«Au Canada, des musulmans vulnérables travaillent seuls ou en petits groupes, malgré l’ostracisme et la diabolisation par d’autres musulmans. Ils dissèquent l’extrémisme et l’exposent aux yeux de tous en essayant, malgré d’immenses difficultés, de conserver leur foi dans les idéaux de l’islam. Sans le soutien de l’Occident aux authentiques réformistes, le résultat du combat contemporain à l’intérieur de l’islam donnera la guerre ou la paix de notre époque». – Salim Mansur
Très peu de musulmans au Canada font activement la promotion des valeurs de l’Occident: démocratie, liberté – particulièrement la liberté d’expression et la liberté de conscience -, séparation du religieux et de l’État. Ils s’opposent à la charia et aux accommodements religieux qui, selon eux, marginalisent les musulmans et favorisent les communautarismes et le radicalisme. Ils sont menacés de mort ici même au Canada par des extrémistes et des soi-disant modérés. C’est avec courage qu’ils s’expriment, ils méritent notre admiration. Voyez le reportage de la CBC dans notre section vidéo : Intimidation de musulmans par des radicaux au Canada et aussi Les musulmans canadiens opposés à la charia sont minoritaires et sont traqués
Outre Saliim Mansur, mentionnons Tarek Fatah, Farzana Hassan, Homa Arjomand, Ishrad Manji et Tahir Aslam Gora.
Lisez aussi, pour un point de vue théologique sur le combat interne qui déchire l’islam, et son impact sur l’Occident: Combat (idéologique) contre Djihad (idéologique) – entrevue avec le théologien George Weigel. Pour Weigel, «L’idéologie du djihad doit être combattue avec un ensemble de mesures, religieuses, intellectuelles, politiques, économiques, militaires. Sinon, cette idéologie avilissante pourrait emporter notre civilisation».
Nous traduisons deux articles récents du torontois Salim Mansur. Lisez du même auteur: Le multiculturalisme n’est pas viable et “Nous, musulmans, avons du travail à faire”. Il écrivait ceci dans ce dernier article:
«Nous prêchons la tolérance, mais nous sommes intolérants. Nous exigeons l’inclusion, mais nous pratiquons la ségrégation des sexes et de ceux avec lesquels nous sommes en désaccord. Nous répétons sans cesse que l’islam est une religion de paix, mais beaucoup d’entre nous affichent un comportement contraire à ce que nous professons».
«Ceux d’entre nous qui insistent encore contre toute évidence que notre religion nous différencie des autres et nous met en quelque sorte dans une catégorie supérieure, sont encore trop nombreux. Nous musulmans sommes la source de notre propre misère, nous ne sommes pas incompris par les autres qui voient dans notre comportement une menace pour leur paix.»
Salim Mansur, Ph.D., est professeur agrégé de sciences politiques à l’Université Western en Ontario. Il écrit pour le London Free Press, le Toronto Sun, ProudToBeCanadian.ca, et de nombreuses publications, y compris National Review, the Middle East Forum et Frontpagemag. Il présente souvent des analyses sur le monde musulman, l’Islam, l’Asie du Sud, et le Moyen-Orient.
Il est membre du conseil d’administration du Center for Islamic Pluralism basé à Washington, DC, et Senior Fellow du Canadian Coalition for Democracies.
Getting a read on moderation, par Salim Mansur, Toronto Sun, le 24 mai 2008
Modération : une interprétation
Depuis les attaques terroristes au cœur de l’Amérique, il y a presque 7 ans maintenant, l’Occident semble attendre que les musulmans « modérés » se rassemblent pour reprendre leur foi et leurs traditions, de ceux qui ont voulu promouvoir le chaos général et le meurtre au nom de l’islam.
Cette attente n’a pas été comblée. Que peut-on alors conclure de cette absence d’un effort soutenu et organisé par les musulmans en Occident, pour affirmer haut et fort leur rejet des islamistes sans exception ?
