Dans son mémoire à la Commission Bouchard-Taylor, le CCIQ déplore l’ignorance des Québécois et l’irresponsabilité des médias; il condamne la « dictature » de la majorité et la laïcité; il reproche l’obsession autour du foulard « qui est obligatoire en islam et que la femme porte par choix ». Il recommande de vastes camps de rééducation.
Nous reproduisons de vastes extraits du mémoire du Centre culturel islamique du Québec à la Commission Bouchard-Taylor.
Le mémoire intégral est ici :
La communauté du CCIQ
La communauté musulmane est présente à Québec depuis 1962; elle est diversifiée de par les cultures et les traditions provenant de nombreux pays. On y parle plus de 10 langues, y compris le français, langue commune d’échange parlée et écrite, qui est même utilisée dans le prêche canonique de la prière collective du vendredi.
Cette communauté compte quelques 5000 personnes disposées à s’ouvrir davantage à la société d’accueil québécoise en particulier et canadienne en général. Ce nombre est en croissance avec les naissances et avec l’installation d’étudiants qui ont pris racine à Québec. (…)
La communauté présente, outre les étudiants, une composante significative d’universitaires, de fonctionnaires, de consultants, d’entrepreneurs et de professions libérales et qui s’intègre bien à la société d’accueil. Elle encourage ses membres à créer des entreprises de services, de technologies, de restauration et d’alimentation. Une communauté très scolarisée qui, d’ailleurs, possède un bassin réel de scientifiques dont au-delà d’une vingtaine de professeurs qui enseignent actuellement et font de la recherche à l’Université Laval, à l’ENAP, à l’INRS, au CRIQ, dans les CEGEPS et au Parc technologique du Québec Métropolitain.
(…)
Sommaire
L’histoire du Québec est une histoire assez particulière, en ce sens que les valeurs qui nourrissent actuellement la société québécoise prennent leur fondement sur des valeurs citées ci-après : « le Québec se veut une société démocratique et pluraliste ». Cette particularité de l’histoire du Québec lui a permis de jouir au niveau mondial d’une notoriété et d’un respect légendaires, qui font la fierté des Québécois.
Dès lors, faudrait-il s’engouffrer dans un cadre de laïcités (intégrale ou ouverte) aux contours restrictifs pour re-asseoir une société pourtant déjà démocratique et pluraliste.
Dans ce cadre, il ne saurait y avoir une acceptation d’une partie d’une culture et un rejet d’une autre partie de la même culture au nom d’une séparation de l’état et du religieux.
Par conséquent, nous pensons que l’accommodement raisonnable doit être bien compris par la société, aidée des médias. Cet effort d’accommodement devrait s’accompagner de sensibilisation et non d’une stigmatisation par certains médias et politiques.
Discrimination envers les femmes musulmanes
En effet, comment comprendre qu’il y ait autant de débats et de spéculations sur le port du foulard alors qu’il s’agit d’une prescription religieuse tout simplement respectée par les femmes musulmanes qui le portent!
Il importe de respecter et protéger ce droit dans le cadre du droit fondamental à la liberté de la religion. À notre avis, il s’agit là moins d’un enjeu d’accommodement raisonnable que de l’expression d’un droit fondamental
Les femmes musulmanes font face à de grandes difficultés dans la recherche d’emploi notamment au Québec et particulièrement dans la ville et la région de Québec. Le taux de chômage des femmes portant le foulard est impressionnant et ce malgré leurs compétences reconnues et leur niveau d’éducation élevé. Cela a beaucoup de conséquences néfastes autant pour la société que pour ces femmes.
Il importe donc de contrer cette forme de discrimination qui est aussi immorale qu’illégale. Il est nécessaire que l’éducation prenne en charge l’enseignement de l’immigration dans tous ses aspects (démographique, culturel, économique, social.. etc.), aux populations nées au Canada. Cela permettrait de faire l’économie de comportements xénophobes ou hétérophobes, qui découlent plus de l’ignorance et de manipulations à des fins politiques et médiatiques, qu’à des convictions réelles.
Les médias et les accommodements raisonnables
Les médias ont tendance à susciter des irritants au sein de la société
québécoise. En effet, on remarque que les médias présentent des cas précis d’accommodements raisonnables, entre personnes ou des arrangements entre des groupes, comme étant des exemples de menaces aux valeurs québécoises et à l’équilibre de la société.
