«L’Occident a contribué de manière significative à la montée de l’islamisme par sa naïveté, son ignorance et sa réticence à déclarer publiquement que l’islamisme est une idéologie inacceptable dans les démocraties libérales. S’il échoue à exiger des immigrants musulmans qu’ils respectent les valeurs occidentales, l’Occident fera face au démantèlement insidieux des valeurs et de la culture politique qui font une société libre». – Salim Mansur
Nous traduisons le texte de la communication livrée par le torontois Salim Mansur au colloque du Fraser Institute sur la politique canadienne d’immigration tenu à Montréal les 4 et 5 juin dernier. Pour faciliter la lecture, nous avons omis les nombreuses références et notes de bas de page. Nous joignons le texte intégral de sa communication (en anglais) au bas de l’article, que vous pouvez consulter en ligne ou télécharger.
Salim Mansur, Ph.D., est professeur agrégé de sciences politiques à l’Université Western en Ontario. Il écrit pour le London Free Press, le Toronto Sun, ProudToBeCanadian.ca, et de nombreuses publications, y compris National Review, the Middle East Forum et Frontpagemag. Il présente souvent des analyses sur le monde musulman, l’Islam, l’Asie du Sud, et le Moyen-Orient.
Il est membre du conseil d’administration du Center for Islamic Pluralism basé à Washington, DC, et Senior Fellow du Canadian Coalition for Democracies.
Voir du même auteur, L’Occident doit soutenir une réforme de l’islam; et Le multiculturalisme n’est pas viable, ainsi que “Nous, musulmans, avons du travail à faire”.
Nous vous suggérons comme lecture complémentaire: Le multiculturalisme et sa haine de toute identité nationale détruit la Grande-Bretagne, par Theodore Dalrymple, et Les mosquées américaines envahies par la propagande saoudienne haineuse – Partie 1 et Partie 2; ainsi que: La Ligue Islamique Mondiale propage l’islam wahhabite au Canada.
Immigration et musulmans, les extrémistes dans le monde Post-11/9, par Salim Mansur
Les meilleurs moyens de lutter contre les extrémistes musulmans en Occident dans le monde post-11/9 du terrorisme islamiste sont la collecte de renseignements, la police, et les services de sécurité. Il existe en outre d’autres moyens dans l’ensemble de la communauté qui peuvent aider le travail de première ligne. Ces moyens sont notamment la «guerre des idées» qui doit être menée contre l’extrémisme au sein du monde arabo-musulman et dans les communautés musulmanes en Occident grâce à nos médias, nos institutions sociales et politiques et notre système d’éducation.
Ce chapitre mettra l’accent sur ce que je décris comme un exercice de «sociologie de l’immigration», car il contribue à expliquer l’origine et la croissance de l’extrémisme dans les communautés musulmanes immigrées en Occident. Cet aspect de la question est souvent négligé. La nature de l’immigration au Canada et dans d’autres démocraties libérales occidentales doit être réexaminée, de même que la mesure dans laquelle l’immigration et l’extrémisme – dans ce chapitre, l’extrémisme musulman – sont connectés.
A propos de l’immigration
Il y a consensus, dans les études sur l’immigration, sur la nature et
les causes des migrations. Les troubles civils et les guerres, les inégalités socio-économiques, et la pauvreté sont parmi les principaux facteurs qui poussent des individus à traverser les frontières politiques ou géographiques. Les besoins du marché en main-d’oeuvre qualifiée et non qualifiée, les besoins démographiques en termes de maintien ou d’accroissement du niveau de population, et les avantages des pays riches, sont les facteurs qui incitent les gens à se déplacer des zones défavorisées du monde vers les zones prospères.
