«Je tente de lancer un mouvement de réforme de l’islam appelé le New Islam Movement qui vise à établir des centres islamiques modernes où la ségrégation entre les sexes serait dénoncée et où les arts modernes et les débats ouverts seraient promus. Mes collègues et moi croyons fermement que la réforme de l’islam peut être mieux lancée «sur le terrain» que par le biais de conférences et de blogs Internet». Tahir Aslam Gora
Tahir Aslam Gora est un écrivain et journaliste canadien d’origine pakistanaise vivant à Burlington en Ontario. Lisez ses autres articles que nous avons traduits pour vous: Les accommodements renforcent la marginalisation des musulmans au Canada et Rapport Bouchard-Taylor, ou le fantasme du multiculturalisme
Traduction de: Canada ‘s a centre for Islamic reform, par Tahir Aslam Gora, The Hamilton Spectator, le 26 juiin 2008
Nous musulmans voyons tous les aspects de la vie, l’économie, la politique, la famille et les réalités universelles, à travers des lentilles religieuses. Mais nous vivons dans un monde où peu de nations jugent encore tout selon des normes religieuses.
Dans cette situation, il semble qu’une grande partie du monde attend de nous que nous nous défassions de nos croyances religieuses afin de partager les développements et les aspirations humaines communs.
Lorsque nous n’atteignons pas le niveau requis de compatibilité, nos concitoyens demandent des réformes et des réformateurs au sein de la communauté musulmane qui peuvent nous aider à devenir compatibles avec le reste de la société.
Les musulmans ont lutté pour leurs propres réformes à travers les âges. Au cours des 9e et 10e siècles, les Mutazalites, connus comme des disciples de la rationalité dans l’islam, ont encouragé le raisonnement et le questionnement dans la théologie islamique.
À l’époque moderne, Mustafa Kemal Ataturk, le fondateur de la Turquie moderne, a donné une structure moderne et laïque à la Turquie musulmane dans les années 1920. On peut être en désaccord avec certaines actions d’Ataturk, mais de bons leaders doivent être rappelés pour leurs capacités globales de réforme, en dépit de leurs erreurs. Ataturk est sûrement l’un de ceux-là.
Plus récemment, Mahmoud Mohamed Taha, un réformateur libéral soudanais et une voix de l’islam libéré, a été exécuté dans une prison de Khartoum en 1985 pour avoir commis l’apostasie.
Aujourd’hui, à une époque où les réformes islamiques sont nécessaires, nous ne trouvons aucun momentum notable dans les nations musulmanes.
Mais au Canada, fait intéressant, nous pouvons trouver des filons de réforme islamique.
Irshad Manji, auteur de The Trouble with Islam Today (traduit en français sous le titre Musulmane mais libre), affirme être sur la ligne de front de la réforme musulmane par ses deux projets, le projet Ijtihad et le Moral Courage Project.
Ijtihad est un terme largement utilisé en relation avec la réforme de l’islam. Il signifie un effort intellectuel par les juristes musulmans pour rendre des décisions religio-juridiques indépendantes.
Le Muslim Canadian Congress est une autre voix forte qui défie les islamistes au Canada et dans le monde entier. Ce réseau de musulmans progressistes, allié à la Campagne internationale de Homa Arjomand contre les tribunaux de la charia au Canada, a été la véritable résistance sur le terrain à l’implantation possible de la charia en Ontario.
Asra Nomani, une célèbre écrivaine musulmane américaine, a organisé une prière islamique sans précédent dirigée par une femme, Amina Wadud, aux États-Unis en 2005. Plus tard, le Muslim Canadian Congress a organisé une prière islamique dirigée par l’érudit islamique de Toronto Raheel Raza. Mais ces quelques événements n’ont pas conduit à des prières régulières dirigées par des femmes.
Il y a un autre dilemme pour la réforme islamique. Comme dans tout mouvement, il peut y avoir des divisions. Tarek Fatah, fondateur du Muslim Canadian Congress, a déjà écrit que le livre The Trouble With Islam Today par Irshad ne visait pas les musulmans mais «visait à conforter les ennemis des musulmans dans leur vision».
Aujourd’hui, Fatah dit qu’il regrette ses paroles:
«Réfléchissant à cette époque où j’ai critiqué le livre de Ishrad Manji, je réalise maintenant que j’ai été injuste envers elle. Il y a beaucoup de points positifs dans sa thèse que j’ai négligés dans ma ruée à la juger».
«Par exemple, elle avait raison d’identifier le racisme systémique dans le monde musulman comme l’un des cancers empêchant une renaissance musulmane. J’ai eu tort de négliger ce fait. Cela dit, son allégation selon laquelle je suis anti-Juifs était amusante, compte tenu que certains bloggers islamistes m’accusent d’être un sioniste».
Sonia Ahmed, fondateur du concours de beauté Miss Pakistan Canada, ébranle les islamistes en organisant des concours de beauté et en envoyant des reines de beauté dans tous les concours de beauté dans le monde.
Je tente de lancer un mouvement de réforme de l’islam appelé le New Islam Movement, qui vise à établir des centres islamiques modernes où la ségrégation entre les sexes serait dénoncée et où les arts modernes et des débats ouverts seraient encouragés. Mes collègues et moi croyons fermement que la réforme de l’islam peut être mieux lancée «sur le terrain» que par le biais de conférences et de blogs Internet.
En bref, le Canada semble être la future base pour une réforme de l’islam.
Voir aussi:
L’Occident doit soutenir une réforme de l’islam, par le torontois Salim Mansur
Canada – Salim Mansour : “Nous, musulmans, avons du travail à faire”
Les musulmans canadiens opposés à la charia sont minoritaires et sont traqués
La réforme de l’islam, Loch Ness du désert dont tout le monde parle et que personne n’a jamais vu