Par conséquent, le discours dominant actuellement au sein de la société ne peut qu’être entaché d’intolérance, d’incompréhension et donc de fractures dommageables à l’harmonie du tissu social.
2 – – Exiger une attitude responsable de la part du gouvernement et des
médias : Éduquer la population en général et les gestionnaires des
institutions publiques à la nécessité de l’immigration, à la diversité
religieuse (puisque l’accommodement raisonnable ne pose problème au
Québec qu’en matière religieuse), et au renforcement en commun d’un nécessaire vivre-ensemble.
Introduction
Le présent mémoire a pour but de présenter notre avis et l’avis de plusieurs membres de la communauté musulmane sur certains points soulevés dans le document de consultation. Il importe de souligner que les constatations sont basées sur des faits vécus en sein de la société québécoise et au sein de notre communauté musulmane de Québec en particulier.
À cet effet, la première partie traite du principe de la laïcité et de la considération du religieux dans l’espace public. Nous y abordons les principaux enjeux et les impacts de certaines formes de discrimination au nom de la laïcité.
La deuxième partie présente un portrait de la situation des femmes portant le foulard. Celles-ci vivent des difficultés considérables vu l’ignorance, et le manque de tolérance et de compréhension. En effet, on mêle à tort et à travers leur droit de pratiquer leur religion aux accommodements raisonnables, à la laïcité, à l’identité québécoise et à l’assujettissement de la femme à l’homme.
La troisième partie met l’accent sur le rôle joué par les médias entre autres dans un certain repli identitaire des Québécoises et des Québécois de souche, un renforcement néfaste des préjugés et un rejet de toute forme d’expression religieuse.
(…)
La considération du religieux au sein des institutions
publiques et dans l’espace public
Est-il souhaitable d’exclure toute trace du religieux de l’ensemble des institutions publiques ? Ou même de l’ensemble de l’espace public ? Autrement dit, devrions-nous appliquer un modèle de laïcité intégrale à la française?
Réponse à la question
L’histoire du Québec est une histoire assez particulière, en ce sens que les valeurs qui nourrissent actuellement la société québécoise prennent leur fondement sur des valeurs citées ci-après : « le Québec se veut une société démocratique et pluraliste, c’est-à-dire respectueuse à la fois des droits fondamentaux (les droits de la personne) et des différences culturelles. On reconnaît maintenant que la culture de l’immigrant a droit de cité tout autant que les autres cultures déjà enracinées sur le territoire (qu’il s’agisse de la culture des premiers occupants, de la culture dite fondatrice canadienne-française, de la culture anglo-québécoise ou de celle des autres groupes minoritaires). » Cette particularité de l’histoire du Québec lui a permis de jouir au niveau mondial d’une notoriété et d’un respect légendaires, qui font la fierté des Québécois.
Nous convenons aussi que « Il paraît donc difficile de revenir au modèle d’intégration qui prévalait auparavant et qui consistait soit dans l’assimilation des immigrants (lesquels perdaient alors leur culture d’origine ou y renonçaient), soit dans leur exclusion. »
Nous pensons que l’accommodement raisonnable qui consiste en un
« Arrangement qui relève de la sphère juridique, plus précisément de la
jurisprudence et qui vise à assouplir l’application d’une norme en faveur d’une personne menacée de discrimination en raison de particularités individuelles protégées par la loi » doit être bien compris par la société, aidée des médias. Cet effort d’accommodement devrait s’accompagner de sensibilisation et non d’une stigmatisation par certains médias et politiques.
La laïcité est un terme qui reste à définir. À cet effet, il suffit de comparer
l’application de la laïcité en France et aux États-Unis, pour ne nommer que ces deux pays, pour comprendre la grande différence dans les champs d’action de la laïcité. Le modèle québécois incarne une laïcité respectueuse des religions, et non pas une laïcité anti-religieuse qui devient un nouveau dogme en permanente confrontation avec les religions existant au Québec, et plus particulièrement celles qui ne font pas partie du patrimoine chrétien catholique de la Province.
