L’hebdomadaire marocain TelQuel (objectif et sérieux) publie les meilleurs passages des résultats d’un grand sondage réalisé par des chercheurs reconnus, sur les Marocains et l’islam au quotidien. Les constats inquiètent: intolérance, traditionalisme, sympathie des jeunes pour le djihadisme. Par comparaison, les Québécois sont beaucoup plus tolérants et « accommodants » dans leurs rapports à l’« Autre », croyant ou pas.
Ces résultats nous intéressent parce qu’ils nous permettent de mieux comprendre la culture des immigrants québécois originaires du Maroc.
Le journal TelQuel, un média marocain objectif et sérieux, consacre un article (« Statistiques exclusives. Quels musulmans sommes-nous? ») aux meilleurs passages d’une vaste enquête réalisée par deux politologues et un anthropologue reconnus. Les résultats de l’enquête sont publiés aux éditions Prologues sous le titre « L’islam au quotidien ».
Nous reproduisons des extraits de l’article de TelQuel. Vous pouvez consulter l’article complet ici :
Statistiques exclusives. Quels musulmans sommes-nous ? TelQuel, no 301, le 19 décembre 2007 http://www.telquel-online.com/301/couverture_301.shtml
Plus du tiers des Marocains sondés (40%) refusent toute interaction entre juifs et musulmans marocains. On refuse tout partage de sanctuaire, rituel, petit écran, chacun devant pratiquer séparément sa religion et ses coutumes. Seulement 39% acceptent la cohabitation entre croyants et non-croyants. L’hypothèse théorique que toute relation religieuse, matrimoniale et commerciale, avec l’Autre soit bannie n’est pas exclue.
À peine 5,9% des pratiquants se rendent régulièrement à la mosquée. Ce chiffre surprend, compte tenu de la ferveur manifestée par les étudiants d’origine marocaine qui ont réclamé des salles de prières dans les universités laïques du Québec.
Autres chiffres :
– – – 60% ne considèrent pas comme musulman quelqu’un qui ne fait pas le ramadan. 82,7% des enquêtés ne sont pas d’accord pour que les cafés et les restaurants restent ouverts la journée pendant le mois de ramadan, pour les musulmans ne pratiquant pas le jeûne. S’agissant de leur ouverture pour des non musulmans, le taux des “non tolérants” baisse (41,7%).
Moins de 1% des femmes consentiraient à préparer le repas à leurs enfants non jeûneurs et seulement 11% accepteraient qu’ils le préparent eux-mêmes, 70% d’entre elles refusent toute idée de complicité active ou passive avec leurs propres enfants.
– – – 57% désapprouvent la mixité dans les plages, 40,9% la rejettent lors des mariages. Par ailleurs, la mixité à l’école est largement approuvée (77,2%).
– – – 34% considèrent la télévision comme la première source d’information religieuse. Parmi ceux-ci, 61,2% citent des chaînes arabes orientales spécialisées en matière religieuse, 47% des chaînes marocaines, et 24,1% des chaînes arabes orientales généralistes.
– – – 83% approuvent le port du voile, dont 64,9% pour des raisons religieuses et 17,2% pour des raisons non religieuses (pudeur, respect). Mais 75% des répondants trouvent qu’une femme peut être considérée comme musulmane sans porter le hijab, alors que 9,9% pensent le contraire. 8% des femmes se déclarent opposées à son port.
– – – 28% pensent que la religion doit guider la vie politique
Selon 26,3% des répondants, la religion doit être limitée à la vie personnelle et 28,9% pensent qu’elle doit guider la vie politique. D’un autre côté, 35,4% pensent que les spécialistes du religieux (oulémas, prédicateurs…) ne doivent pas traiter de politique et 25,2% pensent le contraire. Concernant particulièrement le prêche du vendredi, 33,4% pensent qu’il doit éviter les questions politiques alors que 32% pensent le contraire. Nous avons aussi demandé aux enquêtés de classer par ordre de préférence trois qualités de l’homme politique. Ils sont 46,1% à classer l’honnêteté en premier, 37% à le faire pour la piété, et 14,4% pour l’efficacité.
