Dans un article sur «les angles morts de l’investigation impartiale», Hugues Serraf d’Atlantico a raconté son échange avec un journaliste de Mediapart qui connaissait ce qu’il a décrit comme la «vie sexuelle disons remplie» de Tariq Ramadan mais qui a choisi de ne pas en informer ses lecteurs dans une longue enquête sur Ramadan publiée en avril 2017.
Charlie Hebdo a réagi au silence de Mediapart en publiant la caricature (ci-haut) de son directeur Edwy Plenel à la moustache toute puissante qui l’aurait empêché de réaliser ce qui se passait.
Rappelons qu’entre le 22 septembre 2012 et le 9 janvier 2015 (soit deux jours après l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo), le site internet de l’organisation Présence Musulmane de Tariq Ramadana a présenté un article qui justifiait le recours à la violence contre le magazine.
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En avril 2017, le site d’information français Mediapart a publié une longue enquête en cinq parties sur Tariq Ramadan signée par le journaliste Mathieu Magnaudeix. Réalisant que cette enquête de Mediapart n’a pas fait la moindre allusion aux faits récemment allégués en France, en Belgique et en Suisse qui ont mené à des accusations d’agressions sexuelles contre Tariq Ramadan, le journaliste Hugues Serraf d’Atlantico a contacté Mathieu Magnaudeix le 1er novembre 2017 pour s’enquérir de ce qu’il savait en avril. Leur échange a été bref. Il s’est fait sur Twitter et il est reproduit à la droite du texte.
Dans sa réponse à Hugues Serraf, Mathieu Magnaudeix déclare avoir «entendu parler de relations extra-conjugales [de Tariq Ramadan], d’une vie sexuelle disons remplie [mais] pas de violences, d’agressions ou de viols».
Soit, enchaine Hugues Serraf, mais considérant les nombreuses accusations de double discours contre Tariq Ramadan, n’aurait-il pas été opportun d’explorer ce filon?
À titre d’exemple, dans un débat en 2009, Caroline Fourest a fait entendre à Tariq Ramadan l’extrait d’un de ses propres discours dans lequel il condamne les piscines mixtes. Écoutez le discours des piscines.
Sur cette contradiction entre ce qu’il appelle la «vie sexuelle disons remplie» de Tariq Ramadan et les revendications communautaristes de Ramadan pour faire appliquer les normes de la charia notamment dans les piscines, Mathieu Magnaudeix n’a pas répondu à Hugues Serraf. Il s’est contenté d’affirmer que les informations qu’il avait sur Tariq Ramadan relèvent de sa vie privée.
EXTRAIT DE L’ÉCHANGE SERRAF-MAGNAUDEIX SUR TWITTER
Hugues Serraf : Bonjour, j’ai relu l’enquête sur Ramadan [d’avril 2017] et rien sur son rapport aux femmes. Ça n’a jamais été évoqué par vos interlocuteurs?
Mathieu Magnaudeix : […] Entendu parler d’un comportement peu adéquat avec le rigorisme préché [sic], oui. Mais pas d’agressions ou viols.
Hugues Serraf : Mais “peu” adéquat comment ? Qui ne vaille pas de tirer sur le fil face à un père la morale professionnel ? Vous dites comme Bernard Godard?
Mathieu Magnaudeix : J’avais entendu parler de relations extra-conjugales, d’une vie sexuelle disons remplie. Pas de violences, d’agressions ou de viols.
Hugues Serraf : Ça ne semblait pas un angle important pour un prédicateur rigoriste accusé de duplicité par ses détracteurs ? Vous en avez parlé à la rédac?
Mathieu Magnaudeix : Non les infos que j’avais, ça ne dépassait pas le cadre de la vie privée.
Mediapart est dirigé par Edwy Plenel, un homme qui a affiché sa sympathie pour Tariq Ramadan dans le passé. Contrairement à son journaliste Magnaudeix, il affirme qu’il ne savait rien de cet aspect de la vie de Ramadan.
En 2015, en sa présence dans un colloque au sud de Paris, Edwy Plenel a qualifié Tariq Ramadan d’«intellectuel très respectable» avec lequel il n’avait eu «aucun désaccord sur le fond» après trois heures et demie de discussion. Aux critiques de Ramadan qui l’accusent de double discours, Plenel avait répondu : «Encore une fois, je le lis et je l’écoute et je ne vois pas d’ambiguïté.»
Le 6 novembre, Lénaïg Bredoux, une autre journaliste de Mediapart, a pris le relai et accusé Hugues Serraf de «[tout mélanger] entre des rumeurs sur des aventures consenties et des témoignages pour viol».
Serraf lui a évidemment répondu qu’il était aberrant qu’une enquête sur un religieux accusé de double discours ait négligé de «tirer sur ce fil [sexuel], au-delà de la question des viols».