Dans ce débat exacerbé, on a tendance à oublier la dimension de l’acte de foi, la dimension spirituelle de l’être. En s’opposant à une expression publique de la foi, le modèle de laïcité intégrale se donne le droit de juger un acte qui trouve ses racines dans le coeur et la conscience d’un humain. Cela mènera certainement à une nouvelle conception du principe de liberté de l’individu : tout acte, toute expression de foi que la majorité considère comme étant hors norme sera jugé comme nuisible et préjudiciable à la majorité. C’est ainsi qu’au nom de cette laïcité intégrale, on se donne le droit de devenir un intransigeant dictateur de la conscience d’autrui. On en arrive donc à une forme de dictature de la majorité contre laquelle justement les Chartes des droits du Québec et du Canada ont été adoptées.
L’exemple du port du foulard
Juridiquement parlant, il n’existe pas à notre connaissance de normes établies d’habillement, pour la citoyenne et le citoyen québécois. À ce titre,
1 – – Priver la femme de faire un choix d’habit sous prétexte de laïcité ou
autres, représente une forme d’oppression.
2 – – Obliger la femme par une loi ou règlement à montrer une partie de son corps sans son consentement, ne serait pas digne d’une « société
démocratique et pluraliste respectueuse des différences culturelles ».
En quoi l’habit, le port du foulard, entraverait-il la qualité de travail d’une femme? D’aucuns considèrent que le fait de s’habiller autrement constitue une provocation plutôt qu’une particularité.
En définitive, pour démêler tout ce malentendu, il est nécessaire que l’éducation prenne en charge l’enseignement de l’immigration dans tous ses aspects (démographique, culturel, économique, social.. etc.), aux populations nées au Canada. Cela permettrait de faire l’économie de comportements xénophobes ou hétérophobes, qui découlent plus de l’ignorance et de manipulations à des fins politiques et médiatiques, qu’à des convictions réelles.
Quelques cas à considérer
Port du foulard lors des compétitions
Dans certains cas où le port du foulard n’est pas encore commun ou encore mal compris, comme lors de compétitions sportives, il importe de protéger ce droit découlant de la liberté de la religion, et de permettre à la musulmane de participer aux tournois et aux compétitions comme les autres femmes. À moins qu’on puisse établir la preuve tangible que cela constitue un danger à sa santé ou à sa vie ou à celles des autres participants.
Port du foulard dans les hôpitaux
Dans les hôpitaux, les femmes musulmanes ont besoin de certains
accommodements afin de rester cohérentes avec leur volonté de respecter les principes de l’Islam. Cela doit être considéré afin de leur permettre de cacher les parties de leur corps sauf pour les fins du diagnostic ou de traitement. Des dispositions simples, telles que des bonnets et un habit avec des manches longues et plus complet pour accommoder ces femmes, peuvent aussi être bénéfiques pour les femmes en général qui veulent bénéficier de plus d’intimité aux hôpitaux. Si les hôpitaux acceptent de prendre en considération les exigences alimentaires des végétariens, il convient donc d’en faire de même pour celles des musulmans en général et pour respecter le choix des musulmanes en ce qui a trait à leur pudeur corporelle. Aussi convient-il d’accommoder ces femmes dans la mesure du possible, et ce d’autant plus qu’il n’y a aucune contrainte excessive ni effort exorbitant à y donner suite.
Discrimination envers les femmes musulmanes
Les femmes musulmanes, même celles ne portant pas Hijab, font face à de grandes difficultés dans la recherche d’emploi notamment au Québec et particulièrement dans la ville et la région de Québec. Le taux de chômage des femmes portant le foulard est impressionnant et ce malgré leurs compétences reconnues et leur niveau d’éducation élevé.
Cela a beaucoup de conséquences néfastes :
1 – – Perte économique pour la société d’accueil vu ces compétences
professionnelles mises de côté et ignorées;
2 – – Retard dans le processus d’intégration des femmes musulmanes;
3 – – Contact limité avec la société d’accueil donc moins de socialisation,
moins de compréhension et de tolérance de la part des Québécois
de souche;
4 – – Et une discrimination évidente au niveau de l’emploi qui viole les
deux Chartes des droits. D’ailleurs, certaines d’entre elles sontcontraintes à se lancer dans un processus judicaire pénible afin deprévaloir leur droit de garder leur emploi après le port du foulard !
