Ceux qui, en Occident, appuient les islamistes qui cherchent à censurer les médias et à réprimer toute critique de l’islam et de la charia ne comprennent pas la valeur de la liberté d’expression pour ceux qui, ailleurs dans le monde, luttent contre l’oppression de régimes tyranniques contrôlés par les islamistes. À leur insu, ces occidentaux servent d’idiots-utiles à ces régimes et se font complices de la tyrannie. L’Égypte offre un exemple du rôle de mobilisation politique que joue une nouvelle génération de bloggers dissidents persécutés pour exposer les abus du régime. – Marc Lebuis et Annie Lessard

Commentaire de Point de BASCULE
Alors que le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU cherche à interdire toute critique de l’islam, et au moment où les commissions des droits de la personne au Canada se donnent un rôle de censeurs des médias soit-disant «islamophobes», nous saluons le courage de ceux qui, dans les régimes où la charia est la source d’interprétation des lois, dénoncent les abus des autorités au péril de leur vie et au prix de leur liberté. Le texte ci-dessous de Ahmad Zaki Osman décrit le rôle de chiens de garde des libertés que jouent les bloggers en Égypte, un pays où les dissidents et les minorités religieuses sont persécutés par les islamistes.
Comme l’expliquait le philosophe syrien Sadik Jalal Al-’Azm dans un entretien que nous avons traduit pour vous, la charia équivaut à une loi martiale :
«Je crois que la conception que se font les islamistes de l’application de la charia est vraiment la loi martiale. Lorsque les officiers de l’armée prennent en charge le gouvernement ils déclarent un état d’urgence et la loi martiale. Lorsque les islamistes arrivent au pouvoir ils déclarent la mise en œuvre de la charia – et de cette façon, ils ne sont pas différents les uns des autres. À mon avis, leur rôle le plus important est de terroriser les gens».
À tous les naïvistes au Québec qui appuient les islamistes, nous disons: «Il faut choisir ton camp, mon ami!» La défense de la liberté, et particulièrement la liberté d’expression, n’appartient ni à la gauche ni à la droite. La Liberté a le devoir de se défendre partout où elle est menacée.
____________________
Traduction de: How the Internet is Challenging Egypt’s Government, par Ahmad Zaki Osman, Daily Star, Liban, le 14 mai 2008, via le site Free Copts
Bien que les grèves générales du 6 avril et du 4 mai aient attiré une participation limitée du public, elles ont révélé un nouveau phénomène politique en Égypte: la mobilisation politique des jeunes, 2e génération d’utilisateurs de l’Internet via les blogs, YouTube et Facebook. Après deux années d’intenses efforts du gouvernement pour lutter contre l’opposition, cette mobilisation a pris de court le régime. Elle met en évidence le rôle éventuel des médias interactifs non traditionnels dans la réalisation de changements politiques en Égypte, tout comme la réponse énergique du gouvernement à la grève a révélé son incapacité à trouver de nouvelles formes de contrôle politique en dehors de la répression habituelle par l’appareil de sécurité.
Le rôle croissant de médias non traditionnels a poussé l’État à tenter de les freiner par divers mécanismes. Plusieurs bloggers ont été arrêtés, y compris Moneim Mahmoud (rédacteur en chef du blog Ana Ikhwan ou «I am Brotherhood»). Isra Abdel Fattah, qui a commencé un groupe Facebook appelant les Égyptiens à se joindre à la grève du 6 avril (plus de 74000 ont répondu à l’appel), a également été arrêté et détenu pendant 16 jours. Le blogger Wael Abbas (rédacteur du blog Al-Wai al-MISRI, ou «Sensibilisation des Égyptiens») a été calomnié dans les médias gouvernementaux en raison de son succès à documenter les brutalités de la police égyptienne dans les centres de détention au moyen de clips vidéo qu’il a publiés sur YouTube. Et en février 2007, le blogger Kareem Amer a été condamné à 4 ans de prison pour avoir critiqué le Président Hosni Mubarak et les institutions religieuses.
