La machine à reformater les Québécois par trop résistants à l’idéologie multiculturaliste s’emballe. C’est sous couvert du nouveau cours Ethique et culture religieuse, qui sera implanté cet automne dans toutes les écoles primaires et secondaires du Québec, qu’un nouveau genre humain, le genre «pluraliste» sans passé ni racines ou identité nationale, un «Homme Nouveau postnational et postoccidental», sera fabriqué en laboratoire. – Mathieu Bock-Côté
Les multiculturalistes nous disent que cette idéologie vise à reconnaître la contribution des autres cultures et minorités ethniques. Mais n’est-ce pas ce que le Québec fait depuis ses débuts?
Le multiculturalisme post-moderne finit invariablement par présenter la culture occidentale comme la plus oppressive, raciste et destructrice des cultures dans le monde, tout en idéalisant l’Autre, présenté comme nécessairement plus humain, bienveillant, tolérant, ouvert, égalitaire, moins individualiste, etc.
Et pourtant, c’est vers l’Occident que les immigrants se déplacent, ce monde occidental avec ses institutions de la démocratie, l’État de droit et ses libertés. Nous devrions en faire la promotion et le défendre avec fierté, sinon il risque de disparaître à cause de la haine de soi et du relativisme nihiliste encouragés par nos propres élites.
Le peuple québecois se voit comme une «nation» distincte. Pourtant, nos élites s’apprêtent à nous «dénationaliser» et à nous «déconstruire»… Le Québec ne sera plus qu’une masse géographique, un hôtel, une masse informe sans personnalité et sans âme. La préservation de notre culture et la fierté de nos racines ne sont-ils pas un droit humain? Devons-nous aller jusqu’au suicide collectif à seule fin de prouver que nous ne sommes pas racistes?
Autant fusionner avec le Vermont…
Mathieu Bock-Côté, candidat au doctorat en sociologie à l’UQAM, critique l’approche idéologique propagandiste à la soviétique derrière la conception du nouveau cours Éthique et culture religieuse. – Marc Lebuis, Annie Lessard
Éthique et culture religieuse – Un utopisme malfaisant, par Mathieu Bock-Côté, Le Devoir, le 24 avril 2008. Source:( ici)
Avec la mise en ligne d’une vidéo faisant la promotion du programme Éthique et culture religieuse, la nomenklatura qui contrôle le ministère de l’Éducation s’est dévoilée. Au sens propre, cette vidéo verse dans un marketing idéologique caricatural qui rappelle la vieille propagande du régime soviétique, à la fois par la méthode et par le ton.
Enfants, pédagogues et parents y sont conscrits avec un air de benêt satisfait hochant la tête avec enthousiasme devant les injonctions du régime. Les premiers y répètent comme il se doit le catéchisme qu’on leur a appris. Les seconds reprennent les appels au «dialogue» et à la nécessité de lutter contre ce qui peut lui faire obstacle. Quant aux derniers, ils témoignent du fait que le programme n’a aucunement confirmé les craintes qu’ils pouvaient avoir devant son application et qu’il respecte à sa manière l’héritage culturel du Québec.
Lavage de cerveau
On trouve évidemment dans cette vidéo les poncifs les plus éculés des sciences de l’éducation sur la vocation «démocratique» de l’école. Non seulement les professeurs invitent les enfants à parler de «leur» milieu de vie, mais ces derniers reprennent à leur compte de telles sornettes en se présentant comme des «êtres uniques» dont l’expérience de vie serait apparemment un trésor à faire fructifier par une pédagogie créative.
Mais le coeur du problème est ailleurs : on y voit surtout à quel point l’école est rendue loin dans sa conversion multiculturelle. Ce n’est pas sans raison que le programme Éthique et culture religieuse s’inscrit de plus en plus dans le débat public. C’est qu’on y trouve véritablement l’expression caricaturale de ce dévoiement progressiste de l’école qui s’est placée au service d’une idéologie.
Sous prétexte de transmettre un plus grand bagage de connaissances sur la diversité religieuse du monde, c’est une véritable inculcation des «compétences sociocognitives» nécessaires à l’expérience de la citoyenneté en contexte multiculturel qui est imposée. Mais les deux choses sont liées : une pédagogie qui ne transmet plus rien dispose bien mieux les enfants au lavage de cerveau idéologique du ministère.