Cela empêche la femme d’être partie prenante de la société. Par conséquent, plusieurs regrettent d’avoir choisi le Québec comme destination et préfèrent le quitter pour aller aux parties anglophones plus ouvertes à la diversité religieuse. Le taux de chômage des femmes portant le foulard traduit une réticence de la part des employeurs publics et privés. D’où la nécessité de sensibiliser ces derniers à la diversité et contrer cette forme de discrimination qui est aussi immorale qu’illégale.
Il importe aussi d’éduquer la population en encourageant les échanges
interculturels et interreligieux afin de mieux comprendre la diversité qui est à l’oeuvre au Québec de manière irréversible. Il convient également de favoriser le respect du choix de l’autre notamment celui de porter des habits décents avec ou sans le foulard.
Les médias et les accommodements raisonnables
Les médias ont tendance à susciter des irritants au sein de la société
québécoise. En effet, on remarque que les médias présentent des cas précis d’accommodements raisonnables, entre personnes ou des arrangements entre des groupes, comme étant des exemples de menaces aux valeurs québécoises et à l’équilibre de la société.
Cela favorise entre autres un repli des Québécois de souche, un rejet de toute forme de religion et un renforcement inacceptable des préjugés, des stéréotypes et de l’exclusion. Par conséquent, le discours dominant actuellement au sein de la société ne peut qu’être entaché d’intolérance, d’incompréhension et donc de fractures dommageables à l’harmonie du tissu social.
Citons à titre d’exemple, le cas de l’amalgame «entre des vitres teintées du gymnase d’un YWCA et l’accommodement raisonnable» « Une autre « révélation » hypermédiatisée a émergé bien vite dans la foulée de la controverse sur Noël, aggravant une atmosphère de plus en plus survoltée. Il s’agit de l’entente intervenue entre une école privée juive d’Outremont et le voisin qui lui fait face, un YWCA, en vertu de laquelle les fenêtres du gymnase de cette institution communautaire ont été teintées à la demande et aux frais de la première, afin d’empêcher les élèves de sexe masculin de jeter des regards sur les femmes se livrant à des activités sportives. Là encore – au-delà du jugement que les uns et les autres se permettent de porter sur l’éducation de ces garçons et sur la lutte pour les droits des femmes – cet arrangement privé qui ne concerne en fait que les parties en cause, a fait la une sous l’empire de ce qu’on a prétendu indûment être le « débat sur l’accommodement raisonnable » et sur les excès intolérables qui profiteraient à des minorités suspectées de ne pas vouloir s’intégrer.
Insensiblement, on en est arrivé très vite à distiller au sein de l’opinion publique l’idée que l’accommodement raisonnable se réduisait à une série de concessions abusives et intolérables accordées à des groupes religieux minoritaires au détriment de la majorité québécoise de souche »
Recommandations
1- – Pouvoirs publics, intelligentsia et médias doivent assumer leurs
responsabilités en déplorant et en dénonçant vivement des abus inacceptables dans une société démocratique régie par le droit
* – Les dérapages médiatiques qui mêlent accommodement raisonnable (AR), arrangements avec des groupes, condition de la femme, laïcité et immigration pour susciter un repli identitaire chez une partie de la population de souche qui semble reprocher aux « autres » d’être attachés à leur foi.
* – L’inaction du gouvernement et de la Commission des droits de la personne du Québec durant la crise de l’hiver dernier pour rétablir la vérité et la réalité de accommodement raisonnable dont tout le monde parle sans qu’une majorité de personnes sachent ce qu’il en est exactement, ce qui ressort d’ailleurs très bien des forums publics de la commission devant laquelle des convictions et propos xénophobes se font jour, particulièrement l’arabophobie et l’islamophobie.
* – L’utilisation de cette crise à des fins politiques et électoralistes, ce qui a permis à l’Action Démocratique du Québec d’accéder au statut d’opposition officielle à l’Assemblée nationale, sur le dos des minorités religieuses non chrétiennes, surtout les musulmans et les musulmanes.
Exiger une attitude responsable de la part du gouvernement et des médias
* – Éduquer la population en général et les gestionnaires des institutions publiques à la nécessité de l’immigration (démographie et économie), à la diversité religieuse (puisque l’ accommodement raisonnable ne pose problème au Québec qu’en matière religieuse), et au renforcement en commun d’un nécessaire vivre-ensemble, ce qui implique certains aménagements et des accommodement raisonnable
* – Expliquer ce qu’est un accommodement raisonnable et surtout ce qu’il n’est pas
* – Préciser que les demandes d’accommodement ne sont pas toujours acceptées et que dès qu’elles le sont, surtout quand elles le sont par les tribunaux, elles méritent le respect car il s’agit d’une conquête de la société de droit en faveur de personne pouvant subir une discrimination indirecte
* – Rappeler que dans ce pays dit de droit, certains droits ne peuvent pas primer d’autres droits.