Au cours des dernières années, les bloggers et autres utilisateurs d’Internet ont joué plusieurs rôles dans la politique égyptienne. Tout d’abord, les utilisateurs d’Internet ont exprimé des critiques directes du régime de Moubarak. Par exemple, les bloggers sont allés au-delà de la critique de l’amendement à l’article 76 de la Constitution qui régit le processus d’élections présidentielles, et se sont mobilisés pour documenter les abus flagrants qui ont terni le référendum populaire sur l’amendement en mai 2005, notamment le harcèlement sexuel des femmes journalistes. Les bloggers se sont aussi solidarisés avec les juges réformistes qui ont fait l’objet d’attaques systématiques par des cercles proches du régime.
Les bloggers ont joué un rôle crucial en exposant les abus par des institutions fidèles au régime. La propagation des téléphones mobiles avec vidéo a permis aux bloggers de révéler des cas de torture dans un certain nombre de centres de détention, des incidents qui plus tard sont devenus des affaires judiciaires devant les tribunaux. Ces efforts construisent des ponts entre les bloggers et les groupes de défense des droits. Certains blogs cartographient systématiquement les centres de détention dans lesquels des agents commettent couramment des abus physiques contre les détenus. L’opposition politique a utilisé la documentation des bloggers pour attaquer le régime pour son utilisation de la torture non seulement comme un moyen de réprimer l’opposition politique mais aussi dans le contrôle de la mobilité politique et sociale.
Un autre sujet qui suscite l’activisme des bloggers est la situation des minorités religieuses, une question extrêmement délicate en Égypte. Au cours des trois dernières années, certains blogs se sont spécialisés dans la communication des vues des minorités religieuses en Égypte, ainsi que les formes de discrimination pratiquée à leur encontre. Les exemples les plus en vue sont peut-être les blogs fondés par des membres de la religion Bahai. Des blogs tels Bahai MISRI (Bahai égyptien) et Min Wijhat Nazar Ukhra (Une autre perspective) sont devenus non seulement des sources d’informations sur la secte des Bahai et leur situation en Égypte, mais aussi un moyen de mobiliser l’appui à leurs demandes.
Il y a aussi des blogs qui documentent la discrimination religieuse contre les chrétiens, en exprimant des critiques qui diffèrent radicalement du discours politique de conciliation de l’Église copte égyptienne orthodoxe. Le blog Aqbat Bila Hudud (Coptes sans frontières), édité par Hala Butrus, a donné voix à ceux qui voient la discrimination contre les chrétiens comme étant enracinée non seulement dans la société mais dans l’État et qui remettent en cause le discours officiel du régime sur «l’unité nationale».
Un autre sujet scruté par les bloggers est la bataille sur les stratégies de différents acteurs politiques. Quelques exemples récents comprennent les blogs par les membres des Frères musulmans et leurs débats sur le projet de plate-forme du parti mis de l’avant par le Bureau d’orientation en 2007. Dans le passé, les blogs des Frères musulmans ont servi principalement à exprimer les idées politiques du mouvement et à recruter de nouveaux membres, par exemple les étudiants. En discutant de la plate-forme, toutefois, les blogs ont exprimé et cristallisé la lutte entre les réformateurs (comme Ana Ikhwan) et les conservateurs. La plupart des blogs des Frères musulmans ont rejoint l’aile réformiste, rejetant des idées telles que la supervision de l’exécutif et du pouvoir législatif par un conseil d’érudits religieux ou l’exclusion des femmes et des coptes de la présidence. Les bloggers des Frères musulmans ont également eu le mérite de dévoiler publiquement des désaccords sur la plate-forme – comme ils le font aujourd’hui avec de nombreux sujets politiques qui étaient autrefois tabous en Égypte.
Voir aussi:
Campagne pour la libération du cyberdissident égyptien Kareem Amer
Pourquoi les sociétés arabes sont-elles opposées aux droits de l’Homme ?
Entretien avec le philosophe syrien Sadik Jalal Al-’Azm
Pays-Bas – La police cible les blogs qui critiquent l’islam
L’enjeu de Durban II : la liberté d’expression, par Mark Dubowitz, Wall Street Journal