– – – 40% refusent toute interaction entre juifs marocains et musulmans marocains. Ceux-ci ne doivent partager ni un sanctuaire, ni un rituel, ni le petit écran. Chacun devant pratiquer séparément sa religion et ses coutumes
– – – 44% sont favorables à la polygamie
Cette proportion est de 36,9% chez la tranche d’âge 18-24 ans et de 60% chez les 60 ans et plus. L’opinion favorable à la polygamie se trouve plus confirmée dans les catégories scolarisées de la population.
– – – 39% acceptent la cohabitation entre croyants et non-croyants. A ce sujet, 41% des répondants approuvent l’idée que la nation marocaine soit composée de Marocains de différentes confessions religieuses, musulmane, judaïque et chrétienne. Théoriquement, l’hypothèse que toute relation religieuse, matrimoniale et commerciale, avec l’Autre soit bannie, n’est pas exclue.
– – – 21% des jeunes approuvent les mouvements jihadistes.
– – – 66% se sentent plus proches d’un musulman afghan que d’un chrétien palestinien ou d’un juif marocain
– – – 91% sont favorables à l’usage du haut-parleur pour appeler à la prière de l’aube
– – – 87% des femmes refusent l’avortement par conviction religieuse, mais elles sont à 89% pour la contraception, soit dix points de plus que les hommes
– – – 32% rejettent le crédit bancaire pour raisons religieuses
– – – 84% désapprouvent le takfir (déclarer un autre Marocain « impie »). Le taux d’approbation du takfir est plus élevé chez les 28-24 ans
– – – 75% refusent qu’un musulman change de religion. Les femmes sont moins tolérantes que les hommes à cet égard
– – – 80% sont contre la présence des imams femmes. Les femmes sont contre cette pratique autant que les hommes
– – – 28% considèrent ceux qui ne font pas la prière comme non musulmans. Près des deux tiers des enquêtés (65,7%) pratiquent régulièrement la prière, 8% prient mais de manière irrégulière, 11,7% ont cessé de prier et 14,6% ne l’ont jamais fait. Les pratiquants qui se rendent régulièrement à la mosquée sont de 5,9 % (5,7 % pour la prière de l’aube)
– – – 66% pensent que dans l’islam, il y a solution à tout (relations sociales, santé, médecine, économie, politique et technologie). La majorité des Marocains considèrent la religion musulmane comme une religion supérieure, valable en tout temps et en tout lieu. Les musulmans, qu’ils soient théologiens ou adeptes, ont toujours donné cette définition à l’islam.
D’abord musulmans, ensuite Marocains, arabes, etc.
L’identité musulmane est l’identité dominante. La majorité des Marocains se définissent d’abord comme musulmans, puis comme Marocains. Les identités arabe, berbère et africaine viennent successivement en troisième, quatrième et cinquième positions.
Les auteurs de l’article s’interrogent sur les résultats :
« Sommes-nous en train d’avancer ou de reculer ? (…) On s’inquiétera vraiment plus, demain, si le soupçon d’intolérance, de traditionalisme forcené, se confirme. Une autre vérité, déjà effleurée, est ici confortée : notre identité musulmane prime sur la marocaine. C’est que la nation, socle indispensable de la construction de la modernité, a encore du chemin à parcourir avant de devenir la première de la classe. Par ailleurs, L’islam au quotidien nous rappelle combien le recensement de certaines hétérodoxies religieuses reste illusoire : combien de Marocains n’observent pas le jeûne pendant le ramadan ? Combien ne croient pas en Dieu ? Ces questions demeurent insondables, parce que criminalisées par la loi ou, sont simplement prisonnières du tabou mental et culturel. Que toutes ces angoisses ne nous fassent pas perdre de vue l’essentiel : une société qui diagnostique (de plus en plus) ses retards se donne une chance de les combler. »