Le Canada a été bien servi par l’immigration à diverses étapes de son
Histoire, par exemple, au cours du peuplement de l’Ouest dans la première partie du XXe siècle. Alors que des questions ont été soulevées en ce qui concerne l’avantage économique net de l’immigration pour le Canada au cours des 25 dernières années à mesure que les revenus des immigrants ont chuté bien en-deça de ceux des Canadiens de naissance et des immigrants de plus longue date, les Canadiens en général n’ont pas remis en question les politiques d’immigration pour des raisons économiques. La perception de l’immigration comme un phénomène à somme nulle est fondée, pour la plus grande partie, sur la culture et la race, plutôt que l’économie. Mais depuis les années 1960, le mérite de tels arguments a été largement écarté dans les démocraties libérales d’Europe et d’Amérique du Nord en faveur des arguments économiques.
Toutefois, rappelons-nous les avertissements de Enoch Powell, un député britannique, qui ont été exprimés de la manière la plus convaincante dans son discours profondément controversé du 20 avril 1968 lors d’un rassemblement du Parti conservateur à Birmingham. Quatre décennies plus tard, son discours est le plus souvent évoqué pour rappeler combien il a été considéré incendiaire par ses pairs. Mais le principal message du discours de Powell était de montrer comment l’immigration illimitée modifiait inexorablement et de manière immuable la nature de la société britannique. Pour Powell, c’était une question de nombre: «compte tenu de l’importance du nombre, les conséquences de l’introduction d’un élément étranger dans un pays ou une population sont profondément différents selon que cet élément représente 1% ou 10%».
Les avertissements de Powell n’ont pas été entendus et il a été retiré du cabinet conservateur fantôme. Sa carrière politique n’a jamais récupéré de la controverse suscitée par ses remarques, même s’il y a eu beaucoup de soutien pour son point de vue parmi les électeurs. Aujourd’hui, les paroles de Powell ont une obsédante actualité en Grande-Bretagne, qui a été secouée par «le terrorisme d’origine domestique» (homegrown) et les attentats suicides à Londres en juillet 2005. Cette dernière attaque terroriste a été perpétrée par des extrémistes musulmans nés en Angleterre.
Profil comparatif de l’immigration dans le deuxième siècle global
Voyons brièvement certains éléments saillants de l’immigration pour mettre en contexte le consensus sur la question, et montrer pourquoi les problèmes de sécurité ont mis ce consensus à mal depuis le 11/9. Dans cette discussion, je vais m’appuyer sur les travaux de Jeffrey Williamson (2005) et les chiffres sur les migrations massives qu’il a compilés.
Williamson fait observer que le monde connaît le deuxième «siècle global», qui a commencé vers 1950. Dans cette optique, le premier siècle global (sur la base des années pour lesquelles des chiffres sont disponibles) a commencé autour de 1820 et a pris fin avec la Première Guerre mondiale.
Durant le premier siècle global, les obstacles au commerce et aux flux de main-d’oeuvre et de capitaux ont diminué, contribuant à répandre la prospérité. Entre 1914 et 1950, il y a eu un recul des acquis du premier siècle global à la suite de guerres et de la dépression économique. Dans le second siècle global, des efforts accrus et concertés ont été réalisés pour remédier aux ruptures ayant mis fin au premier siècle global. La fin de la guerre froide a accéléré le rythme de ce deuxième siècle global et la mondialisation est devenue un phénomène irréversible.
En termes d’immigration, ou de migrations massives des régions pauvres vers les régions prospères dans le deuxième siècle global, Williamson note que l’augmentation annuelle des immigrants vers l’Amérique du Nord et l’Europe a été graduelle jusqu’au milieu des années 1970, après quoi elle a fortement augmenté à un million d’immigrants par an dans les années 1990.
Comme l’écrit Williamson, «les nombres absolus étaient alors similaires à ceux atteints au cours de l’ère de la migration massive un siècle plus tôt, mais ils étaient plus petits par rapport aux populations des pays de destination qui ont dû les absorber». Ses chiffres montrent que, contrairement à la croyance populaire, le nombre d’immigrants entrant aux États-Unis en pourcentage de la population demeure bien en deçà du sommet atteint dans le premier siècle global. Comme Williamson note, «le taux annuel d’immigration est passé de 11,6 immigrés pour mille dans les années 1900 à 0,4 immigrés pour mille dans les années 1940, avant de remonter à 4 immigrés pour mille dans les années 1990».
