Dans leur lettre parue dans Le Devoir du 13 juillet 2010, Phyllis Lambert et Serge Joyal demandent au gouvernement Charest de reconsidérer sa décision d’acheter l’édifice convoité par la Muslim Association of Canada (MAC) au centre-ville de Montréal pour y établir une mosquée et un centre communautaire. Ils affirment que rien dans le projet de la MAC ne menaçait les qualités patrimoniales et architecturales de l’édifice en jeu et concluent de la décision du gouvernement qu’elle « a des allures d’exclusion » de la communauté musulmane.
En négligeant de discuter du programme de la MAC et des autres organisations impliquées, madame Lambert et monsieur Joyal réussissent à faire passer les opposants au projet pour des bigots. En ce qui concerne Point de Bascule, notre opposition au projet de la MAC n’a jamais été motivée par une hostilité envers un nouveau lieu de culte pour les musulmans. Depuis le début, nous avons fait valoir que ce qui causait problème c’était le programme politique des organisations derrière le projet.
Nous croyons qu’un examen approfondi des objectifs politiques poursuivis par les acteurs impliqués dans le dossier prouvera que l’opposition à une mosquée contrôlée par la MAC témoigne d’une attitude responsable et d’un attachement aux libertés individuelles plutôt que d’une étroitesse d’esprit.
Un rappel des faits
Le projet de mosquée dans l’ancien bâtiment des Sœurs grises fut lancé par les sections de la Muslim Student Association (MSA) des universités McGill et Concordia. La MSA fut fondée en 1963. Elle était l’une des toutes premières courroies de transmission que l’organisation des Frères Musulmans a établie en Amérique du Nord. L’affiliation des deux associations universitaires montréalaises à la MSA nord-américaine est explicitement mentionnée dans leur constitution respective disponible sur internet.
Pour administrer leur projet de mosquée, les sections de McGill et de Concordia constituèrent le Montreal Community Centre (MCC). Éventuellement, le MCC confia la gestion du projet à la MAC, la section des Frères Musulmans opérant au Canada anglais. Présence Musulmane Canada (PMC) dirigée par Salah Basalamah agit comme pendant de la MAC au Canada français. La MAC et PMC s’associèrent en avril 2010 pour organiser des conférences qui mettaient en vedette le leader islamiste Tariq Ramadan lors de son passage à Montréal.
Sur son site internet, la MAC déclare « faire tous les efforts pour appliquer l’islam (…) tel qu’il a été compris dans le contexte contemporain par le regretté imam Hassan al-Banna. La MAC considère cette idéologie comme la meilleure représentation de l’islam tel qu’il fut présenté par le Prophète Muhammad. »
Un condensé de la doctrine d’al-Banna est disponible dans le manifeste en 50 points qu’il adressa à plusieurs dirigeants politiques du monde arabe en 1947. Le manifeste promeut notamment l’abolition des partis politiques et l’instauration d’un système de parti unique, la modification des lois pour les rendre conformes à la charia, la multiplication d’associations vouées à la promotion de l’esprit du jihad dans la jeunesse, la fermeture des salles de danse et la censure des films et des pièces de théâtre. Dans son manifeste, al-Banna déclara même son intention d’imposer un code vestimentaire unique à la population.
Face au refus des autorités égyptiennes d’appliquer son programme, l’organisation d’al-Banna multiplia les actes de terreur en Égypte et assassina notamment le premier ministre du pays en 1948.
Dans un de ses essais consacrés au jihad, al-Banna explique « (qu’)il est obligatoire pour nous (musulmans) de se battre contre eux (les infidèles) après leur avoir transmis l’invitation (d’adhérer à l’islam) et ce, même s’ils ne se battent pas contre nous. » (Five Tracts, Translated by Charles Wendell, Berkeley, University of California Press, 1978, p. 147)
Pour inspirer ses troupes, Hassan al-Banna rappela dans son essai To What Do We Invite Humanity? (À quoi convions-nous l’humanité) que dans l’histoire plusieurs leaders connurent des débuts modestes avant de finalement connaître « le succès et la fortune ». Il mentionna plusieurs chefs de guerre musulmans qui l’inspiraient et un seul non-musulman. C’était Adolf Hitler.
De nos jours, le guide spirituel des Frères Musulmans, Youssef al-Qaradawi, nous rappelle fréquemment par ses déclarations dans les médias arabes que l’organisation islamiste est toujours une ennemie farouche des libertés individuelles.
