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L’Association des étudiants musulmans de l’Université de Montréal (AEMUDM) annonce qu’elle s’associe au lobby Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient (CJPMO) pour l’organisation d’une conférence de Tariq Ramadan à Montréal le 22 janvier prochain. Cette conférence s’ajoute à celles annoncées depuis plusieurs semaines en Alberta et en Ontario du 18 au 21 janvier 2017. C’est au moins la troisième fois depuis 2011 que CJPMO invite Tariq Ramadan à prononcer des conférences au Canada (2011 – 2015 – 2017).
À Montréal, la conférence de Tariq Ramadan doit porter sur ‘Le génie de l’islam’. C’est le titre d’un ouvrage publié par Ramadan en 2016. Ailleurs au Canada, ses conférences s’intitulent ‘Creating thriving societies in troubling times’ (Développer des sociétés florissantes à une époque trouble).
Après l’annonce de la tournée de Tariq Ramadan au Canada et avant que la conférence de Montréal ne soit annoncée, Point de Bascule a publié un article en anglais qui rappelle quelques faits importants au sujet de Tariq Ramadan et du lobby CJPMO qui l’invite.
- Dans des publications de 2006, 2014 et 2016, CJPMO encourage le gouvernement fédéral à «ne pas considérer tous les groupes islamistes militants de la même façon». Il l’encourage, notamment, à faire montre d’une «attitude d’engagement constructif» envers le Hamas et à faire une distinction entre les Frères Musulmans et l’État islamique. Au Canada même, CJPMO s’est associé, a endossé ou s’est porté à la défense d’entités liées à l’infrastructure des Frères Musulmans (MAC, CNMC / CAIR-Canada, organisation terroriste IRFAN-Canada).
- En plus d’œuvrer à la destruction d’Israël (Charte – article 13), les leaders du Hamas ont fréquemment prôné la conquête islamique de l’Occident ces dernières années (2006/Jan – 2006/Fév – 2008 – 2011 – 2012). En 2011, par exemple, le leader du Hamas, Mahmoud Al-Zahhar, a déclaré à la télévision que la civilisation occidentale «ne sera pas capable de résister au grand et glorieux islam». Le 16 juillet 2013, le Hamas a menacé de lancer des attaques terroristes dans les pays où se trouvent les ambassades d’Israël. Le Canada fait évidemment partie des cibles potentielles.
- L’annonce par Tariq Ramadan en 2014 de son admission à l’Union mondiale des savants musulmans qui regroupe plusieurs leaders importants des Frères Musulmans (dont le guide spirituel Youssef Qaradawi, Rachid Ghannouchi et Jamal Badawi) a confirmé l’importance de son rôle. En limitant la présentation de Ramadan à ses antécédents académiques sans faire état de son activisme pour l’islamisation des sociétés occidentales, CJPMO fait montre de complaisance, une fois de plus, à l’égard du leader islamiste et du programme islamiste en général.
Point de Bascule (17 mars 2016) : Tariq Ramadan annonce qu’il fait partie de l’Union mondiale des savants musulmans, un groupe sélect d’exégètes présidé par le guide spirituel des Frères Musulmans
- CJPMO reconnait que l’attaque contre Charlie Hebdo «représentait une attaque contre la liberté d’expression» et déclare que «combattre le terrorisme est certainement une initiative valable». Malgré cela, CJPMO n’hésite pas à inviter Tariq Ramadan dont l’organisation Présence Musulmane a présenté sur son site une justification du recours à la violence contre Charlie Hebdo entre le 22 septembre 2012 et le 9 janvier 2015 (deux jours après l’attaque terroriste). L’article établissait une équivalence morale entre une critique non-violente de l’islam comme celle de Charlie Hebdo et le recours à la violence par ceux qui s’en offusquent (Extrait : «Si l’offense est l’expression de votre liberté, alors la violence, sera l’expression de leur liberté !».) Sur son site anglais, Présence Musulmane se définit comme «un groupe de citoyens musulmans qui suivent les idées de Tariq Ramadan». Le 8 janvier 2015, le site anglais de Présence Musulmane identifiait Tariq Ramadan comme un de ses collaborateurs.
