Le rapport Bouchard-Taylor sera rendu public vendredi. The Gazette a obtenu une copie de la dernière ébauche et publié un article (en anglais, ici) disant que les commissaires Gérard Bouchard et Charles Taylor recommandent aux Canadiens français de s’ouvrir davantage au monde et de se réconcilier avec les accommodements religieux.
Sur la foi des informations publiées par The Gazette, il semble que les commissaires s’apprêtent à servir une leçon de morale aux Québécois:
Il est temps pour les Québécois d’être plus ouverts, de se débarrasser de leurs angoisses face aux minorités, de s’habituer à vivre dans une société mondialisée, d’apprendre davantage l’anglais, d’être plus gentils envers les musulmans, d’être mieux informés, et de contribuer à bâtir une société véritablement ouverte dans un monde globalisé.
Les commissaires étaient conseillés par un comité d’experts composé de 15 personnes, dont le sociologue Gérard Beauchemin. Il s’inscrit en faux contre les recommandations du rapport.
Traduction de: Dissident decries ‘whitewash’, par Jeff Heinrich, The Gazette, le 17 mai 2008
Le rapport Bouchard-Taylor ne plaira pas à tout le monde.
En fait, l’un des conseillers les plus proches de la commission est très critique.
Jacques Beauchemin, un membre dissident du comité consultatif d’experts de la commission, accuse le co-président de la commission, Gérard Bouchard, de mettre la pédale douce sur l’indépendance du Québec, et dit que le rapport fait peu de cas des Canadiens français en niant leur statut de majorité au Québec.
«À l’heure actuelle, il existe deux visions opposées de la société», dit Beauchemin, qui dirige le département de sociologie à l’Université du Québec à Montréal.
«L’une dit, «Dans une société démocratique et pluraliste, plus il y a d’accommodements, mieux c’est». L’autre dit: «Oui, mais quelles sont les limites à cela?»»
«La majorité francophone historique n’a-t-elle pas le droit de dire que l’essence de sa culture est remis en question?»
Beauchemin est l’un des 15 membres du comité consultatif d’experts qui a tenu plus d’une douzaine de réunions avec Bouchard et Charles Taylor entre août et décembre, date à laquelle la tournée de la commission à travers le Québec a pris fin. (…)
En mars, les membres du comité d’experts ont reçu la version finale du projet de rapport par email pour examen et commentaires. Bouchard et Taylor ont alors utilisé ces commentaires pour faire des modifications mineures au document et parvenir à une série de recommandations. La rédaction a été achevée le 3 avril.
Ce rapport officiel – ainsi que ses recommandations – doit être rendu public vendredi.
«Jusqu’à la dernière minute, ils n’avaient aucune idée des recommandations à faire – ce n’était pas du tout clair dans leur esprit», dit Beauchemin, directeur de la Chaire de recherche du Canada sur la mondialisation, la citoyenneté et la démocratie à l’UQAM.
«C’est un échange d’e-mails un peu surréalistes que nous avons tous eu, parce que le rapport est une sorte de justification», a-t-il dit.
«Ils essaient essentiellement de démontrer que la crise (sur l’accommodement des minorités) a été créée par les médias et qu’en fait, il n’existe pas de véritable problème».
«Ce serait la première fois dans l’histoire qu’une commission d’enquête finit par conclure qu’il n’y avait pas matière à enquête».
Il a ajouté: «J’ai l’impression qu’ils pensent que ce n’était pas nécessaire de tenir des audiences publiques, qu’ils n’avaient pas besoin d’entendre toutes les personnes» – plus de 3500 personnes ont assisté aux audiences dans 17 villes et villages de la province – «parce que dans leur esprit le rapport était déjà écrit».
Les commissaires concluent que le Québec est une société post-moderne fragmentée en plusieurs morceaux, et qu’il est diversifié et hybride. «Mais ils ont tort de penser que la solution est d’amener les gens à incorporer les vertus du multiculturalisme dans leur vie de la naissance à la mort », dit Beauchemin.
«Cela ne tient pas compte du fait que le Québec est un cas particulier et que les Canadiens français sont une minorité en Amérique du Nord qui a besoin de protection par des lois comme la Charte de la langue française», a-t-il déclaré.
«Personne ne prétend que le Québec devrait être fermé sur lui-même, strictement Canadien français, et qu’il ne devrait pas y avoir d’immigration. Mais les gens ont des préoccupations légitimes de perdre quelque chose qui fait d’eux qui ils sont. Il est normal d’être un peu inquiet».
Bouchard et Taylor auraient dû aborder cette question avec davantage de bienveillance, dit Beauchemin. «Au lieu de cela, ils la minimisent en disant qu’il n’y a pas matière à préoccupation».