Comme la proportion des personnes nées à l’étranger par rapport à la population de souche a changé, les effets des flux d’immigration se sont fait sentir dans le pays d’accueil. Entre 1965 et 2000, le pourcentage de la population totale d’un pays d’accueil qui est née à l’étranger a augmenté de 6% à 13% en Amérique du Nord, et de 2,2% à 7,7% en Europe. La composition de la zone source des immigrants légaux aux États-Unis au cours de cette période a également changé de façon spectaculaire.
Plus de la moitié de ceux qui ont immigré entre 1951 et 1960
étaient originaires d’Europe, environ 40% étaient originaires des Amériques (de ce nombre, plus de 25% provenaient du Mexique), et un peu plus de 6% venaient d’Asie. Entre 1991 et 2000, la composition de la région-source a montré un fort déclin de l’Europe à environ 15%, une augmentation à moins de 50% des Amériques (les Mexicains représentent la moitié de ce nombre), et une augmentation dramatique (plus de cinq fois) du nombre d’immigrants en provenance d’Asie, à 30,7%. Dans la même période, le nombre d’immigrants en provenance d’Afrique a également augmenté de façon spectaculaire (plus de six fois) de 0,6% à 3,9%.
Les chiffres pour le Canada fournis par Statistique Canada sont comparables à
ceux des États-Unis. En 1961, 85,71% des immigrants au Canada provenaient de l’Europe et 2,0% de l’Asie. En 2001, 42,0% provenaient de l’Europe et 36,5% de l’Asie. L’immense augmentation du nombre des Asiatiques arrivant en Amérique du Nord après 1970 peut s’expliquer en partie par des facteurs comme les guerres et la recherche de possibilités économiques, comme dans d’autres périodes de forte croissance des migrations. Mais l’augmentation a également coïncidé avec une révolution du transport transcontinental qui a mis en service des avions gros porteurs. Une conséquence a été un changement spectaculaire de l’économie du voyage. Tout d’abord, le coût des voyages a diminué en dépit de hausses des prix du pétrole en 1973-1974 et 1979, et, plus tard, l’augmentation constante des prix du carburant au cours du dernier quart du vingtième siècle. Deuxièmement, le temps des déplacements transcontinentaux et transocéaniques par avion est une fraction du temps passé à voyager par voie maritime avant l’introduction d’avions gros porteurs dans les années 1960.
Nous n’avons pas encore étudié les implications de ce changement révolutionnaire dans les déplacements des personnes et ce que cela signifie pour les migrations et les pays d’accueil. Nous devons tenir compte de ces incidences afin de déterminer si les mots «immigrés» et «immigration» ont le même sens que celui qu’ils avaient avant 1960, ou si nous devons introduire de nouveaux termes comme «travailleur migrant». Dans une économie mondiale, ces termes peuvent fournir une meilleure compréhension des raisons pour lesquelles les nouveaux arrivants – en particulier parmi les communautés musulmanes en Amérique du Nord et en Europe – résistent à l’assimilation ou à l’intégration dans la culture politique du pays d’accueil.
Communautés immigrées musulmanes au Canada et aux États-Unis
Le nombre de musulmans au Canada et aux États-Unis en pourcentage
de la population totale est encore très faible, mais montre la croissance la plus rapide parmi les groupes religieux dans ces pays. Une récente recherche du Pew Centre sur les musulmans américains a estimé que le nombre des musulmans aux États-Unis, sur la base des données du Census Bureau, est de 2,35 millions – soit 0,8% d’une population totale de plus de 302 millions. Deux-tiers (65%) des adultes musulmans aux États-Unis sont d’origine étrangère, et 39% ont immigré aux États depuis 1990.
Comme aux États-Unis, les données du Canada tirées du recensement montrent une forte augmentation des nouveaux arrivants musulmans dans les années 1990. En 1991, il y avait 253.265 musulmans canadiens, soit 0,9% de la population totale. Dix ans plus tard, la population musulmane a doublé. En 2001, il y avait 579.640 musulmans canadiens, ce qui représente 2,0% de la population canadienne (Statistique Canada, 2003). En 2006, on estimait à 700.000 le nombre de musulmans canadiens, soit 2,2% de la population. L’âge médian des musulmans canadiens est de 28 ans – le plus jeune au pays basé sur l’appartenance religieuse – ce qui signifie qu’ils ont le potentiel de croissance le plus rapide de toutes les communautés religieuses.