Mark Steyn, l’un des grands observateurs du monde musulman, affirme dans un article récent de National Review, qu’un musulman « modéré » est une créature mythique. J’apprécie grandement les écrits de Mark Steyn, cependant je ne suis pas d’accord avec lui sur ce point.
Certes, nous n’avons pas remarqué de musulmans vivant en Occident se manifester en grand nombre contre les musulmans extrémistes et leur idéologie d’islam radical. Cependant, il y a des musulmans, comme je l’ai observé dans un article paru récemment, qui ont le courage de « condamner la culture d’hostilité nourrie par les musulmans, qui permet aux extrémistes parmi eux de raviver cette violence sous-jacente ».
Par ailleurs, ces musulmans vulnérables « travaillent seuls ou en petits groupes de musulmans de même avis, malgré l’ostracisme et la diabolisation des autres musulmans. Ces gens dissèquent et exposent aux yeux de tous, l’extrémisme en essayant malgré d’immenses difficultés de conserver leur foi dans les idéaux de l’islam ».
Tarek Fatah – un musulman modéré –invité sur les chaînes de télévision de Toronto de Muslim Chronicle et membre fondateur de Muslim Canadian Congress – dans son livre récemment publié, confirme mes observations.
Depuis que l’Ayatollah Khomeiny a prononcé, en 1989, son fameux commandement religieux de tuer Salman Rusdie pour avoir écrit les Versets Sataniques, le monde entier a pris conscience des périls encourus par les écrivains rédigeant la moindre étude critique de l’islam ou de l’histoire arabo-musulmane. Ce danger a été envisagé par Tarek Fatah avant de publier son excellent livre, il a ensuite ignoré les menaces des islamistes canadiens pour ses vues modérées exprimées publiquement.
T. Fatah donne une lecture très lucide de la façon dont l’histoire arabo-musulmane, a laissé de côté l’idéal du message de Mahomet, pour tomber dans l’impasse de puissances tribales avides de conquêtes, qui ont fourni les bases de la politique contemporaine des impérialistes islamistes.
L’une des distinctions intéressantes données par Fatah est celle entre « état de l’islam » et « Etat islamique ». La première expression décrit un effort individuel pour atteindre un état de paix intérieure, universel et hors du temps. La deuxième expression est celle de fanatiques voulant appliquer au 21e siècle, une situation politique du 7e siècle, imposée par les Arabes après le départ de Mahomet. Le combat contemporain à l’intérieur de l’islam, est entre ces deux tendances, et leur résultat donnera la guerre ou la paix de notre époque.
Impossible de rester neutre
Par conséquent, l’Occident ne peut pas rester neutre face à cette lutte globale. Ainsi que le souligne T. Fatah, l’ironie de l’histoire est que les musulmans vivant en Occident pourront réaliser un « état de l’islam », alors que cet état de repos quiétiste sera dénié dans la réalité mortifère, partout où un « Etat islamique » a été proclamé, comme en Iran , au Pakistan ou en Arabie Saoudite.
Tarek Fatah a montré une vision à l’intérieur de ce combat qui consume le monde arabo-musulman et le futur dépend de la résolution de ces luttes intestines. Son livre mérite largement d’être lu.
Moderates will win if West helps, par Salim Mansur, Toronto Sun, le 31 mai 2008
Les modérés gagneront si l’Occident les aide
Mon dictionnaire définit « une personne modérée » comme quelqu’un qui « évite les extrêmes » et est « tempéré dans sa conduite et son langage » .
Le Coran écrit : « Nous vous avons fait un peuple modéré afin que vous soyez un modèle pour les hommes et le messager un modèle pour vous ».
Cependant, ceux qui ont usurpé l’islam par soif du pouvoir – les Islamistes de notre époque ou ceux qui prirent le pouvoir dès la première génération de l’histoire musulmane – ont été des hommes extrêmes.
La recherche récente en Occident de « musulmans modérés » est la reconnaissance maladroite du fait incontournable qu’une paix durable ne pourra exister entre le monde arabo-musulman et l’Occident (Israël inclus), que lorsqu’un islam modéré pourra prévaloir, dans les pays musulmans, sur l’Islamisme et ses diverses interprétations sectaires.
