Au Québec, le chaos identitaire engendré par l’immigration et la politisation de populations culturellement et géopolitiquement incompatibles – même si francophones – donne, au grand et secret plaisir de certains, une nouvelle caution au rôle interventionniste et même autoritaire de l’État. Au menu : régulation des identités, grand bal des experts en vivre-ensemble, gestion d’un mélange surréaliste de Klingons et de Vénusiens, censure, etc. Le libéralisme s’évapore tandis que l’État et le judiciaire envahissent le champ social. – Jean-Jacques Tremblay
Certains articles sur notre site suscitent parfois des commentaires et répliques qui sont d’un tel intérêt que nous les affichons en première page pour leur donner une plus grande visibilité. Récemment, un lecteur français, Pierre Régnier, commentait l’article du jeune québécois Jean-Jacques Tremblay: Rapport Bouchard-Taylor : Fabriquer l’Homme Nouveau par la dictature de l’harmonie. Jean-Jacques Tremblay lui a répondu.
Nous reproduisons le commentaire de Pierre Régnier, suivi de la réplique de Jean-Jacques Tremblay.
« Pour ma part c’est PARCE QUE le mouvement de gauche auquel j’adhérais S’EST RALLIÉ à l’obscurantisme islamique que je l’ai quitté. L’obscurantisme est traditionnellement soutenu par la Droite, voire l’extrême Droite, ou par ce qu’on nomme aujourd’hui le libéralisme (et que je nomme, moi, l’économisme, ce système qui dit : priorité à l’économie, pas à l’être humain). Que ceux qu’on nomme encore “les socialistes” ou “la Gauche”, ou même “l’extrême-Gauche” trouvent intelligent de soutenir désormais un prétendu “bon” obscurantisme religieux, celui qui domine dans des pays où le peuple est très pauvre (mais les dirigeants islamistes souvent très riches) ne fait qu’éclairer l’état de délabrement spirituel où est rendue cette ancienne gauche.
Pour une large part, ce délabrement vient du soutien passé au fascisme stalinien (qu’il faudrait, lui aussi, appeler par son vrai nom), de la honte et de la déprime personnelles qui en sont résultées après l’heureux effondrement de cet horrible régime.
Ne vous en déplaise, J.J. Tremblay, le “modèle républicain à la française” (qui est le mien, j’écris de France) est la vraie protection contre la dissolution sociétale voulue par les divers communautarismes et par les laxistes gouvernementaux complices. Il n’est certes pas parfait et doit donc encore être amélioré ; par exemple en faisant disparaître les exceptions d’Alsace Moselle (où les crucifix sont encore présents dans les salles de délibérations officielles laïques, dans les écoles publiques où des religieux enseignent encore leur conception de la spiritualité…) ou encore en faisant préciser dans la Constitution que ce sont les religions PACIFIQUES ET RESPECTANT LES RÈGLES COMMUNES DE LA LAÏCITÉ ET LES DROITS HUMAINS qui sont garantis par la loi républicaine, pas les autres.
C’est en s’attaquant au contraire à la République et à la laïcité, comme le fait justement, en ce moment, le gouvernement français, avec l’appui de nombreuses forces “de gauche”, qu’on détruit le plus sûrement la qualité du “vivre ensemble” acquise au cours des siècles par des démocraties comme le Québec, la France, la Belgique, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne…
Ce serait un autre accommodement TRÈS DÉRAISONNABLE que d’opposer à celui de tous les Bouchard-Taylor occidentaux un retour à l’ancien obscurantisme, supposé, lui, protecteur contre la violence islamique. Disons par exemple, pour revenir au symbole évoqué plus haut, que l’acceptation d’un crucifix dans un lieu laïc est la plus JUSTE raison d’exiger AUSSI, au nom de la neutralité, le croissant islamique et tous les autres symboles religieux (existant ou à inventer si l’on veut encore aggraver les choses en créant de nouvelles sectes et de nouvelles religions).
L’introduction qui présente votre texte dit, Mr J.J.Tremblay, que vous êtes jeune. Vous n’avez donc peut-être pas encore eu le temps de réfléchir sérieusement à cela. Prenez ce temps. Réfléchissez-y. Le problème est assez grave comme ça, ne l’aggravez pas, dans votre démarche, par de déplorables amalgames. Il y a peu, ici même, un autre intervenant allait plus loin encore dans la dérive et la confusion : il disait que les islamo-complices lui donnaient l’envie de voter pour l’extrême-droite !!! Ça peut mener très loin, très bas, les réflexions non approfondies. Mais peut-être cet intervenant ne faisait-il que provoquer pour réveiller ?