EXTRAIT DE L’ÉCHANGE SERRAF-BREDOUX SUR TWITTER
Lénaïg Bredoux : Ce que vous écrivez est absolument faux. Ou alors vous mélangez tout : quel rapport entre des rumeurs sur des aventures consenties et des témoignages pour viol? Aucun. Or nous n’avions aucun témoignage de violences sexuelles.
Hugues Serraf : Absolument faux ? Dans une enquête où l’on évoque la lapidation des femmes adultères on passe celui de Ramadan par profits et pertes ?
Hugues Serraf : On enquête sur un religieux accusé de double discours mais on décide de ne pas tirer sur ce fil, au-delà de la question des viols ?
Lénaïg Bredoux : À moins de considérer que l’adultère est un fil conduisant aux violences sexuelles, c’est une ineptie. Je ne vais pas me répéter sans fin!
Hugues Serraf : L’adultère chez un religieux le condamnant et rendu célèbre par son moratoire sur la lapidation. Si vous ne voyez pas mon point, que faire..
Hugues Serraf : Analogies: un chef étoilé préparant secrètement des surgelés, un sportif se dopant, un ministre des finances planquant son fric… Get it?
Le 10 novembre, Mediapart a publié un message dans lequel sept femmes ont exprimé leur «totale confiance concernant Tariq Ramadan». Elles déclarent «n’avoir jamais vu d’agissements tels que le décrit la presse ou certains mouvements féministes, colportant rumeurs plutôt que faits».
L’une des signataires est Samia Bouzourene. Jusqu’à la radiation volontaire de Présence Musulmane du Registre des entreprises du Québec le 14 juillet 2014 (NEQ 3362068978), elle était l’une des administratrices de Présence Musulmane au Canada, l’organisation lancée par Tariq Ramadan en Europe en 1996.
Au Canada, un ‘Réseau inter-associatif’ local a été mis sur pied le 8 juillet 2001 et rebaptisé Présence Musulmane Canada en juillet 2003.
Dans sa présentation de Samia Bouzourene de février 2014, Katia Gagnon de La Presse (Montréal) a décrit Présence Musulmane comme une organisation «qui n’existe plus depuis quelques années». Par contre, au début novembre 2017, Aziz Djaout, un leader islamiste de Montréal, a donné son appui à Tariq Ramadan contre les accusations d’agressions sexuelles dont il fait l’objet au nom de Présence Musulmane.
Le 18 octobre 2017, Radio-Canada a interviewé Salah Basalamah à titre de membre de Présence Musulmane. Une autre manifestation de la renaissance de Présence Musulmane, semble-t-il.
La justification du recours à la violence contre Charlie Hebdo par l’organisation Présence Musulmane de Tariq Ramadan
Avant que Charlie Hebdo ne caricature Edwy Plenel, le magazine s’en est donné à cœur joie avec un Tariq Ramadan en pleine érection présenté comme «le sixième pilier de l’islam».
On se doit de rappeler qu’entre le 22 septembre 2012 et le 9 janvier 2015 (soit deux jours après l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo), le site internet de l’organisation Présence Musulmane de Tariq Ramadan a présenté un article qui justifiait le recours à la violence contre le magazine.
L’article, adressé au magazine Charlie Hebdo, se terminait par le passage suivant : «Non Charlie. Si l’offense est l’expression de votre liberté, alors la violence, sera l’expression de leur liberté ! Non, ne dites pas “mais” ! Assumez…»
L’article établissait donc une équivalence morale entre une critique non-violente de l’islam comme celle de Charlie Hebdo et le recours à la violence par ceux qui s’en offusquent.
À cette époque (8 janvier 2015), sur son site en langue anglaise, Présence Musulmane se présentait comme «un groupe de citoyens musulmans qui suivent les idées de Tariq Ramadan» («a group of Muslim citizens who follow the ideas of Tariq Ramadan»). Le 8 janvier 2015, le site anglais de Présence Musulmane identifiait Tariq Ramadan comme un de ses collaborateurs.
L’article justifiant le recours à la violence contre Charlie Hebdo a été retiré du site de Présence Musulmane deux jours après la boucherie islamiste contre le magazine, après que Point de Bascule en ait dénoncé l’existence.
Lectures complémentaires
Point de Bascule : FICHE Tariq Ramadan
Caroline Fourest (Marianne – 27 octobre 2017) : La double vie de Tariq Ramadan / WebArchive – Archive.Today – Point de Bascule
Point de Bascule (7 novembre 2017) : Un ancien responsable du gouvernement français déclare avoir su que Tariq Ramadan «pouvait devenir violent et agressif» envers les femmes qu’il convoitait sexuellement mais ne l’a jamais dénoncé
Point de Bascule (7 novembre 2017) : À la défense de son frère Tariq, Hani Ramadan indique qu’en islam un individu ne peut être trouvé coupable de viol que si quatre témoins accompagnent la personne qui se plaint