Le monde arabo-musulman a été de tous temps déchiré entre des forces sectaires et fanatiques d’un côté et des forces plus modérées de l’autre. Ce n’est pas une nouvelle lutte à l’intérieur de l’islam, ce qui est nouveau est son ampleur. En effet, ce conflit n’est plus confiné seulement à un petit territoire à l’intérieur des frontières du monde arabo-musulman.
L’intensité du conflit contemporain met en évidence le fait que la vieille rivalité interne est devenue globale, et le monde non-musulman ne peut plus rester neutre et indifférent en regardant le conflit se dérouler sous ses yeux.
Le conflit
Le conflit, cependant, n’est qu’un rappel, pour les esprits lucides qui ont une vision claire de l’Histoire sur une longue durée et savent que le progrès n’avance pas de façon linéaire, et que les réformes sont toujours menacées par la subversion et un pas en arrière.
L’Histoire du monde arabo-musulman n’est pas moins complexe que celle de l’Occident, et en observant le délabrement actuel de l’Orient, on peut se souvenir de l’Europe du Moyen Age avec ses superstitions, ses guerres incessantes, la religion devenant le refuge d’imposteurs, l’ignorance revendiquée avec fierté, et l’absence de lois rendant chacun victime des autres. Il est bon de rappeler que le cœur des âges sombres de l’Europe médiévale était Rome, le centre de la Chrétienté, et que les plus corrompus étaient ceux censés représenter Jésus sur terre.
Mais finalement, l’Europe s’est débarrassée de l’obscurantisme du Moyen Âge et les cruelles guerres pour la Réforme de la Chrétienté contribuèrent de diverses façons à la création de l’Europe moderne.
Bien qu’il n’y ait pas un centre pour le dogme religieux du style Vatican, dans le monde musulman, le cœur sombre du monde arabo-musulman est l’Arabie Saoudite où le Wahhabisme représente la réaction la plus sectaire et extrême contre la réforme et la modération dans l’islam.
Les efforts périodiques pour une réforme de l’islam ont échoué, le dernier en date étant le « tanzimat » au début du 19e siècle, dans l’Empire Ottoman. Les solides positions des clercs religieux réactionnaires qui maintiennent leurs sociétés dans leurs cultures féodales ont eu raison de cet authentique mouvement de réforme.
Autorité religieuse dans l’islam
Un Luther musulman pourrait difficilement faire la différence entre réforme religieuse ou réaction, à moins qu’intervienne un Chef d’Etat musulman déterminé à l’instar de Mikhail Gorbachev, le dernier leader de l’Union Soviétique, imposant une version de transparence (glasnost) et de changement (perestroika).
Mustafa Kemal était un tel gouvernant, qui a obtenu un certain succès dans la création de la Turquie moderne, et démontre la possibilité qu’une réforme peut s’enraciner quelque part dans le monde musulman et prévaloir sur le fanatisme Islamiste.
Ceci ne pourra advenir si l’Occident ne soutient pas une réforme de l’islam, par exemple en Irak, et cède au faux argument que la modération de l’Islam n’est qu’une chimère.
Voir aussi:
Salim Mansur : “Nous, musulmans, avons du travail à faire”
Les accommodements renforcent la marginalisation des musulmans au Canada – Tahir Aslam Gora
Les musulmans canadiens opposés à la charia sont minoritaires et sont traqués
Intimidation de musulmans par des radicaux au Canada
Pourquoi l’Occident est supérieur – Ibn Warraq répond à Tariq Ramadan
Ibn Warraq défend l’Occident, critique Edward Saïd et l’islam
Commission Bouchard et Taylor : NON au pacte de suicide !
Rapport Bouchard-Taylor ou l’accommodement immoral, par Mohamed P. Hilout
La réforme de l’islam, Loch Ness du désert dont tout le monde parle et que personne n’a jamais vu
La Presse québécoise “boycotte” Morad El Hattab, écrivain musulman français laïc
Combat (idéologique) contre Djihad (idéologique) – entrevue avec le théologien George Weigel