Point de Bascule (9 janvier 2015) : En 2012, l’organisation de Tariq Ramadan, Présence Musulmane, a publié un article justifiant ceux qui auraient recours à la violence contre Charlie Hebdo
- Dans ses documents, CJPMO encourage le gouvernement canadien à faire montre d’ouverture d’esprit envers ceux qu’il appelle les «islamistes modérés». Même si l’allié de CJPMO, Tariq Ramadan, refuse d’utiliser l’expression ‘musulman modéré’, ou ‘islamiste modéré’ lorsqu’il s’adresse à des auditoires musulmans (Dallas 2011 / Video 3 @ 02:36), il n’hésite pas à le faire quand il cible des auditoires non-musulmans. Dans une interview destinée aux non-musulmans, il a ainsi présenté Hassan Tourabi comme un musulman «modéré». Pourtant, Hassan Tourabi a été le principal responsable de l’introduction de la charia au Soudan dans les années ’80 et ’90. La décision d’un tribunal canadien en 2000 décrit le Soudan de Tourabi comme un «pays des horreurs [où l’]on flagelle au nom de la charia, on abrite des bases terroristes et on extermine les chrétiens du Sud». Tourabi lui-même a été décrit dans cette cause comme «l’idéologue du régime militaire au Soudan» et le leader d’une «Internationale islamiste». Une autre décision judiciaire canadienne rappelle que c’est à l’invitation de Tourabi «[qu’Oussama] Ben Laden et son entourage ont déménagé au Soudan en 1991». Alors que Hassan Tourabi était solliciteur-général du Soudan en 1985, le théologien musulman Mahmoud Mohamed Taha a été exécuté pour apostasie par l’État parce qu’il encourageait la réforme de certains principes islamiques. En 2006, le New Yorker a consacré un article pour examiner le rôle de Tourabi dans l’exécution de Taha.
- L’article de Point de Bascule annonçant les conférences de Tariq Ramadan en Alberta et en Ontario a été publié avant le récent remaniement ministériel à Ottawa. Stéphane Dion était toujours ministre des Affaires étrangères à ce moment-là. Après s’être fait questionner en 2016 sur un article élogieux de son ministère au sujet de Tariq Ramadan intitulé «Un visionnaire», le ministre Dion l’avait immédiatement fait retirer du site internet de son ministère. À l’époque, M. Dion avait déclaré que l’hommage à Tariq Ramadan «n’a rien à voir avec l’opinion du gouvernement du Canada». «Ça traine depuis peut-être trop longtemps» sur le site du ministère, avait-il ajouté.
Point de Bascule (17 novembre 2014) : Le ministère des Affaires étrangères du Canada promeut l’islamiste Tariq Ramadan comme «un visionnaire»
Point de Bascule (25 janvier 2016) : Le ministère des Affaires étrangères du Canada retire un hommage à Tariq Ramadan de son site internet après un reportage de TVA
Les antécédents de CJPMO
Selon son propre site internet, le lobby Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient, dont le siège social est à Montréal, a été fondé en 2002. Son nom actuel a été homologué en 2004. Thomas Woodley est le président de CJPMO depuis 2011 (selon son profil LinkedIn) et selon 2008 (selon le site du CJPMO). L’ancien ministre libéral Warren Allmand (1932-2016) a fait partie du conseil de direction de CJPMO jusqu’à sa mort récente.
Sur sa page ‘Mission et vision’, CJPMO déclare qu’il «tient à jour une banque de ressources et organise diverses activités afin de permettre à l’ensemble des Canadiens de mieux comprendre les dynamiques régionales et de mettre en œuvre des solutions aux problèmes du Moyen-Orient». CJPMO se présente comme «L’organisation de premier choix pour les politiciens, les décideurs politiques et les médias dans notre domaine».
Dans un profil que lui a consacré Al-Jazeera, (vidéo 13:00), le président de CJPMO Thomas Woodley rappelle qu’il est né à New York, qu’il a passé l’essentiel de sa jeunesse en Indiana, qu’il a travaillé à la Maison-Blanche (Office of Management and Budget), qu’il a rencontré la Montréalaise Grace Batchoun et est déménagé à Montréal en 1995 pour la marier. Il est devenu citoyen canadien en 1998.
Grace Batchoum est identifiée comme la vice-présidente aux relations publiques de CJPMO et présidente de la Fondation charitable CJPMO (Agence du revenu du Canada #841493539RR0001 / Archive.Today). En 2015, madame Batchoun a perdu l’investiture libérale aux mains de Mélanie Joly dans le comté Ahuntsic-Cartierville à Montréal. Elle a contesté les résultats, faisant valoir que plus de votes avaient été comptés qu’il n’y avait de personnes éligibles à voter sur la liste du parti mais sa demande de révision a été rejetée.
En 2011, Mohammed Azhar Ali Khan a rapporté dans le Muslim Link d’Ottawa que CJPMO «compte plus de 22 000 membres». En mars et en octobre 2016, écrivant pour un périodique saoudien cette fois-ci, Khan a loué la participation de CJPMO au boycottage économique d’Israël (la campagne BDS).
Dans un document de 2010 célébrant l’autorisation donnée à Al-Jazeera English de diffuser au Canada, CJPMO a évoqué la campagne de lettres de ses membres pour influencer le CRTC. Depuis plusieurs années, autant en arabe qu’en anglais, le réseau de télévision du Qatar présente une couverture de presse favorable aux Frères Musulmans.
Contrairement à Tariq Ramadan, au Conseil national des musulmans canadiens (CNMC / CAIR-Canada) et à d’autres acteurs islamistes qui ont cherché à publiquement se distancer du Hamas quand leur nom y a été associé, CJPMO manifeste publiquement son appui au Hamas malgré son inclusion dans la liste des organisations terroristes bannies par le Canada et les États-Unis.
