Comme disait Salim Mansur: «Quand la religion s’immisce dans la politique, et que la politique se fait passer pour la religion, alors on a l’Inquisition».
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La TRT (radio télévision publique turque) est ébranlée par des nominations internes
L’objectif est de passer d’une politique d’autonomie de la TRT à une vision plus islamiste, et de permettre à l’AKP de nommer ses partisans à la direction de la TRT, disent les analystes des médias.
ANKARA – Turkish Daily News
Le premier et l’unique diffuseur public officiel de la Turquie fait présentement face à une vague radicale de nominations internes.
Près de 600 employés expérimentés de la radio et de la télévision publique (TRT), y compris du personnel de haut niveau et des membres de la direction, ont été transférés à des postes de «recherchistes», un changement qui, selon la TRT, va de pair avec le processus de restructuration de l’institution.
La plupart des employés transférés vont maintenant se consacrer à faire des recherches dans les domaines requis par l’institution, et effectuer des tâches qui leur seront confiées par leurs supérieurs. Parmi les 600 personnes réaffectées, 43 sont du Comité d’inspection des diffuseurs, une unité stratégique qui révise tous les programmes diffusés par la TRT. Leur salaire restera le même jusqu’à ce que leur rémunération soit ajustée pour correspondre à celle des recherchistes. Les changements ont été apportés conformément aux récents amendements à la Loi sur la TRT, qui se bat pour être une institution dont l’autonomie et l’indépendance sont garanties par la Constitution.
Nominations partisanes et médias islamistes
«C’est la première fois de son histoire que la TRT est l’objet d’une telle opération, qui s’étend même aux membres du conseil d’administration et à leurs suppléants», a déclaré au Turkish Daily Osman Köse, membre de l’exécutif du conseil d’administration de Haber-Sen, le Syndicat des employés des médias et des communications.
«Il faut une vaste expérience et des décennies de travail pour être en mesure d’occuper des postes de haut niveau à la TRT. Le processus en cours réduira cependant à l’inactivité le personnel le plus expérimenté et les employés seniors, et permettra au parti au pouvoir de nommer ses partisans des médias islamistes et pro-gouvernement aux postes de haut niveau devenus vacants au sein de l’institution».
La TRT exploitée par l’État, présentement dirigée par l’expert en gestion de crises İbrahim Şahin, a toujours été critiquée pour ses nominations partisanes et ses émissions partiales favorables aux partis au pouvoir. La récente réorganisation est le dernier exemple le plus explicite de cette tradition, selon de nombreux analystes des médias.
Köse dit que la réorganisation met aussi en cause l’autonomie de la TRT dans un pays comme la Turquie où la loi impose à tous les citoyens le paiement de cotisations à la TRT, qui sont ajoutées à leur compte d’électricité. Le parti au pouvoir, a-t-il dit, modifie les lois en vue de contrôler une institution, comme il l’a fait dans le cas du Conseil de l’enseignement supérieur (YÖK), et du Conseil de la recherche scientifique et technologique de Turquie (TÜBITAK).
«L’AKP est en train de créer ses propres médias et de faire de la TRT un média au service de l’axe islamiste», a-t-il dit.
Le signe d’un régime totalitaire
Pour Tunca Toskay, ancien chef de la TRT et député du Parti du Mouvement nationaliste (MHP), il s’agit d’une réorganisation radicale dans l’histoire de la TRT, qui favorise l’AKP.
«L’AKP n’est pas satisfait des médias islamistes existants qu’il a créés durant son règne, et tente d’ajouter un média étatique. La réorganisation bafoue également les principes fondamentaux de la Constitution, qui garantit l’autonomie de la TRT», a-t-il dit. «La TRT diffuse déjà des émissions biaisées en faveur du parti au pouvoir. Avec la réorganisation, l’AKP vise à placer ses partisans dans des postes stratégiques au sein de la TRT».
Le professeur Sezer Akarcalı, de la faculté de communication de l’Université d’Ankara, a déclaré que la TRT, comme institution publique, était vulnérable à la manipulation idéologique, et qu’elle avait été utilisée par les gouvernements jusqu’à présent.
«L’AKP a déjà créé ses propres médias, et maintenant il vise un média public. Il ne peut même pas supporter la TRT, une institution indépendante», a-t-il dit. «La réorganisation est une sorte de massacre des ressources intellectuelles de la TRT et un signe de progrès vers un régime totalitaire», a-t-il dit.
Un fonctionnaire de la TRT, quant à lui, a dit que l’institution a subi une réorganisation et que certaines unités ont été fermées, mais que d’autres seront créées. Le personnel transféré sera donc utilisé selon les besoins émergents de la TRT dans la période à venir, a-t-il ajouté.
«Ils seront nommés à d’autres postes avec leur ancien titre à la fin du processus de restructuration de deux mois. Nous ne les condamnons pas à se chercher du travail ailleurs, alors c’est difficile de comprendre pourquoi ils se plaignent», dit-il.
Voir aussi:
Turquie – La cour rejette la demande d’interdiction du parti au pouvoir
Turquie – Signes d’islamisation croissante
Turquie – Propagande contre les femmes qui refusent de porter le voile
Du voile, de la charia et de la démocratie