* – Le pouvoir des médias ne doit pas s’exercer sur le dos de minorités faibles et dont la présence est récente comme les musulmans, déjà victimes de l’islamophobie ambiante et agissante et d’un taux de chômage dont le Québec ne peut pas être fier – Ils devraient avoir conscience du fait que l’amélioration des côtes d’écoute ne peut s’effectuer au prix de dissensions au sein du tissu social et de la mise à l’indexe de certaines communautés censées appartenir à la nation québécoiseEn quoi certains accommodements raisonnables portent-ils préjudice aux droits de la majorité? En quoi remettent-ils en cause l’identité québécoise?
Qu’on cesse de vouloir « sauver » la femme musulmane qui porte le Hijab, attitude paternaliste et méprisante pour celle qui le porte par conviction de foi et qui en paie le prix très élevé en termes de discrimination en emploi et en remarques blessantes. Ce dont elle a besoin, c’est qu’on la laisse en paix et qu’on la respecte au même titre que toute autre personne qui s’habille ou se déshabille comme elle l’entend sans que cela fasse scandale. Punks, perçage corporel et sexualisation excessive et prématurée de jeunes adolescentes ne
posent aucun problème au nom de la liberté, alors qu’on s’acharne sur les femmes musulmanes sans relâche…au nom de quoi?Peut-être au nom d’une volonté d’assimilation ou, tout au contraire, d’une volonté de pousser les musulmans vers un ghetto que l’on se permet de condamner en même temps.
Le Conseil du statut de la femme ne nous a jamais consultés, nous femmes musulmanes portant Hijab, sur notre sort et ose remettre en cause sans vergogne ses propres prises de position courageuses à l’époque sur le port du Hijab. Que sait-il de nos problèmes de chômage? Des discriminations et des insultes de toutes sortes dont nous sommes l’objet en tant que femmes et sur lesquelles le conseil ne se prononce jamais? S’agit-il du Conseil du statut de la femme québécoise de souche, blanche, sexuellement libérée et ayant renié et l’église et le Christ?Sommes-nous, – nous, femmes musulmanes – dignes de l’intérêt du Conseil du statut de la femme du Québec?
* – Si le gouvernement a la prétention de légiférer sur l’expression du religieux dans l’espace public, à l’image de la France et de la « laïcité à la française » qui tente tellement de Québécois de souche, qu’il prenne garde à ne pas imposer un recul à une société qui devrait être fière de ce que ses deux Chartes et ses tribunaux ont accompli en matière de défense des droits et libertés en général, et des minorités en particulier.
* – L’accommodement raisonnable n’a pas à être davantage balisé car,
juridiquement, il l’est déjà à travers le concept de « contrainte excessive » si bien développé par la jurisprudence, ce qui en fait un droit non pas général, mais d’exception et strictement individuel. La sensibilisation des responsables scolaires, sociaux, hospitaliers, judiciaires et autres dans les domaines publics et parapublics donnera à ceux-ci la capacité de gérer une diversité culturelle et religieuse inévitablement grandissante et les demandes d’accommodements qui pourraient en découler. Il s’agit donc moins de baliser que de préparer les responsables institutionnels à l’analyse éclairée et compétentes des demandes, ce qui est loin d’être le cas au Québec.
* – Mener des enquêtes et des sondages pour mieux évaluer la situation de discrimination par rapport aux minorités vulnérables que sont les musulmans, les Arabes et les Noirs en général et les femmes portant le foulard en particulier.
* – Apporter une attention particulière aux conditions des immigrants notamment ceux qui vivent des discriminations injustifiables par manque de compréhension et de tolérance pour la différence. Les soutenir pour s’intégrer tout en respectant leur pratique religieuse; c’est ainsi seulement qu’on les détournera du ghetto vers lequel on semble les pousser. Rappelons-nous que le jeune Sikh Multani est perdu à jamais pour la majorité francophone et qu’il fréquente désormais l’école anglaise, et ce même si la Cour suprême lui a donné gain de cause, car la polémique médiatique aura eu raison de la volonté de sa famille de s’intégrer en français.
