islamiste au Canada relève de la paranoïa
Point de Bascule : FICHE Commission des droits de la personne du Québec / Plusieurs articles de Point de Bascule sur diverses facettes du projet de loi 59
Point de Bascule : FICHE Commission des droits de la personne du Québec / Références générales sur le projet de loi 59