«Un juge de Toronto a ordonné à une musulmane de retirer son niqab pendant qu’elle témoignait dans une affaire d’agression sexuelle. Encore une fois, nous observons les problèmes pénibles que cette coutume rétrograde provoque. Un renversement de la décision du juge par une cour d’appel remettrait en cause le principe de l’égalité de tous devant le droit criminel. On peut s’attendre que cela aliénera la majorité, avec des conséquences fatales tant pour la paix sociale que pour la réputation de l’islam dans notre société.»
Le National Post réagit à la décision récente du juge ontarien. La musulmane en question est un témoin clé dans le procès. Les règles normales d’administration de la preuve au Canada exigent qu’un accusé puisse confronter ouvertement ses accusateurs. L’avocat de la musulmane a annoncé qu’il ferait appel. Lisez aussi notre traduction de la chronique de Tarek Fatah sur cette affaire dans la même édition du National Post: Le voile de l’ignorance
Traduction de: Take off the veil, éditorial du National Post, le 4 février 2009
Une autre controverse a éclaté au sujet des circonstances où les musulmanes peuvent être forcées de se dévoiler à des fins d’intérêt public. Encore une fois, nous sommes témoins des problèmes pénibles et inexorables que cette convention sociale rétrograde provoque dans une civilisation où l’on s’attend que les femmes mènent une vie indépendante.
En vérité, les seuls endroits où la burka et le niqab peuvent être considérés comme des vêtements normaux sont des endroits comme l’Arabie saoudite où les femmes sont subordonnées aux hommes et n’ont jamais besoin d’exercer une identité humaine autonome. Tous les arguments bizarro-féministes élaborés pour défendre le voile, y compris que le voile affirme et rehausse la féminité, s’évanouissent devant cette simple réalité.
Malheureusement, les sociétés multiculturelles – ce que le Canada se targue d’être – doivent tolérer des conventions sociales que la plupart d’entre nous jugent offensantes. Est-ce que cela inclut le voile? Ça dépend de la catégorie dans laquelle on classe le voile.
Si le voile n’est rien d’autre que l’accoutrement propre à certaines cultures, on peut en toute légitimité s’attendre que les autorités déclarent que nous ne sommes pas l’une de ces cultures, et obligent les femmes à retirer leur voile dans certaines circonstances : dans un bureau de scrutin, sur la photo d’un permis de conduire, dans une salle d’audience et dans d’autres contextes où le port d’un masque serait considéré comme inacceptable.
D’autre part, si le port du voile est considéré comme une stricte obligation religieuse imposée par l’islam (une prémisse que Tarek Fatah réfute de manière convaincante), alors les musulmanes peuvent théoriquement invoquer la liberté religieuse que les démocraties libérales garantissent si farouchement. Mais c’est là une prémisse que la plupart des musulmans modérés refusent de soutenir – et à bon droit – parce qu’elle impliquerait alors que l’islam a une vision de la femme qui est fondamentalement déshumanisante, donc totalement incompatible avec la vie en Occident. Le port du voile devrait alors être vu avec suspicion.
Là réside le paradoxe: ceux qui militent pour le retrait du voile dans certains contextes d’urgence sont en réalité les plus tolérants – même si les islamistes les traitent de bigots. En effet, ils défendent le droit des musulmanes à vivre comme musulmanes au sein de notre culture, et, par extension, leur droit de porter le voile, sauf temporairement dans certaines circonstances. C’est une position qui reconnaît que le mode de vie occidental et certaines coutumes sociales misogynes (c’est comme ça que nous les voyons) peuvent coexister.
Des musulmanes canadiennes ont reconnu ce corollaire, et c’est la raison pour laquelle elles appuient la récente décision du juge ontarien Norris Weisman d’exiger de l’un des témoins clés dans une affaire d’agression sexuelle à Toronto, qu’elle témoigne à visage découvert.
Le juge Weisman a pu établir que les objections de la femme à se dévoiler ne sont pas fondées sur la peur. La peur est un facteur reconnu dans les procès pour agression sexuelle et elle peut être accommodée sans porter atteinte au droit fondamental de l’accusé d’être confronté aux témoins à charge. La femme plaidait plutôt que son « honneur » comme musulmane lui impose de ne pas montrer son visage aux hommes éligibles pour le mariage. Le juge Weisman a décidé, à bon droit, que cet argument n’a aucun fondement juridique devant un tribunal canadien.
L’avocat de la femme, David Butt, a l’intention de faire appel de cette décision. Il doit faire de son mieux pour sa cliente, mais ce sera une catastrophe si une cour d’appel accepte la proposition dangereuse et inacceptable que la liberté de religion nous oblige à modifier les normes de preuve pour les témoins musulmans.
Depuis que la question des «accommodements raisonnables» a rebondi il y a deux ans au Québec, beaucoup d’énergie a été consacrée à déterminer l’étendue des règles particulières pour les minorités qui peuvent être considérées comme « raisonnables » dans une démocratie libérale.
À cet égard, des personnes de bonne foi peuvent différer d’opinion sur le type de couvre-chef qui devrait être autorisé sur un terrain de football ou en moto. Mais la limite est atteinte lorsque les droits fondamentaux d’autrui sont en cause, tel que le droit à un procès équitable. L’égalité devant le droit criminel est un principe pour lequel le moindre soupçon de «non-raisonnabilité» a toutes les chances d’aliéner la majorité, avec des conséquences fatales tant pour la paix sociale que pour la réputation de l’islam au sein de notre société.