Nouveau peuple
Il y a longtemps que l’école a cessé de travailler à l’éducation de la jeunesse. Désormais, elle travaille plutôt à sa rééducation pour devenir un lieu de socialisation permettant la déconstruction, dès l’enfance, de l’identité nationale. Ce qu’on souhaite, c’est la reprogrammation de la jeunesse contre la culture que la société pourrait leur transmettre. C’est ce que les concepteurs du programme appellent l’aboutissement d’un long parcours dans la conformité au pluralisme.
Il faut être franc : ce qu’on demande ici à l’école, c’est de construire de toutes pièces par ses programmes un nouveau peuple, mieux disposé envers le multiculturalisme et relativement étranger à l’expérience historique de la collectivité. Derrière certaines expressions comme éducation à la tolérance et «sensibilisation à la différence», c’est une véritable haine de soi qu’on inculquera à une jeunesse devenue étrangère à sa propre culture.
Toute la mentalité politiquement correcte s’y trouve : avant, la grande noirceur du Québec historique, ensuite, l’illumination par la raison pluraliste.
Quant à la référence au «dialogue» sans cesse reprise, elle vise en fait à neutraliser la conscience nationale par le virus d’une impuissance culpabilisante qui dissuade la majorité de vouloir poser sa culture comme norme de l’existence commune.
Multiculturalisme
On l’a insuffisamment rappelé, mais le programme Éthique et culture religieuse s’articule parfaitement avec le nouvel enseignement de l’histoire qui met de côté la dimension nationale pour le calibrer plutôt dans le registre du multiculturalisme le plus actif. Car ce dernier est en fait un nouveau régime politique qui, à défaut de reposer sur le consentement du Québec des adultes, a décidé d’accoucher au sein même des écoles d’un peuple qui ne le contestera plus.
Intoxiquée par l’idéologie multiculturaliste, la technocratie pédagogique s’est retournée contre le Québec. Le Québec historique n’est plus désiré par l’idéologie multiculturelle qui transformera la société en grand laboratoire à ciel ouvert où les ingénieurs sociaux pourront s’amuser avec des enfants devenus cobayes.
Le multiculturalisme est porteur de l’utopie d’une société postnationale et postoccidentale, une utopie qui entre en crise partout dans le monde, la crise des accommodements raisonnables en ayant témoigné au Québec. Mais c’est le propre des utopies malfaisantes de se radicaliser au moment de leur entrée en crise. Ainsi, pour les pluralistes, ce n’est jamais parce que leur vision du monde est allée trop loin qu’elle génère des convulsions sociales, mais parce que ses principes ont été insuffisamment appliqués.
Combien de fois ne l’aura-t-on pas entendu : les réactions provoquées par les accommodements raisonnables n’étaient rien d’autre que le symptôme d’une culture encore insuffisamment métamorphosée par les exigences du pluralisme. Conséquence de cela, la crise des accommodements raisonnables n’aura pas convaincu l’intelligentsia pluraliste d’en finir avec l’idéologie multiculturaliste, mais plutôt de l’administrer à plus forte dose. Le cours
Éthique et culture religieuse en est l’exemple affligeant.
Certains esprits cocasses se réjouissent de la laïcisation de l’école alors qu’on s’apprête à la confier pour de bon à un nouveau clergé, au service de la religion multiculturelle, avec ses dogmes et son catéchisme. Combien d’événements semblables devront-ils se produire pour qu’émerge enfin dans le domaine public cette coalition du bon sens que réclame le Québec réel et qui non seulement freinera l’implantation du régime multiculturel, mais entreprendra sa révocation pan par pan, pour engager notre société dans une autre direction ?
Ce n’est pas d’un «pragmatisme» de pacotille qu’a besoin la société québécoise en ce moment, mais bien d’une mise en procès de la dynamique institutionnelle qui a enclenché la liquidation accélérée de son expérience historique. Le ministère de l’Éducation s’est retourné contre la culture québécoise. Il est temps d’en tirer les conséquences. Au-delà de la seule suspension impérieuse de ce programme, il faut profiter du malaise qu’il génère pour formuler un tout autre discours sur l’éducation qui permettra enfin d’ouvrir le chantier de sa restauration.
Voir aussi:
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