Par Philippe Aubé

La venue prochaine d’Yvonne Ridley suscite des interrogations. Le Congrès islamique du Canada, une organisation reconnue pour ses prises de position radicales, parraine sa visite pour une série de conférences au Canada[a].

Nous pouvons nous interroger sur les motifs de cette invitation à ce moment-ci. Sa conférence s’intitulera : « Dites non à l’islamophobie. » Dans le contexte d’une mission canadienne en Afghanistan, on sent le désir d’influencer l’opinion publique canadienne.

Les gens qui assisteront à ses conférences connaissent-ils seulement la position idéologique de Yvonne Ridley ? Il convient de mettre en perspective son parcours.

Journaliste britannique (de confession anglicane) capturée par les talibans en 2001, Yvonne Ridley se convertie à l’islam sous l’influence de ses ravisseurs. Est-ce là une manifestation du syndrome de Stockholm ? Fort probable car la journaliste en vient à épouser les thèses de ses ravisseurs sans nuance.

Le discours de Yvonne Ridley, de 2001 à 2003, évolue autour d’une connaissance non théorique de l’islam. Il s’agit de l’islam des talibans. On se souvient de l’exécution de femmes dans un stade sportif en Afghanistan. Yvonne Ridley omet carrément ces meurtres à ciel ouvert qu’elle ne peut pourtant ignorer.

De 2003 à 2007, un changement s’opère. La journaliste récemment convertie se transforme en militante. Lors de l’opposition à la guerre en Irak, elle co-fonde en Angleterre avec Georges Galloway le petit parti Respect (une coalition de militants gauchistes, de pacifistes, de musulmans et d’islamistes). Elle participe par la suite à de nombreuses tribunes pour dénoncer les « guerres impérialistes » faites aux pays musulmans.

Notons que le 20 février 2003, Yvonne Ridley vient à Montréal pour parler de son livre Entre les mains des talibans. Elle donne une conférence à l’Université de Montréal[[À cette époque, c’est l’Association Musulmane du Canada, le Forum Musulman Canadien, Regard Alternatif Média et l’Union des Associations Étudiantes Musulmanes qui avaient invité Yvonne Ridley.
Source : www.cnw.ca/releases/Febuary2003/18/c1594.html
]] pour dénoncer l’intervention en Iraq, « l’impérialisme occidental » (surtout américain) et rappeler que « cela ne fera que renforcer les souffrances des iraquiens et leur haine de l’Occident. »[b]

Yvonne Ridley est depuis peu correspondante à Londres pour la nouvelle chaîne télé récemment créée par le gouvernement islamiste iranien de Mahmoud Ahmadinejad, Press TV[c]. La chaîne de langue anglaise n’émet pas sur le territoire iranien car le public cible est prioritairement en Europe et en Amérique.

Sur Press TV, Yvonne Ridley aurait semble-t-il toute « liberté et latitude »[d] pour s’exprimer. Elle a récemment créé des remous en invitant les musulmans britanniques à « boycotter la police et à refuser de coopérer avec elle sous quelque forme que ce soit » après plusieurs opérations policières menées dans des quartiers à forte population musulmane. [e]

Sur le site Internet des Frères musulmans, on peut lire l’appuie inconditionnelle d’Yvonne Ridley à cette organisation islamiste égyptienne : « interrogée au sujet de son opinion sur les Frères musulmans, elle les décrit comme une “organisation intellectuelle disciplinée”, qui a le potentiel d’être, selon ses mots, “une force brillante pour diriger le moyen-orient” » [f]

Elle a aussi fait l’éloge du leader islamiste tchétchène, Shamil Basayev, responsable du massacre de Beslan en Russie en le décrivant comme un « martyr ».

Les gens qui appréciaient son pacifisme anti-guerre d’Iraq de 2003 sont-ils au courrant de ces prises de positions plus récentes ? Et si oui, les endossent-ils par défaut?

Quelle Yvonne Ridley parle? La journaliste, la féministe[g] ou l’islamiste? L’une ou l’autre selon le public cible mais toujours de manière stratégique.

La société civile canadienne et québécoise doit prendre connaissance du développement d’un discours islamiste sournois dans l’espace public. Souvent, par des techniques de propagande et une bonne méthode de relations publiques, les islamistes placent leurs pions dans l’environnement canadien et québécois et s’appuient sur les maillons faibles. La visite d’Yvonne Ridley s’inscrit clairement dans cette stratégie propagandiste.

• Elle ira à Montréal, Toronto et Waterloo
• Journal Montréal métro, 20 février 2003
• Courrier International, 12 juillet 2007
• Liberté et latitude selon le bon vouloir du gouvernement iranien de Mahmoud Ahmadinejad
• Propagande, Press TV, la réponse à Fox News, Olivier Burkeman, Helen Pidd, Robert Tait, Courrier International, no 871, jeudi 12 juillet 2007, p.50
• IkhwanWeb – Cairo, Egypt, Sunday, July 15, 2007 (il s’agit du site des Frères Musulmans en langue anglaise). Source: www.ikhwanweb.com/Article.asp?ID=991&LevelID=3&SectionID=86
• Elle est réputée progressiste et féministe selon Mario Roy. Voir :Le syndrome d’Yvonne, Mario Roy, La Presse 5 avril 2006