«L’année 2008 a été une année en montagnes russes faite de revers et de victoires pour la liberté d’expression. Nous abordons toutefois l’année 2009 avec le bénéfice d’un large consensus en faveur de la modification de la Loi canadienne afin de protéger la liberté d’expression. Ce consensus inclut maintenant des politiciens tant de gauche que de droite, ce qui signifie que nous pourrions obtenir le changement dont nous avons précisément besoin.»
Traduction de: 2008 was bad for free speech–’09 promises better, par par Rob Breakenridge, Calgary Herald, le 30 décembre 2008
L’année 2008 a été mémorable pour de nombreuses raisons, mais ce fut certainement une année où la liberté d’expression a fait les manchettes. Au moment où cette année tumultueuse tire à sa fin, nous avons eu droit à deux autres exemples des raisons pour lesquelles cette question s’est avérée si galvanisante et, en même temps, surréaliste.
Le premier s’est présenté plus tôt ce mois-ci, une sorte de cadeau de Noël anticipé qui pourrait faire grincer des dents.
La Commission canadienne des droits de la personne a informé le québécois Marc Lebuis que sa plainte contre les écrits de l’imam montréalais Abou Hammaad Sulaiman Dameus Al-Hayiti ne ferait pas l’objet d’une enquête.
Certains des passages soulignés dans la plainte comprennent des références aux Juifs comme étant un peuple qui propage « la corruption et le chaos sur la Terre » et qui ne recherchent que « les biens matériels et l’argent », sinon « ils n’ont rien ».
Le langage utilisé pour décrire les homosexuels est encore plus agressif : l’imam accuse les gays et les lesbiennes de propager « le désordre sur la terre. » Il dit que les homosexuels doivent être « exterminés dans cette vie », et que tout homosexuel surpris dans un acte sexuel devrait être décapité.
En renvoyant la plainte, un représentant de la Commission a déclaré que « les extraits …ne semblent pas promouvoir « la haine » ou « le mépris » selon les critères énoncés dans l’affaire Taylor » – une référence à la décision rendue en 1990 par un banc divisé de la Cour suprême confirmant la validité de l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
La décision Taylor a été citée à maintes reprises dans les décisions du Tribunal canadien des droits de la personne, de sorte que le refus d’enquêter les écrits de l’imam laisse perplexe.
Par exemple, une décision de ce Tribunal rendue en 2006 contre Glenn Bahr cite l’affaire Taylor à plusieurs reprises comme source d’interprétation des termes « haine » et « mépris ».
La décision se réfère à des commentaires antisémites où « les Juifs en tant que groupe sont décrits comme peu scrupuleux, trompeurs, malhonnêtes et immoraux », et conclut que de tels commentaires « exposent les personnes juives à la malice extrême».
Le Tribunal se réfère aussi aux commentaires préconisant l’extermination des homosexuels, disant qu’ils constituent « une négation complète que (les homosexuels) pourraient avoir des qualités qui rachètent leurs défauts, et expriment une ‘malice extrême’. »
Il est difficile de voir comment les écrits de l’imam ne rencontrent pas les critères ayant servi à condamner les autres. En outre, cette affaire ne concerne pas un obscur inconnu qui écrit sur un obscur forum Internet. On a affaire aux écrits d’un religieux qui fait figure d’autorité. On note aussi qu’il enseigne dans la ville même où des centres communautaires juifs ont été attaqués.
L’article 13 et ses équivalents provinciaux sont déjà assez mauvais en soi, mais ça devient encore pire quand il semble que certaines personnes sont exemptées : elles ont un permis pour la haine, en quelque sorte.
Comme on l’a vu à maintes reprises cette année, de Ezra Levant à Mark Steyn en passant par le comédien Guy Earle, nombreux sont ceux qui très clairement ne sont pas exemptés de la surveillance des commissions fédérale et provinciales des droits de la personne.
Cela inclut le site Internet conservateur Free Dominion, qui est sous enquête par la Commission canadienne des droits depuis maintenant plusieurs mois. L’intérêt de la Commission canadienne pour Free Dominion remonte encore plus loin: une plainte déposée contre le site en septembre 2006 a été retirée par la suite.
Les exploitants de Free Dominion, Mark et Connie Fournier, ont déposé une demande d’accès à l’information pour tenter de jeter un peu de lumière sur le pourquoi et le comment de l’enquête dont ils ont été l’objet.
Il y a quelques jours, ils ont obtenu leur réponse : 23 pages de documents fortement raturés, sauf pour les noms de plus d’une douzaine d’employés de la Commission travaillant sur leur cas, et les plaisanteries dans les emails qu’ils s’échangeaient sur le dossier.
Il y a un contraste frappant : la Commission semble tout mettre en œuvre pour ne pas enquêter sur un imam fanatique anti-gay et anti-juifs, et tout mettre en œuvre pour enquêter sur un site Internet politique conservateur.
C’est une bonne façon de conclure ce qui a été une année en montagnes russes faite de revers et de victoires pour la liberté d’expression.
Nous abordons toutefois l’année 2009 avec le bénéfice d’un large consensus en faveur de la modification de la Loi canadienne afin de protéger la liberté d’expression. Ce consensus inclut maintenant des politiciens tant de gauche que de droite, ce qui signifie que le changement dont nous avons besoin pourrait être exactement le changement que nous obtiendrons.
Si 2009 doit nous apporter une nouvelle digne de célébrations, ce sera celle-là.
Voir aussi:
Une police de la pensée à deux vitesses, édito du National Post