Le rapport dit: «Il n’y a pas de place dans le Québec d’aujourd’hui pour défendre une identité plus qu’une autre», et «Il n’y a pas de nécessité de défendre l’ancienne identité francophone» car elle est déjà transformée par de nouvelles cultures, dit Beauchemin, en paraphrasant le document.
«Si c’est vrai, pourquoi avons-nous imposé le français dans les écoles?» a-t-il demandé.
«L’anglais est infiniment plus pratique que le français. Nous sommes en Amérique du Nord, mais nous nous accrochons à une langue minoritaire. Pourquoi ne pas simplement l’abandonner? Pour une bonne raison: la société n’est pas qu’une mode, c’est quelque chose qui se donne des projets à réaliser et fixe des normes de vie».
«Et ici au Québec, nous avons quelque chose à préserver».
Commentaire de Point de BASCULE
Il est un peu tôt pour se prononcer puisque le rapport n’a pas été rendu public.
Si les informations publiées par The Gazette sont exactes, on se fait traiter d’ignorants, de frileux et d’arriérés. Heureusement que nos élites éclairées sont là pour nous montrer la voie à suivre. Et pourtant, nous avons accueilli des immigrants depuis toujours. Comme si on avait des leçons à recevoir! Si le rapport s’avère rédigé sur ce ton paternaliste et moralisateur… il faudra réagir!
Pour nous, le problème n’est pas l’immigration, mais l’irruption de l’obscurantisme islamique dans nos institutions et services collectifs, les accommodements déraisonnables qu’on accorde par crainte de poursuites, l’érosion de valeurs qui nous sont chères, le recul de la liberté d’expression…
On aurait souhaité que le rapport invite les musulmans à embrasser la modernité, la mixité, la laïcité, la liberté d’expression, les débats libres sur les religions… bref qu’ils s’efforcent eux-mêmes de s’ouvrir aux valeurs de notre société.
Les hindous, les bouddhistes, les latino-américains, les chrétiens du Moyen-Orient et bien d’autres n’ont aucun problème de cohabitation harmonieuse avec notre culture. D’ailleurs, seuls les musulmans ont eu droit à des forums particuliers dans le cadre des auditions de la Commission. Aucun forum n’a été consacré aux autres groupes ethniques.
Partout en Occident, c’est avec l’islam que ça accroche. Que les québécois parlent mieux l’anglais et qu’ils soient plus gentils n’y changera absolument rien. Bien au contraire… la gentillesse, que nous voyons comme une vertu, est vue par les islamistes comme une faiblesse à exploiter.
Plusieurs groupes de néo-québécois qui ont déposé des mémoires à la commission Bouchard-Taylor ont dit exactement la même chose que les Québécois de souche.
Le journaliste ontarien d’origine pakistanaise Tahir Aslam Gora écrivait récemment que «La marginalisation des Musulmans au Canada n’est pas due à un environnement d’islamophobie créé par les médias, mais à une trop grande rectitude politique qui empêche des débats ouverts, et aux accommodements qui encouragent les Musulmans à vivre en circuit fermé et favorisent la domination de l’idéologie fondamentaliste. La société de ce pays est fondée sur une séparation de la religion et de l’État. Mais lorsqu’il s’agit d’appliquer cette valeur fondamentale aux musulmans, les décideurs politiques mêlent la religion avec les affaires de l’État. En conservant intactes nos valeurs fondamentales dans nos institutions nous pourrions aider à soutenir notre position laïque auprès de toutes les communautés».
«Dans un environnement laïc, on peut s’attendre à ce que toutes sortes de débats s’épanouissent. Lorsque cela existe, une communauté ne devient pas paranoïaque sur des choses comme des «complots des médias».»
Nous croyons que la préservation des éléments de notre culture qui nous sont chers est un droit fondamental. On nous propose la notion canadienne anglaise du multiculturalisme, celle d’un territoire vide sans identité sans racines et sans culture nationale. L’Homo postmoderne multiculturalis, quelle utopie d’universitaire nihiliste! Pourquoi pas fusionner avec le Vermont…
Voir aussi:
Commission Bouchard-Taylor : les blues de l’hiver feront-ils des miracles ?
Le “train” de Gérard Bouchard – M. Bouchard avez-vous perdu le Nord ?
Le Québec est un havre de paix : protégeons-le de l’obscurantisme islamique
Les accommodements renforcent la marginalisation des musulmans au Canada – Tahir Aslam Gora
Question sur un forum internet : Qui est-ce qui nous dérange ? les immigrants… ou les Musulmans ?