Dans les années récentes, al-Qaradawi a promu notamment l’assassinat des apostats de l’islam (islamonline.net) et celui des homosexuels (vidéo 5:27), il a présenté Hitler comme un envoyé d’Allah venu punir les Juifs (vidéo), il a incité les musulmans à conquérir l’Occident (vidéo), il a pris position en faveur des mutilations génitales des jeunes filles, etc.
Quand les militants islamistes derrière le projet de mosquée au centre-ville de Montréal déclarent « faire tous les efforts pour appliquer l’islam tel qu’il a été compris par Hassan al-Banna », ils nous annoncent consacrer leurs énergies à faire triompher ces principes.
Lors des deux procès qui menèrent à la condamnation en 2008 de plusieurs membres du réseau américain des Frères Musulmans pour avoir financé des activités terroristes au Moyen-Orient à partir des États-Unis, la poursuite déposa en preuve un mémorandum interne de l’organisation.
Une liste annexée au document principal permet de confirmer que la MSA qui coordonne les activités de ses sections de McGill et de Concordia fait bel et bien partie du réseau nord-américain des Frères.
Le document interne mentionne en termes non ambigus l’objectif visé en Amérique du Nord par l’organisation islamiste. Le passage se lit comme suit: « Les Frères Musulmans doivent comprendre leur travail d’implantation en Amérique comme une sorte de grand jihad visant à éliminer, à détruire de l’intérieur la civilisation occidentale et à saboter sa misérable demeure afin que la religion d’Allah soit victorieuse sur toutes les autres religions. (…) C’est la destinée du musulman que de mener le jihad peu importe où il se trouve et ce, jusqu’à son dernier souffle. »
Une opposition diversifiée aux Frères Musulmans
S’il fallait une preuve convaincante qu’une opposition aux Frères Musulmans n’équivaut pas à ostraciser les musulmans en général, elle est venue de nuls autres que de musulmans le jour même où Le Devoir reproduisait la lettre de Phyllis Lambert et de Serge Joyal.
Dans La Presse du 13 juillet, on peut retrouver un article de France-Presse qui fait état de l’opposition de plusieurs groupes de femmes jordaniennes à un projet de loi promu par la section locale des Frères Musulmans qui vise à autoriser le mariage des filles de 15 ans tout en maintenant l’âge minimum à 18 ans pour les garçons.
Les opposantes jordaniennes font valoir que l’autorisation du mariage de très jeunes filles signifie la légalisation de leur viol. Hammam Saïd, le chef des Frères Musulmans de Jordanie rétorque que « la Charia (loi islamique) autorise le mariage aux moins de 18 ans si les conjoints ont atteint une certaine maturité ». Il ajoute connaître les «conséquences désastreuses » qui attendent les femmes qui « pren(nent) le chemin de l’éducation occidentale ».
C’est également en invoquant la charia que les Frères Musulmans s’opposèrent aux réformes promues par la reine Rania de Jordanie qui voulaient rendre passibles de peines criminelles les pères qui tuent leurs filles. C’est un principe de charia reconnu (notamment dans l’Umdat al-Salik, Ahmad ibn Naqib al-Misri, Beltsville, Amana Publications, 1994, pp. 583-584) qu’un père ne peut pas être puni pour le meurtre de ses enfants. Ce principe constitue un endossement du crime d’honneur. Appliquer l’islam tel qu’il a été compris par Hassan al-Banna, appliquer la charia mène à cela également.
Plusieurs des opposants aux idéaux totalitaires des Frères Musulmans sont des musulmans et d’anciens musulmans qui ont pu constater de visu les dommages causés par l’application des principes islamistes. À Point de Bascule, ce sont des musulmans comme Salim Mansur et Tarek Fatah qui nous ont aidés à comprendre les subtilités de la menace islamiste.
Les mosquées sont nos casernes
Dans son livre Auspices of the Ultimate Victory (Les signes annonciateurs de la victoire finale), Youssef al-Qaradawi explique les succès de sa variété d’islam en Occident par le travail de terrain des Frères Musulmans et par les contributions en pétrodollars des milliardaires du Golfe. Les mosquées qui servent de bases avancées aux Frères Musulmans « pour détruire de l’intérieur la civilisation occidentale » sont fréquemment construites grâce à l’apport de fonds qui proviennent de gouvernements qui persécutent chez eux ceux qui ne partagent pas leurs convictions religieuses. Il est vraisemblable que le projet de Montréal ait bénéficié de telles contributions étrangères.
Dans les circonstances, l’ouverture d’une mosquée par les Frères Musulmans au centre-ville de Montréal fait partie du programme défini par leur allié, le premier ministre turc Recep Erdogan, il y a quelques années: « Les mosquées sont nos casernes, les minarets nos baïonnettes, les dômes nos casques et les croyants nos soldats ».