Bien cordialement,
Pierre Régnier
RÉPLIQUE DE JEAN-JACQUES TREMBLAY
Monsieur Régnier,
Premièrement, étant donné que votre esprit a été modelé par les dogmes et institutions de la République française, il est presque peine perdue de tenter de vous faire saisir les fondements d’une société d’hommes libres, ce qui par ailleurs mériterait un traité en bonne et due forme. Soulignons tout de même que rien n’est plus antithétique à la liberté qu’une société où l’État prend en charge selon un modèle unique l’éducation de vos enfants dès l’âge de deux ans, où l’État prélève la moitié de vos revenus pour vous imposer des services publics idéologiquement orientés, où des institutions transcendantes canalisent impérialement l’univers médiatique dans le sens de l’« intérêt collectif », où l’État par sa magnitude même suscite l’émergence d’une néo-population statodépendante aussi irresponsable qu’hébétée, où des syndicats puissants collectivisent les intérêts privés de membres d’ailleurs pas toujours consentants, etc. Comme l’avait autrefois souligné l’homme politique le plus important de la deuxième moitié du 20e siècle, Ronald Reagan, grande est la différence entre les populations qui ont un État, et les États qui ont des populations.
Libéralisme et extrême-droite
Pour ce qui est de votre incapacité à démêler libéralisme et extrême-droite, eh bien je ne sais pas vraiment quoi en dire, sauf peut-être qu’on ne peut qu’en avoir pitié, du moins autant qu’en ce qui touche à votre conception de l’économie, vous qui semblez vous insurger moralement à la seule vue d’adultes consentants faisant des échanges. Et si vous craignez tant que ça l’extrême-droite européenne, qui en passant n’a pas vraiment d’équivalent en Amérique du Nord, sachez que ce genre de mouvements nationaux et socialistes ont peu de chance de connaître un quelconque succès en Europe de l’Ouest. Pourquoi? Tout simplement parce que ces mouvements carburent et ne peuvent que carburer à la jeunesse. Si l’on prend la France en exemple, eh bien même si des démagogues réussissaient à enfiler une chemise brune à tous les jeunes « de souche » non métrosexualisés disponibles, les probabilités tendraient tout de même à pencher du côté des jeunes issus de l’immigration, plus virils, et qui représenteront prochainement 30 % de la tranche des 20-29 ans.
Mais continuons sur la thématique de la liberté.
Évidemment, une société libre est toujours relativement plurielle étant donné qu’elle n’est pas unilatéralement façonnée par des appareils institutionnels centralisateurs. Par contre, pour qu’une société civile puisse s’auto-organiser d’elle-même, ce qui veut dire se maintenir et prospérer sans ingérence étatique envahissante, elle doit être composée d’individus aux valeurs et intérêts relativement compatibles. Dès qu’une population est trop éclectique et trop diversifiée pour pouvoir s’auto-organiser d’une manière relativement fluide, l’État social interventionniste et même autoritaire devient alors nécessaire pour mettre fin à une guerre sociale larvée. Au menu : régulation des identités, prise en charge de la société par l’État, colonisation de la sphère privée par la sphère publique, grand bal des experts en gestion du social, censure, etc.
Sur le fond et malgré certaines apparences, la présence musulmane au Québec favorise par exemple grandement les instincts politiques du Parti Québécois, qui n’aura au plan rhétorique qu’à tenir un discours identitaire musclé tout en soutenant hypocritement, cette fois au plan de la pratique, des politiques publiques quasi bouchardiennes. Dans ce parti, la vision du rôle de l’État est et a depuis toujours été pénétrée jusqu’à la moelle par des idéaux républicains progressistes à la française, ceux que par ailleurs vous aimez tant. Alors qu’on commençait au Québec à s’interroger intelligemment sur ce que pourrait bien à l’avenir être le rôle de l’État, le chaos identitaire engendré par l’immigration et la politisation de populations culturellement et géopolitiquement incompatibles même si francophones donne, au grand et secret plaisir de certains, une nouvelle caution à l’ingérence de l’État dans le social ainsi qu’à la prise en charge du sociétal par l’étatique.
Le double discours de Gérard Bouchard
Le double discours tenu par Gérard Bouchard est un très bon exemple de tout cela. Quand il s’adresse à la population en général, il tente de l’apaiser et de l’endormir en disant que tout va et ira très bien, tandis que quand il parle aux zélites politiques et à la classe académico-culturante il soutient pratiquement qu’on est passé à deux doigts de la Yougoslavie, si ce n’est pas de la Saint-Barthélémy, et qu’on (l’appareil d’État) se devra dorénavant de prendre les choses en main de manière musclée. Le discours de Bouchard, un individu qui rappelons-le a été élevé dans les fourrières de la sociologie française, ne paraît plus ouvert que parce que son jacobinisme intègre quelques-uns des pires aspects du progressisme américain (discrimination positive, pluralisme intégral, etc.), de là l’américanité de son projet politique.
Il est par contre clair, M. Régnier, que si votre objectif fondamental n’est pas la liberté et l’autonomie individuelle mais bien comme vous le dites la «cohésion sociale», eh bien le socialisme d’État vieille école est probablement la seule solution pour ce qui est de prévenir l’éclatement éventuel d’une population surréaliste composée de Klingons (ndlr: personnages de Star Treck), de Vénusiens et de Dieu seul sait quoi d’autre… Mais dans ce cas, on ne parle plus d’intégration, mais bien d’une transformation autoritaire, par l’élite et l’appareil d’État, de la totalité du champ sociétal. Transformation en quoi? En quelque chose de nouveau, gentil et insignifiant qui n’existe et n’existera probablement que dans des livres. Le socialisme, comme l’avait autrefois anticipé Nietzsche, ce n’est rien d’autre, ça n’a jamais été rien d’autre et ça ne sera jamais rien d’autre que la vie coupant ses propres racines. L’homme préfère encore vouloir le néant que de ne rien vouloir du tout.