Conclusion
En conclusion, il n’appartient ni à une foule émotive voulant imposer une
« justice populaire », ni à l’État de résoudre les questions d’accommodement – considérées partout ailleurs au Canada comme négligeables – et qui se règlent bien, en dépit de ce que l’on cherche à faire valoir, grâce à deux mécanismes bien huilés (pour peu que les gens qui les traitent soient compétents en la matière), à savoir:
*- La voie « royale » car la plus logique et la plus courante : le règlement au gré à gré entre personnes responsables et portées au compromis. On ne parle ni des refus de demande d’AR alors qu’il en existe, ni des AR
consentis et qui ont aidé les demandeurs à s’intégrer davantage à la
société.
* – La voie judiciaire (Commission des droits et tribunaux). On met enévidence quelques rares cas comme le Kirpan sikh ou la Souccah juivepour lancer une controverse qui devient subitement débat de société,
question identitaire et enjeu politique dont ce servent allègement tous les partis politiques.
La partie de la population du Québec irritée par tout ce débat mérite de sortir de l’ignorance dans laquelle les médias et le gouvernement la tiennent en ce qui a trait aux réalités de l’immigration (nécessité démographique et économique), de la diversité (ethnique, culturelle et religieuse) et d’un système de droit qui mérite respect et soutien.
Ne sont remis en cause ni le fait français par les fiers francophones que nous sommes, ni les valeurs fondamentales de la société québécoise dont nous continuons à espérer des attitudes plus conformes à ses propres acquits démocratiques et de respect de droits qu’elle a elle-même consacrés par consensus dans au moins une Charte des droits et libertés, celle du Québec, qui est un modèle pour le monde entier et qui ne requiert aucun amendement. Seule l’éducation à la diversité pourra garantir la fin de dissensions portant préjudice à l’harmonie sociale.
Annexe A – constatations concernant le foulard
L’habit islamique, y compris le port du foulard fait partie intégrante des
valeurs de l’islam et de ses principes et ne se réduit pas à un simple
symbole religieux. Le port du foulard n’est qu’une partie d’un ensemble de valeurs cohérentes de l’Islam. En effet, l’habit, selon les principes de l’islam doit être décent, ni transparent ni collant. Une conduite de pudeur vient renforcer la valeur de cet habit. C’est un cheminement spirituel pour mieux satisfaire Dieu et suivre ses commandements et pour prémunir la dignité de la femme dans sa féminité Sachant que le fait de ne pas le porter ne peut exclure la femme musulmane de l’Islam et sachant qu’elle peut décider un jour de le mettre par pudeur et par conviction, de quel droit peut-on alors l’empêcher d’agir ainsi et de l’empêcher alors de pratiquer sa religion ?Que fait-on de la liberté de religion et de la liberté d’expression garanties par les textes fondamentaux des deux Chartes et de la Déclaration universelle des droits de l’homme? Dans les faits, la majorité des femmes musulmanes le portent par conviction et
non par oppression. D’ailleurs, plusieurs d’entre elles, convaincues de son bienfondé, se battent pour protéger ce choix et s’aligner avec les valeurs de l’Islam.
De plus, si plusieurs ont utilisé la religion à travers l’histoire et l’utilisent encore pour des fins politiques ou personnelles, cela ne peut nous donner un droit de rejeter le tout d’une façon radicale et d’omettre toute forme de religieux dans les institutions publiques. Cela ne doit pas nous conduire à exercer une autre forme d’oppression sur les citoyens ou de les empêcher d’être cohérents avec les valeurs de leur confession.
Étant donné que le port du foulard et des habits décents fait partie d’un
ensemble cohérent de valeurs de l’Islam, que c’est obligatoire en Islam et que c’est un choix des femmes musulmanes pour mieux adhérer aux valeurs de leur religion, il importe de respecter et protéger ce droit dans le cadre du droit fondamental à la liberté de la religion. À notre avis, il s’agit là moins d’un enjeu d’accommodement raisonnable que de l’expression d’un droit fondamental. L’État doit donc sensibiliser la société à ce point afin de favoriser un terrain d’entente et éviter l’acharnement incessant, insultant et infantilisant contre ces femmes.