Au milieu des années 2000, quand les États-Unis ont révoqué son visa en invoquant qu’il avait contribué à un collecteur de fonds du Hamas en Suisse entre 1998 et 2002, Tariq Ramadan s’était défendu en plaidant qu’il «n’avait aucune idée des liens de l’ASP [le collecteur suisse] avec le Hamas» et que sa contribution «était antérieure à 2003, année où le groupe avait été inscrit sur la liste noire américaine». Quant au CNMC / CAIR-Canada, il a amorcé une poursuite en diffamation (toujours en cours) contre le premier ministre Harper peu après que son directeur des communications ait évoqué l’existence de liens entre le CNMC / CAIR-Canada et le Hamas en 2014.
Plutôt que de se distancer du Hamas, CJPMO établit une distinction entre les actions violentes et les actions non-violentes du groupe terroriste. Il affirme que «[Traduction PdeB] Les politiques canadiennes peuvent s’opposer à la violence utilisée par certains groupes mais pourraient néanmoins appuyer la ‘cause’ de tels groupes».
Cette distinction entre les actions violentes et non-violentes (pré-violentes) du Hamas est factice. Dans sa propre charte, à l’article 30, le Hamas indique que «le jihad n’est pas limité au recours aux armes et au combat frontal avec l’ennemi car les discours convaincants, les écrits persuasifs, les livres utiles, ainsi que l’appui et l’aide font tous partie du jihad au nom d’Allah lorsqu’ils sont réalisés avec l’intention sincère d’assurer que la bannière d’Allah domine».
La ‘cause’ du Hamas, celle des islamistes violents et non-violents est «d’assurer que la bannière d’Allah domine» comme le dit la charte du Hamas, d’assurer que les principes totalitaires de la charia dominent.
Voilà pourquoi, dès que des liens peuvent être établis entre une organisation qui se présente comme non-violente et des pays ou des organisations qui promeuvent ou financent le jihad violent, les autorités canadiennes devraient assumer que l’organisation non-violente est engagée dans une dynamique ‘good cop-bad cop’ qui vise à atteindre par des moyens non-violents les mêmes objectifs totalitaires que ceux recherchés par les djihadistes violents.
Dans son classique Priorités du mouvement islamique, basé sur un discours prononcé en Algérie en 1990, le guide spirituel des Frères Musulmans, Youssef Qaradawi, souligne qu’un des principes politiques introduits sur terre par l’islam est de «recourir à la force à toutes les fois que c’est possible pour changer ce qui est mauvais» (“changing wrong by force whenever possible”). En d’autres termes, Qaradawi justifie le recours à la force pour faire appliquer les principes de la charia «à toutes les fois que c’est possible». Pour les islamistes, la décision de recourir ou non à la force est donc purement de nature tactique.
Dans le même document, Qaradawi indique qu’à l’étape actuelle, ce sont les lacunes technologiques du monde musulman (voir : we depend on others for military power) qui l’empêchent de mener des offensives militaires comme celles du passé contre les pays non-musulmans. Néanmoins, il s’est dit confiant que le monde musulman puisse conquérir l’Europe grâce à une offensive de nature idéologique.
En 2002, Qaradawi présenta l’offensive islamiste contemporaine en Europe comme un prolongement des offensives militaires islamiques des siècles passés :
Youssef Qaradawi : «L’islam va retourner en Europe comme un conquérant et un vainqueur après en avoir été expulsé à deux reprises, une fois au sud en Andalousie [Espagne – 1492] et une seconde fois à l’est quand il frappa à plusieurs reprises aux portes d’Athènes [1830]. […] Cette fois-ci, je maintiens que la conquête ne se fera pas par l’épée mais grâce au prosélytisme et à l’idéologie.»
En 2002, Tariq Ramadan a accepté de préfacer un recueil de fatwas de Youssef Qaradawi publié en français. En 2005, Tariq Ramadan a exprimé son «profond respect» pour Qaradawi. En 2008, dans son livre La réforme radicale, Ramadan a présenté Qaradawi, comme étant «au premier rang» (sic) des exégètes qui se penchent sur les attitudes et les comportements que les musulmans doivent adopter lorsqu’ils vivent en Occident. En 2012, Youssef Qaradawi était présent à l’inauguration du centre d’étude sur la charia dirigé par Tariq Ramadan au Qatar (voir photo). En 2014, Tariq Ramadan a annoncé son admission à l’Union mondiale des savants musulmans dirigée par Youssef Qaradawi. L’organisation émet des fatwas pour orienter les activités des individus et des organisations sous son influence.
La distinction que CJPMO propose entre les activités violentes et non-violentes (pré-violentes) des islamistes est non seulement factice mais dangereuse car elle accrédite l’approche ‘good cop / bad cop’ sans cesse utilisée par les islamistes pour faire appliquer leur programme.
Lectures complémentaires
Point de Bascule : FICHE Tariq Ramadan
Point de Bascule : FICHE Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient (CJPMO)
Point de Bascule : FICHE Association des étudiants musulmans de l’Université de Montréal (AEMUDM)