Des immigrants ou des travailleurs migrants
Dans le sens classique ou traditionnel du terme, un immigrant est une personne qui quitte son pays d’origine – quelle que soit la combinaison de facteurs qui le poussent – pour un pays hôte choisi, avec l’engagement d’adopter ce pays de façon permanente comme sa patrie dans le sens le plus large, soit accepter ses valeurs, participer à sa culture politique, et lui donner sa loyauté sans réserve.
Avant la Seconde Guerre mondiale et pendant un certain temps jusque dans les années 1950, voyager par train ou par bateau prenait de nombreuses semaines et entraînait des frais considérables. Ceci contribuait à l’aspect psychologique de la prise de décision d’émigrer. Il existe de nombreuses histoires poignantes de ces voyages – les histoires de ceux qui ont quitté leur patrie avec un certain degré de certitude de ne jamais revenir, et leur anticipation de nouvelles terres et des défis liés à la colonisation et à l’assimilation. L’immigration impliquait de couper des liens pour entrer dans un monde nouveau. Un immigrant était, la plupart du temps, débordant de reconnaissance pour les possibilités qui s’offraient à lui et qui n’existaient pas ou qu’il s’était vu refuser dans son pays d’origine.
En revanche, un travailleur migrant reste situé dans deux pays: son pays natal et son lieu de travail. Il n’a pas à faire les choix que fait un immigrant, et son pays d’accueil ne lui demande pas de faire ces choix dans la mesure où sa présence est reconnue comme temporaire.
Un travailleur migrant n’est pas un phénomène nouveau, bien que la mondialisation a contribué à l’augmentation de l’offre et de la demande pour des travailleurs migrants. Par exemple, ce phénomène est apparent dans les riches États pétroliers du Golfe Persique où l’économie est soutenue par les travailleurs migrants.
Mais que se passe-t-il lorsque le pays hôte admet les travailleurs migrants et
leur permet de rester comme immigrants? Ce phénomène des travailleurs migrants qui deviennent immigrants peut être observé dans la grande vague de migrations vers Europe au cours des dernières décennies, et la dissonance entre les attentes du pays hôte et le comportement des nouveaux arrivants.
Cette poussée a eu lieu alors que les facteurs incitant à émigrer et les facteurs d’attraction des pays hôtes ont coïncidé. Au cours des 30 dernières années, le phénomène des États en déroute ou quasi-déroute est à l’origine d’une augmentation spectaculaire des facteurs d’incitation à émigrer, résultant en une forte augmentation des migrants en provenance de pays d’Asie et d’Afrique du Nord qui ont une population à majorité musulmane. L’impact de la révolution dans les transports a également eu lieu au cours de cette période. Cette révolution permet à une personne en Asie, par exemple, de prendre son petit-déjeuner à Karachi, et son dîner à New York ou Toronto le même jour.
En outre, le processus auquel l’immigrant doit faire face dans son pays d’accueil n’exige généralement pas de lui qu’il se soumette au même type de préparation que les immigrants d’une époque antérieure. Les documents fournis par le pays hôte, qui peuvent inclure l’accès rapide à la citoyenneté, peuvent, dans certains cas, être des documents de complaisance qui permettent aux immigrants de résider dans leur pays d’adoption et d’y gagner de l’argent, tout en étant capables de demeurer connectés à leur pays natal avec lequel ils n’ont pas coupé le cordon ombilical. La plupart des pays d’accueil ne leur demandent pas de le faire.
Le dilemme du pays hôte
Depuis la fin des années 1960, les pays d’accueil, particulièrement ceux d’Europe de l’ouest, – ont été coincés par des changements dans les débats politico-culturels internes, et par l’arrivée de nouveaux venus qui sont pour la plupart de régions du monde qui étaient autrefois des colonies du pays hôte.
En questionnant le passé colonial impérialiste de leur pays, ainsi que le racisme, le fascisme, et les guerres, les gens de la génération des années 1960 en Occident ont commencé à remettre en cause des pans de leurs identités nationales respectives. Lorsque le déconstructionnisme est devenu à la mode, la déconstruction de l’héritage des Lumières dans l’Europe moderne et en Amérique du Nord a privé l’Occident de sa capacité à faire face à l’opposition culturelle de groupes marginaux et de sociétés en développement. Avec le temps, l’affaiblissement de l’identité de l’Occident a laissé un vide à combler. Depuis que les sociétés occidentales libérales démocratiques sont devenues plus réticentes à exiger que les nouveaux venus adoptent une partie ou l’ensemble de leur identité – cette identité étant soumise à un réexamen critique – ces nouveaux venus sont livrés à eux-mêmes pour former leur vision d’eux-mêmes dans des pays étrangers.
Il a été dit qu’il y a un trou au centre du libéralisme, car il ne permet pas de régler la question de l’identité collective (Fukuyama, 2006). Le libéralisme classique portait sur l’acquisition et la défense de la liberté individuelle contre l’emprise du collectivisme – soit la politique organisée autour de l’identité des tribus, des nations, des castes, des classes, de l’église ou de la mosquée. Le libéralisme classique est aussi un produit de l’Europe chrétienne. Au moment où les Européens renonçaient à leur identité nationale dans l’ère post-chrétienne, ils ont dû faire face au problème de concilier leur libéralisme et la laïcité avec l’identité collective d’un groupe de nouveaux arrivants – notamment des musulmans – qui est fondée sur leur religion.
La réponse libérale au problème est venue sous la forme du multiculturalisme,
une idée promue vigoureusement au Canada, malgré les protestations des élites du Québec qui voulaient que le pays reste biculturel.
Le multiculturalisme offrait la perspective fascinante de faire évoluer l’Occident post-chrétien vers une société ouvertement pluraliste dans laquelle les différentes cultures pouvaient coexister harmonieusement en toute égalité, sans avoir à adopter le «melting pot» des États-Unis.
Cette politique du multiculturalisme est une invitation aux nouveaux arrivants de maintenir leurs propres valeurs religieuses et culturelles, et embrasse le relativisme culturel, soit la conviction que toutes les cultures sont égales. Les libéraux occidentaux sont convenus que, compte tenu de
l’histoire de l’Europe et de l’Amérique du Nord, l’Occident ne possédait pas l’autorité morale d’exiger que les immigrants réforment leurs valeurs culturelles conformément aux valeurs du pays hôte pour être acceptés comme des membres égaux dans les sociétés occidentales.
Mais le silence du libéralisme sur l’identité de groupe et les droits collectifs n’était pas un oubli. C’était une reconnaissance du fait que lorsque l’individu et le groupe entrent en conflit, la liberté de l’individu a priorité. En favorisant le multiculturalisme, les libéraux occidentaux ont commencé à saper le libéralisme, car tous les groupes n’adoptent pas également les valeurs libérales, et les musulmans, en particulier, résistent à l’idée des droits de la personne et de l’égalité des sexes.
Dans la pratique, le multiculturalisme a évolué vers un monoculturalisme pluriel qui permet à des groupes culturels de se retirer dans leurs propres espaces. L’effort des musulmans en Occident pour obtenir la reconnaissance juridique de leurs droits collectifs – l’application de la charia (loi islamique) – en se fondant sur le principe du multiculturalisme n’est pas surprenant. Refuser la demande des musulmans tout en souscrivant au multiculturalisme, complique encore le problème libéral.
Le 11/9 et le terrorisme d’origine domestique
Les récentes attaques terroristes islamistes sur la ville de New York et Washington, DC, ont été suivies par des attaques terroristes à Madrid, Amsterdam (le meurtre de Theo van Gogh), Londres et ailleurs, et par des émeutes en France.
Depuis le 11/9, il y a eu aussi un certain nombre de complots terroristes aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Canada qui ont été déjoués. Tous ces événements ont leurs racines dans la politique et les bouleversements politico-culturels dans le monde arabo-musulman.
