En 2004, Bombardier refusa d’entraîner Javed Latif pour piloter ses avions Challenger 604 en invoquant que les États-Unis le considérait comme un risque à la sécurité. La CDPDJ accepta d’intenter une poursuite au nom de Javed Latif et, en 2010, le Tribunal des droits de la personne du Québec condamna Bombardier à payer des dommages moraux et punitifs s’élevant à plus de 319 000 $. Le Tribunal avait conclu que Latif, originaire du Pakistan, avait été victime de discrimination fondée sur son origine ethnique et nationale. Communiqué de la CDPDJ de 2010 / WebArchive – Archive.Today
La Cour d’appel du Québec renversa cette décision en 2013.
Le 1er mai 2014, au moment où la Cour Suprême accepta d’entendre l’appel de la CDPDJ, son président Jacques Frémont décrivit l’enjeu de la façon suivante :
Jacques Frémont : Pour la première fois, la Cour suprême se penchera sur l’appréciation de la preuve dans un contexte de profilage racial ainsi que sur l’application par une entreprise québécoise à un citoyen canadien de règles étrangères de sécurité, à l’encontre de la législation québécoise et canadienne en matière de droits et libertés de la personne. Communiqué de la CDPDJ / WebArchive – Archive.Today
La Cour Suprême vient de rejeter les arguments de la CDPDJ en faisant valoir que le Tribunal des droits de la personne (et, par implication, la CDPDJ) n’avait pas d’éléments pour conclure que les autorités américaines avaient pris leur décision pour des motifs discriminatoires et non pour des motifs légitimes de sécurité.
Titre original : Discrimination envers un pilote: la Cour donne raison à Bombardier / WebArchive – Archive.Today
Auteure : Lina Dib
Référence : La Presse, 23 juillet 2015 (La Presse canadienne)La Cour suprême du Canada maintient que Bombardier (T.BBD.B) n’a rien fait de mal en refusant une formation à un pilote canadien d’origine pakistanaise parce que les États-Unis le considéraient comme une menace à la sécurité.
Dans un jugement unanime, le plus haut tribunal du pays rappelle que Bombardier a pris sa décision seulement en raison du refus du Départment de justice américain d’autoriser la formation du pilote. Mais rien, écrivent les juges Richard Wagner et Suzanne Côté au nom de l’ensemble du tribunal, ne prouve que la décision américaine avait un motif discriminatoire.
On ignore, en fait, pourquoi les autorités américaines considéraient ce pilote comme une menace à la sécurité.
«Vu la preuve dont il disposait – en fait, vu l’absence de preuve – le Tribunal ne pouvait raisonnablement statuer que l’origine ethnique ou nationale de M. Latif avait un lien avec la décision des autorités américaines», peut-on lire dans le jugement publié jeudi matin.
Javed Latif avait gagné la première manche de cette bataille juridique en décembre 2010. Le Tribunal des droits de la personne lui avait alors accordé 319 000 $ en compensation.
Le tribunal avait jugé que d’appliquer l’étiquette américaine à M. Latif était une violation de ses droits.
Par la suite, la Cour d’appel du Québec avait renversé le jugement, donnant plutôt raison à Bombardier.
Le plus haut tribunal du pays maintient donc cette décision.
«La responsabilité de l’entreprise n’a (…) pas été prouvée selon les prescriptions de l’art. 10 de la Charte (québécoise des droits et libertés de la personne)», écrivent les juges Wagner et Côté.
En 2004, M. Latif, qui était déjà pilote, a reçu une offre d’emploi pour piloter un Challenger 604. Il a d’abord demandé à Bombardier de lui dispenser la formation nécessaire, sous sa licence américaine. Comme il était sur une liste américaine de possibles menaces, Bombardier lui a refusé la formation.
Il a demandé alors de suivre la formation sous sa licence canadienne. Même refus de Bombardier, toujours motivé par la désignation américaine de M. Latif comme un risque à la sécurité des États-Unis.
Jusqu’en août 2008, M. Latif a été obligé de changer plusieurs fois d’emploi et s’est retrouvé sans travail un certain temps, jusqu’à ce que les Américains lui retirent sa désignation de menace.
Après 2008, donc, le pilote a pu suivre des formations chez Bombardier et reprendre son travail.
Dans son jugement, la Cour suprême fait une mise en garde. «La conclusion à laquelle nous arrivons dans la présente affaire ne signifie pas qu’une entreprise peut se faire le relais aveugle d’une décision discriminatoire émanant d’une autorité étrangère sans engager sa responsabilité au regard de la Charte.»
Cette mise en garde réjouit l’avocat du pilote. «Si vous appliquez au Canada des décisions étrangères qui sont discriminatoires, (…) vous ouvrez la porte à un recours en vertu d’une charte», souligne Me Mathieu Bouchard.
À la division aéronautique de Bombardier, on se dit «heureux» du jugement, estimant que cette cause a toujours été sans fondement. «Nous gérons toujours nos affaires avec intégrité et de manière éthique», a assuré Anna Cristofaro, conseillère en relations publiques à la compagnie.
À la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, on préfère ne faire aucun commentaire.
Références supplémentaires
Point de Bascule : Fiche Commission des droits de la personne du Québec (CDPDJ)
Point de Bascule (21 juillet 2015) : En marge de #PL59 – En 2010 à Toronto, Elie Wiesel et Salman Rushdie ont participé à un débat sur la liberté d’expression dans lequel ils se sont opposés sur le droit de nier l’existence de l’Holocauste
Point de Bascule (23 juillet 2015) : En marge de #PL59 – Neuf citations en faveur de la liberté d’expression et neuf citations justifiant sa restriction
Point de Bascule (13 juillet 2015) : De la notion de ‘blasphème’ de l’OCI à celle de ‘discours haineux’ de la CDPDJ : L’origine des mesures de censure incluses dans le projet de loi 59 au Québec