«En recommandant l’abolition des pouvoirs de censure de la commission des droits, Moon démontre qu’il comprend bien l’importance de la liberté d’expression et la prééminence de cette liberté sur les autres nobles principes. La recommandation que les médias soient obligés d’adhérer à des Conseils de presse relève toutefois d’une attitude totalitaire, et méconnaît le fonctionnement des médias dans la réalité.»
Dans sa chronique d’aujourd’hui sur le National Post, Jonathan Kay commente le rapport Moon qui recommande l’abrogation des pouvoirs de censure de la Commission canadienne des droits, dont nous avons affiché un résumé des recommandations (ICI).
En s’attaquant à Maclean’s/Mark Steyn, le Congrès islamique canadien et la Commission canadienne des droits nous ont rendu un fier service. Grâce à leur tentative d’importer chez nous les valeurs saoudiennes et iraniennes, et à la résistance farouche opposée par Maclean’s/Steyn et Ezra Levant, le racket orwellien des Commissions des droits est en voie de «dénormalisation».
“Looks like they picked the wrong rec room to break into.”
La dénormalisation des monstrueuses bureaucraties tyranniques
Traduction de: Jonathan Kay on censorship, press councils and hate speech: Three observations on Richard Moon’s CHRC report, National Post, le 25 novembre 2008
De nombreuses personnes bien informées ont déjà soupesé le rapport de Richard Moon sur la réglementation du discours haineux par la Commission canadienne des droits – y compris Ezra Levant dans l’édition d’aujourd’hui du National Post. La plupart des commentaires ont porté sur la recommandation bienvenue de Moon que soit abrogé l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP), qui autorise la Commission à agir comme censeur national du discours politiquement incorrect. Outre cette recommandation, le rapport contient d’autres trouvailles intéressantes. J’en évoque ici quelques-unes:
1. Donnons à Richard Moon le crédit d’être le premier (à ma connaissance) à avoir correctement articulé la tension fondamentale entre le concept de droits de l’homme et la réglementation du discours haineux. Il le fait dans la section 4 (b) de son rapport, que j’invite les lecteurs à lire attentivement – en particulier cet extrait:
« La principale recommandation formulée dans le présent rapport vise à abroger l’article 13 pour que la censure visant le discours haineux sur Internet relève exclusivement du droit pénal. Une interdiction à portée étroite du discours haineux qui sanctionne l’expression rattachée à la violence n’est pas facilement ni simplement conciliable avec une loi sur les droits de la personne qui adopte un point de vue large de la discrimination et cherche à promouvoir l’égalité sociale par l’éducation et la conciliation. Pour les raisons mentionnées dans la prochaine partie de la présente section, le processus établi dans la Loi pour ce qui est d’accueillir les plaintes de discrimination et de faire enquête à ce sujet convient mal aux plaintes déposées en vertu de l’article 13. De façon plus générale, il y a une tension entre l’objet global ou l’éthos de la Loi et la définition étroite du discours haineux adoptée par le Tribunal qui est, avec certaines adaptations, préconisée dans le présent rapport. »
Il s’agit d’une idée importante, que les critiques de la Commission (comme moi) feraient bien d’apprécier. Comme dit Moon (en peu de mots), la LCDP est une loi axée sur les sensibilités, conçue pour traiter toutes les menaces psychologiques imaginables envers les minorités. Il est donc compréhensible que les fonctionnaires chargés de faire respecter la LCDP le fassent en appliquant l’esprit de cette mission à tous les aspects de leur travail – y compris la censure. Le résultat, note Moon, est «une tension entre l’objet global ou l’éthos de la Loi et la définition étroite du discours haineux adoptée par [Moon lui-même].»
Cela explique, plus que tout autre chose, pourquoi l’article 13 ne peut pas être réparé facilement: Ce n’est pas la loi en soi qui pose problème, mais plutôt le conflit entre la tradition constitutionnelle canadienne de liberté d’expression et la bureaucratie de la Commission dont la mission dans la vie est statutairement encadrée par la rectitude politique compassionnelle.
Résultat: Comme professeur de droit, Moon comprend bien l’importance de la liberté d’expression, et la prééminence de cette liberté sur les autres nobles principes.