Lorsque quatre kamikazes musulmans nés en Grande-Bretagne ont attaqué Londres le 7 Juillet 2005, Tony Blair, Premier ministre de Grande-Bretagne, a exprimé clairement son point de vue sur l’origine et la propagation de l’islamisme (la conversion de l’islam d’une tradition de foi en une idéologie politique avec un accent sur le djihad, ou la guerre sainte) en parlant de la radicalisation de Musulmans qui font la guerre à l’Occident. Blair a noté que «ses racines ne sont pas superficielles, mais profondes, et plongent dans les madrassas du Pakistan, dans la forme extrémiste de la doctrine wahhabite en Arabie saoudite, dans les anciens camps d’entraînement d’al-Qaïda en Afghanistan, dans la marmite de la Tchétchénie, dans certaines parties de la politique de la plupart des pays au Moyen-Orient et de plusieurs pays en Asie, dans la minorité d’extrémistes qui prêchent maintenant la haine de l’Occident dans chaque ville européenne».
Dans quelle mesure les racines remontent plus loin est au-delà de la portée de ce chapitre, mais un certain nombre d’observations peuvent être faites. Les migrations musulmanes à grande échelle en Europe et en Amérique du Nord après les années 1970 et pendant la montée en flèche dans les années 1990 a coïncidé avec la renaissance d’un fondamentalisme musulman qui se transforme en extrémisme islamiste, et avec le recul dans le monde arabo-musulman de son ouverture hésitante à la modernité politique basée sur le nationalisme laïque.
Pour les Arabes d’esprit laïque, la guerre israélo-arabe de juin 1967 a mis
une humiliante fin au panarabisme du dictateur égyptien Gamal Abdel
Nasser. Cette défaite a inspiré le renouveau de l’islam tel que prêché par les
Frères musulmans et financé par les wahhabites saoudiens.
En 1971, le Pakistan s’est disloqué au milieu d’une brutale guerre civile, les massacres par les militaires au Pakistan oriental (devenu le Bangladesh), et une humiliante défaite militaire dans sa guerre avec l’Inde. En Iran, le régime du Shah a été confronté à de plus en plus d’opposition par des anti-royalistes qui ont réussi à contraindre le Shah à l’exil et permis aux forces fondamentalistes religieuses dirigées par l’ayatollah Khomeiny de prendre le pouvoir. L’ex-Union soviétique a envahi l’Afghanistan, l’Iran et l’Irak se sont engagés dans une longue guerre dans les années 1980, et plusieurs ont été disloqués à la suite de l’occupation iraquienne du Koweït. L’instabilité politique et des attaques violentes ont secoué l’Algérie, et l’effusion de sang continue dans l’interminable conflit israélo-palestinien. Ces événements ont été des facteurs ayant poussé des musulmans à émigrer vers l’Occident.
L’arrivée de musulmans en provenance d’États défaillants ou en déroute, qui a commencé dans les années 1970, a eu lieu au moment où l’Europe et l’Amérique du Nord sont entrés dans une nouvelle ère d’expansion économique dans un Occident qui a ouvert ses portes à l’immigration en provenance de régions non traditionnelles du monde en développement, notamment le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Le lent changement démographique causé par la baisse du taux de natalité a commencé à cette époque, tout comme le véritable engagement dans la déconstruction intellectuelle du libéralisme. Les musulmans qui sont arrivés en Occident sont arrivés dans cet environnement et se sont installés comme immigrants, mais la plupart avaient les caractéristiques de travailleurs migrants.
Les nouveaux arrivants ont fondé leurs propres institutions pour répondre à leurs besoins religieux et culturels. La plus importante institution est la mosquée, qui fournit un centre de jour pour les enfants et l’enseignement religieux, et est devenue le centre d’un réseau de relations sociales. Une grande partie de cela n’était pas entièrement nouveau pour l’Occident, qui avait déjà fait l’expérience des précédents cycles de migrations de groupes ethniques et religieux au sein de ses propres frontières culturelles.
Ce qui est nouveau avec la plus récente vague migratoire est l’origine des nouveaux arrivants, en particulier les musulmans de pays arabo-musulmans, d’Afrique et d’Asie – qui proviennent de l’extérieur des frontières culturelles de l’Occident et n’étaient pas prêts à accepter pleinement la culture du pays d’accueil.
Avec le temps, les Musulmans ont construit leur propre mur culturel entre eux-mêmes et le pays hôte, avec l’aide de fonds des pays arabes riches en pétrole – en particulier l’Arabie saoudite. Ce mur culturel était invisible au début, et personne dans le pays d’accueil n’accordait une grande attention à ce qui se passait derrière ce mur.
On estime qu’entre 1973 et 2003, environ 70 milliards $ US ont été distribués par l’establishment wahhabite de l’Arabie saoudite pour le travail missionnaire islamiste, et une partie de cet argent a servi à la construction des mosquées et au financement d’activités connexes des communautés musulmanes en Europe et en Amérique du Nord.
Les enfants musulmans des nouveaux arrivants qui sont devenus adultes dans les années 1990 se sont retrouvés pris entre deux mondes: celui de leurs parents, auquel ils ne pouvaient retourner, et celui de l’Occident, que leurs parents n’acceptaient pas pleinement.
Après le 11/9, l’Occident a commencé à s’éveiller à l’histoire de ces enfants devenus adultes. Cette génération de jeunes a été intronisée dans la version globalisée d’un islam historique qui rêve d’un retour à un Islam idéalisé et retouché du VIIe siècle de l’ère commune (ou le premier siècle du calendrier islamique), et met l’accent sur l’identité collective musulmane de la oumma – la communauté des croyants.
Cette conception idéalisée est la version de l’islam qui s’appuie exclusivement et de manière obsessionnelle sur l’idée du djihad (guerre sainte), l’obligation religieuse des musulmans qui est prêchée par les wahhabites ou les imams associés à la politique des Frères musulmans dans les mosquées qui sont financées par l’argent sollicité de l’Arabie saoudite, des États du Golfe, et de la Libye, ainsi qu’au sein de la branche chiite des musulmans avec le soutien de Khomeiny d’Iran. Cette version de l’Islam a attiré les jeunes musulmans déracinés en leur fournissant une identité de groupe qui porte avec elle le romantisme lié à l’appartenance à une communauté de foi – la oumma – qui transcende les frontières et les marqueurs ethniques.
Cette idéologie (l’islamisme) a donné à ce petit segment des musulmans avides d’activisme politique une cause leur permettant de s’opposer à l’Occident comme un hégémon impérial dans ses relations avec le monde musulman. Pour les islamistes et leurs sympathisants, le monde musulman est victime du monde occidental qui exploite ses ressources et occupe ses terres au Moyen-Orient (Palestine), en Asie du Sud (Cachemire), au Caucase (Tchétchénie), et en Asie du Sud-Est (îles de l’Indonésie et de l’archipel des Philippines). Dans le monde post-11/9, les recrues connues sous le nom de «terroristes d’origine domestiques» sont sorties des rangs des islamistes.
L’islamisme, comme idéologie et principe d’organisation de partis politiques basés sur la religion, a éventuellement supplanté les partis politiques laïques nationalistes dans le monde musulman au cours des années 1990. En Occident, l’islamisme a été importé dans les communautés musulmanes, et il a peu à peu acquis une présence dans les médias par l’intermédiaire d’organisations telles que le CAIR aux États-Unis et sa succursale au Canada, le Muslim Council of Britain en Grande-Bretagne, et des organisations similaires en France et ailleurs en Europe.
Sa présence a été établie dans les institutions d’enseignement par des organisations comme le Muslim Student Association, et dans l’ensemble de la communauté musulmane par l’intermédiaire d’organisations telles que la Islamic Society of North America. C’est seulement une question de temps avant que ces organisations musulmanes se positionnent dans le paysage politique des pays d’accueil, prétendant représenter le vote des communautés musulmanes en bloc, et reçoivent l’attention excessive des grands partis politiques établis – en particulier ceux de la gauche – recherchant leur appui électoral en retour.