La France et le Québec
Pour ce qui est de la France, et comme je vous l’avais déjà mentionné, la situation est déjà tellement désespérée que vous n’avez aujourd’hui le choix qu’entre un État républicain autoritaire ou la dissolution, c’est à dire entre deux différentes manières de périr collectivement. Les problèmes actuels que connaît la France sont intrinsèquement relatifs à votre idéologie républicaine-socialiste-étatiste. En persuadant votre élite que l’appareil d’état et le volontarisme institutionnel pouvaient assimiler tout et n’importe quoi et imprimer une identité dans l’homme comme on le ferait dans de la pâte, cette idéologie vous a poussé à intégrer des flux migratoires qualitativement trop turbulents et/ou incompatibles et/ou trop nombreux. De là situation d’une France qui n’est plus que le vaste et pédant musée de ce qu’elle avait déjà été, et qui ne peut d’ailleurs l’être que protégée de la foule par un vaste et omniprésent cordon policier.
Avec le Québec, ce qui est intéressant, c’est que la nature de nos flux immigratoires est en train de nous éloigner de la donne nord-américaine et de nous rapprocher de l’européenne, un processus qui sur le fond est porté par la vision crétine selon laquelle la langue, identitairement parlant, prime sur absolument tout, faisant ainsi du Nord-africain un invité naturel et du Latino-américain un pur extra-terrestre. Évidemment, cette évolution des choses est en parfaite harmonie avec la nature profonde de notre élite culturelle et intellectuelle, qui rappelons-le est presque intégralement composée de gauchistes apôtres des modèles européens, colonisés jusqu’à leur dernière cellule par la pensée française et son étatisme ambiant. Nos fonctionnaires, sociologues et ingénieurs sociaux seront contents : le Québec sera comme l’Europe, avec les mêmes problèmes, les mêmes thématiques, la même nécessité d’un rôle prépondérant des institutions publiques, les mêmes discours, les mêmes scandales, le même déclin, etc. Et nos nabots pensants pourront se réjouir en clamant que nos méthodes sont un peu plus performantes, plus gentilles, etc. Ils échangeront des recettes avec leurs collègues européens, pourront organiser des colloques conjoints sur les mêmes thématiques, etc. Pendant ce temps : les plus vifs émigreront, comme ils le font d’ailleurs depuis pratiquement 200 ans, tandis que quelques-uns conspireront, pour l’honneur…
Le libéralisme s’évapore
Le socialisme d’État est donc peut-être, comme vous le dites, une solution, mais ce n’est une « solution » que quand il est déjà vraiment trop tard. L’intérêt actuel évident du Québec serait assurément de couper au maximum l’immigration musulmane, et de s’assurer ainsi que la société maintienne d’elle-même une harmonie naturelle qui ne requerra pas l’intervention dévorante du gouvernement dans notre quotidienneté, un phénomène qui par ailleurs est déjà passablement intense. Voter des règlements sur le port du voile, ce n’est pas du tout « cool et plaisant ». Ça ne fait plutôt que témoigner d’un problème beaucoup plus profond : de l’impossibilité que se réalise en douceur la greffe surréelle qu’on tente de nous imposer sous fond de culpabilisation et de chantage moral, sans parler des aberrantes transformations institutionnelles et idéologiques concomitantes à la chose.
On le constate déjà tous les jours : le débat québécois actuel est déjà un débat quasi français, opposant des républicains intégrationnistes plus classiques et autoritaires à des républicains interculturalistes néo-pluralistes. Et des deux côtés, le rôle de l’État semble être promis à un avenir glorieux. La vérité, c’est que dès qu’il y a trop de gens qui si on les laissait faire feraient des choses socialement et moralement inacceptables, eh bien le laissez-faire n’est plus possible, et le libéralisme s’évapore progressivement tandis que l’État et le judiciaire se mettent à envahir activement le champ social.
«L’envie du pénal gronde partout. Jamais la liberté n’a été plus haïe.» – Philippe Muray
Au plaisir,
Jean-Jacques Tremblay
jeanjacquestremblay@gmail.com
Voir aussi:
Rapport Bouchard-Taylor : la tentation totalitaire, par Mathieu Bock-Côté
Le “train” de Gérard Bouchard – M. Bouchard avez-vous perdu le Nord ?
Commission Bouchard et Taylor : NON au pacte de suicide !
Question sur un forum internet : Qui est-ce qui nous dérange ? les immigrants… ou les Musulmans ?
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Débat en Australie sur l’opportunité d’adopter une Charte fédérale des droits et libertés