Adresse originale : http://www.journaldemontreal.com/2015/04/17/le-canada-suit-largent-du-terrorisme-souvent-pour-rien / Archive.Today
Auteur : Andrew McIntosh
Référence : Journal de Montréal, 17 avril 2015 (Version internet)
Titre original : Le Canada suit l’argent du terrorisme souvent pour rien
Depuis 2009, le service de renseignement financier du Canada a donné 683 tuyaux à la GRC, au SCRS et à d’autres corps policiers sur de présumés cas de financement de terrorisme, mais très peu d’individus impliqués dans ces transactions douteuses ont fait face à des accusations criminelles par la suite.
Daniel Lang, un influent sénateur conservateur du Yukon, et d’autres membres de son Comité sénatorial sur la sécurité nationale veulent savoir pourquoi toutes ces pistes d’enquête ne donnent à peu près jamais de résultats.
«On pourrait penser qu’au moins 5 ou 10 % de ces signalements mériteraient une considération sérieuse en vue de poursuites», dit-il.
La situation commence à être gênante au plan international, selon une avocate qui se spécialise dans le domaine, Me Christine Duhaime
«Nous avons une assez mauvaise réputation dans le monde, en ce qui concerne les poursuites de financement du terrorisme ici au Canada», estime-t-elle.
Le service de renseignement financier (son vrai nom est le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ou le CANAFE) a dévoilé cette montagne de signalements dans son tout dernier rapport annuel.
«Ils font le travail qu’on leur a demandé de faire, poursuit M. Lang. Ils transmettent des informations aux organismes d’investigation.»
Le sénateur conservateur Daniel Lang et les membres du Comité sénatorial sur la sécurité nationale trouvent que malgré les nombreux signalements de financement terroriste, les poursuites se font attendre.
« Suivre l’argent »
Le CANAFE, qui a son siège social à Ottawa, a des bureaux régionaux à Montréal, Toronto et Vancouver. Son budget annuel est de 49,4 M$ et il a 359 employés.
«Il y a clairement de l’activité qui se passe dans le domaine du financement du terrorisme ici au Canada et on ne prend pas les démarches nécessaires pour déposer des accusations», estime le sénateur Lang.
«Il faut suivre l’argent, insiste-t-il. Le Parlement va devoir agir pour faire respecter notre désir que nos lois soient appliquées.»
Statistiques décevantes
Pourquoi les accusations ne viennent-elles pas?
Selon Me Christine Duhaime, le Canada a des procureurs fédéraux frileux et des policiers qui ont des budgets insuffisants.
«Nos procureurs ont besoin d’être moins peureux, estime-t-elle. Ils se plaignent que les causes sont trop compliquées, que la preuve est dure à faire, qu’ils ont peur de perdre devant les tribunaux.
«Nous avons besoin d’un changement culturel et nous devons poursuivre les suspects, ajoute-t-elle. Peu importe la difficulté de la tâche, on va gagner des causes et on va en perdre aussi», ajoute-t-elle.
Est-ce qu’il y a eu des cas où la police voulait accuser et les procureurs étaient en désaccord?
Sujata Raisinghani, porte-parole du Service des poursuites pénales du Canada, s’est contentée de dire que ce genre de questions sont «hypothétiques.»
Deux cas connus
Il y n’aurait eu que deux condamnations d’individus pour des infractions depuis l’adoption de la Loi sur financement du terrorisme en 2000-2001.
- Prapaharan Thambithurai, un Ontarien, a écopé six mois de prison en 2011 après avoir plaidé coupable d’avoir ramassé de l’argent à Vancouver pour les Tigres tamouls (Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul), le groupe terroriste-séparatiste sri-lankais. La Couronne avait demandé une sentence de deux ans.
- Momin Khawaja, un ingénieur de logiciel qui travaillait à Ottawa pour le gouvernement fédéral, a été reconnu coupable d’avoir participé et aidé à financer un complot pour faire un attentat en Grande Bretagne en 2008. Condamné à la prison à vie, il ne peut bénéficier d’aucune libération conditionnelle avant 2018.
Des milliards surveillés
Le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) traite des milliards de dollars de transactions financières par année dès que les montants dépassent 10 000 $.
Ses superordinateurs hyper sophistiqués passent au crible les données, à la recherche de renseignements financiers liés au crime et au financement du terrorisme. Voici le nombre de signalements que l’organisme a fait aux forces de l’ordre en matière de financement de terrorisme:
2013-2014: 234
2012-2013: 157
2011-2012: 116
2010-2011: 103
2009-2010: 73
Total: 683
Références supplémentaires
Point de Bascule : Fiche Gendarmerie royale du Canada (GRC)
Point de Bascule : Fiche Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS)
Fabrice de Pierrebourg (La Presse – 11 septembre 2010) : La Sûreté du Québec a démembré son Service de la lutte contre le terrorisme (SLCT)
Andrew McIntosh (Journal de Montréal – 20 juin 2014) : Mystérieux enlèvement d’enfant manqué / également sur Archive.Today
L’article est consacré à plusieurs indices négligés par l’enquête de la police de Montréal et qui semblent indiquer que Chiheb Battikh n’a pas agi seul.
Point de Bascule (24 février 2015) : Directeur de Point de Bascule témoigne devant un Comité du Sénat sur la pénétration islamiste des agences de sécurité canadiennes