L’islamisme a acquis la respectabilité en Occident au cours du dernier quart
du vingtième siècle en échappant à l’examen. Les Musulmans dissidents opposés à l’islamisme sont ostracisés à l’intérieur des communautés musulmanes et, ironiquement, sont marginalisés par les grands médias et partis politiques occidentaux. Les Musulmans qui embrassent les valeurs libérales et qui sont à l’aise en Occident sont considérés avec suspicion par les islamistes, et sont de plus en plus intimidés par des menaces de violence en raison de leur opposition à l’islamisme.
L’«affaire Rushdie» reste le plus important indicateur culturel de la montée et de la propagation de l’islamisme en Europe et en Amérique du Nord et de ses assauts sur les valeurs fondamentales de l’Occident. L’affaire Rushdie a démarré en 1988 dans les communautés musulmanes de Grande-Bretagne, où des gens ont publiquement brûlé le roman de Salman Rushdie, Les Versets sataniques, qu’ils ont condamné comme étant blasphématoire. En février 1989, c’est devenu une affaire internationale après que l’ayatollah Khomeiny a émis sa fameuse fatwa – un décret juridique d’un érudit religieux musulman – appelant au meurtre de Rushdie.
Conclusion
L’Occident a contribué de manière significative à la place de plus en plus importante de l’islamisme avant le 11/9 par sa naïveté, son ignorance, son ouverture aux mouvements de fonds en provenance du Moyen-Orient par les communautés d’immigrants musulmans, et sa réticence à déclarer publiquement que l’islamisme est une idéologie inacceptable dans les démocraties libérales. L’Occident a également contribué par sa volonté d’accommoder les exigences des pratiques musulmanes et de considérer les arguments en faveur de l’introduction de la charia.
Nombreux sont ceux en Occident qui sont maintenant confrontés à la tâche urgente d’examiner dans quelle mesure les dommages causés par la montée de l’islamisme et du terrorisme domestique sont auto-infligés. Cette tâche nécessitera une franche évaluation critique de la façon dont le multiculturalisme a contribué à l’érosion des valeurs occidentales universelles des droits individuels, d’égalité des sexes, de démocratie et de laïcité.
La guerre islamiste contre l’Occident est loin d’être terminée, et les islamistes ne sont pas encore prêts à se rendre, i.e. de cesser de mener leur campagne contre l’Occident. Cette guerre a tous les signes d’un conflit générationnel, semblable à la guerre froide entre l’Occident et l’ancienne Union soviétique. Son expérience de la guerre froide devrait être précieuse pour l’Occident dans son conflit avec l’islamisme parce que, comme pour le communisme, l’islamisme est internationaliste dans sa portée et son programme.
En confrontant l’islamisme, l’Occident ne fait face à aucune possibilité de défaite militaire, comme ce fut le cas avec le fascisme et le communisme. S’il échoue à exiger des immigrants musulmans qu’ils s’adaptent et respectent les valeurs occidentales au même titre que tous les autres immigrés, l’Occident fera face au démantèlement insidieux des valeurs et de la culture politique qui font une société libre.
Voir aussi:
Ibn Warraq défend l’Occident, critique Edward Saïd et l’islam
Pourquoi l’Occident est supérieur – Ibn Warraq répond à Tariq Ramadan
Rapport Bouchard-Taylor : fabriquer l’Homme Nouveau par la dictature de l’harmonie
Rapport Bouchard-Taylor : la tentation totalitaire, par Mathieu Bock-Côté
Le multiculturalisme, un utopisme malfaisant
Combat (idéologique) contre Djihad (idéologique) – entrevue avec le théologien George Weigel
Un Algéro-Québécois islamolucide décode pour nous la langue des suprématistes islamiques
La Ligue Islamique Mondiale propage l’islam wahhabite au Canada
Le Québec est un havre de paix : protégeons-le de l’obscurantisme islamique
Commission Bouchard et Taylor : NON au pacte de suicide !
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Pakistan contre UE – Islamabad demande officiellement la restriction des libertés en Europe
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