Du moins c’est ce que je pensais jusqu’à ce que j’arrive à la partie de son rapport sur les Conseils de presse …
2. La recommandation de Richard Moon que les médias soient obligés d’adhérer à des Conseils de presse relève de l’attitude totalitaire qu’il dénonce par ailleurs dans son rapport. Dans la section 5 (b), Moon écrit:
«Ceux qui s’opposent à la censure du matériel de propagande haineuse ou de diffamation collective répètent à qui veut l’entendre qu’il faut répondre à ce matériel, non pas par la censure, mais par davantage de discours. Cependant, si cette solution nous semble valable, nous devons songer aux occasions réelles que les groupes et les personnes ont de participer au débat public et de répondre aux propos qui sont inéquitables et discriminatoires.» …
«À cette fin, toutes les grandes publications imprimées devraient appartenir à un conseil de presse provincial ou régional habilité à recevoir une plainte selon laquelle la publication comporte une description inéquitable ou discriminatoire d’un groupe identifiable et, s’il décide que la plainte est bien fondée, à ordonner à la direction de la publication de faire paraître cette décision. Une décision du conseil selon lequel son code de conduite a été violé donne lieu, non pas à la censure, mais à davantage de discours, par exemple à la publication d’une déclaration portant que le journal a contrevenu au code et, plus précisément dans ce contexte, qu’il a publié du matériel comportant une description inéquitable des membres d’un groupe identifiable».
«Si les grandes publications du pays ne veulent pas adhérer à un conseil de presse, la création d’un conseil de presse national qui serait doté de pouvoirs d’origine législative et dont les éditeurs feraient obligatoirement partie devrait à nouveau être sérieusement envisagée. Un journal n’est pas simplement un participant privé du discours public; il constitue un acteur important de la scène publique, où différentes questions touchant la collectivité sont débattues. À ce titre, il a pour responsabilité de s’abstenir de diffamer ou de stéréotyper les groupes identifiables de la société canadienne».
Les mots « conseil de presse » ont une connotation plus chaleureuse et douce que «commission gouvernementale». Mais si ces conseils sont adossés au pouvoir coercitif de l’État, alors il n’y a pas de différence. En outre, le discours imposé bafoue notre tradition de liberté d’expression tout autant que le discours bâillonné. Rappelons que le débat entre le magazine Maclean’s et le Congrès islamique canadien a commencé lorsque l’éditeur du magazine a rejeté la demande du CIC de publier en première page une longue réfutation de l’attaque de Mark Steyn contre le radicalisme musulman. Si Maclean’s a le droit de dire NON au CIC, pourquoi devrait-il dire OUI à un conseil de presse?
Il y a un autre problème avec l’idée d’un conseil de presse: Dans les années à venir, on peut s’attendre à ce que de nombreuse plaintes déposées en vertu de l’article 13 de la LCDP, et peut-être même la majorité d’entre elles, découleront de commentaires colorés publiés sur des sites Web personnels, des blogues et des pages Facebook. Est-ce que tous ces médias électroniques éphémères seront aussi contraints d’adhérer à des conseils de presse, de payer une cotisation, de respecter les diktats bureaucratiques et de publier leurs ordonnances?
Si la réponse de Moon est négative (ce que je soupçonne, puisque son rapport parle des « grands médias »), alors sa recommandation sur les conseils de presse sera inutile. Si la réponse est oui, alors elle sera complètement inapplicable.
Résultat: Comme professeur de droit, Moon ne semble pas maîtriser la façon dont les médias fonctionnent dans la réalité.
3. La recommandation de Moon de dépouiller le Procureur général de son autorité en matière d’autorisation des poursuites pour discours haineux est une mauvaise idée. Tout comme moi, Moon estime que la meilleure façon de réglementer véritablement les formes extrêmes de discours haineux relève du droit criminel, et non des commissions des droits de la personne. À cet égard, il rappelle l’article 319 du code criminel, qui parle de quiconque «sciemment, incite à la haine contre un groupe identifiable» – mais qui stipule aussi ce qui suit: «Il ne peut être engagé de poursuites … sans le consentement du Procureur général».
Dans la section 4 (b) de son rapport, Moon fait valoir que le gouvernement devrait envisager la suppression de cet obstacle, parce que certains craignent que des poursuites en vertu de l’article 319 pourraient être bloquées «pour des raisons politiques». J’estime toutefois que l’implication d’un fonctionnaire qui est politiquement imputable est l’un des grands mérites de l’article 319. Cela garantit que si un média ou un commentateur étaient poursuivis sur des accusations fausses d’incitation à la haine, les politiciens élus ne pourraient s’en laver les mains.
Ce qui revient à dire que le gouvernement devra assumer la responsabilité des actes de censure plutôt que se cacher derrière des bureaucrates non élus travaillant derrière des portes closes, comme c’est le cas actuellement en vertu de l’article 13 de la LCDP.
Résultat final: La recommandation de Moon de se débarrasser de l’article 13 est admirable. Mais on aurait souhaité qu’il se contente de cette recommandation au lieu d’ajouter une panoplie regrettable de «et», «mais» et «cependant».
Voir aussi: