Les demandes de réfection de l’hymen sont en croissance en Grande-Bretagne et en France. En 2005 et 2006, les contribuables britanniques ont financé 24 chirurgies de ce type… En France, l’Association des gynécologues a sonné l’alarme. Ces chirurgies sont également pratiquées au Québec, et parfois c’est l’État qui paie…
Grande Bretagne
Un nombre croissant de femmes paye jusqu’à 4 000 Livres Sterling en cliniques privées pour cette procédure. La demande semble venir du futur époux ou de la belle famille qui exigent que la future épouse soit vierge lors de la nuit de noce.
Plusieurs dénoncent cette pratique, qu’ils considèrent comme un signe de régression sociale dû au fondamentalisme islamique. Certains pays ont d’ailleurs banni la reconstruction de l’hymen. Ce qui démontre peut-être que le phénomène n’est pas aussi marginalisé qu’on pourrait le croire.
Il y a par contre des multiculturalistes qui défendent cette pratique au nom de la culture. Le Daily Mail donne la parole au Dr Magdy Hend, un gynécologue consultant de la clinique Regency de Londres qui a débuté sa carrière au Moyen-Orient et dans les pays du Golfe il y a 18 ans. « Dans certaines cultures » dit il « la femme doit saigner lors de la nuit de noce. Si la femme ou la fille n’est pas vierge, c’est une honte pour la famille.» Selon le Dr Hend, la demande est si forte qu’un marché compétitif s’est développé pour y répondre.
France
Dans le Nouvel Obs.org, Islabelle Curtet-Poulner et Sophie des Déserts décrivent le profil des femmes qui subissent des pressions pour se refaire un virginité : « Ce sont des filles de leur temps. Elles sont médecins, informaticiennes, policières. Mais, à l’heure du mariage, elles se retrouvent prises au piège des traditions de l’islam. Et se refont une virginité.»
Sur internet, des centaines de femmes musulmanes parlent de l’hymen, de ce que veut le Coran, et les maris, les familles. On y détaille ses contours, sa fragilité, les moyens de vivre et d’aimer sans le déflorer. Celles qui n’ont pas su, pas pu, se tourmentent jour et nuit. Partout, au Planning familial, sur la ligne d’écoute de FilSantéJeunes, les professionnels s’inquiètent d’entendre les jeunes Maghrébines aussi préoccupées par leur virginité. Le Collège national des Gynécologues et Obstétriciens français a sonné l’alarme à l’automne. «Nous sommes confrontés à des demandes de certificat de virginité et de réparation d’hymen, explique son président, le professeur Jacques Lansac. Ce n’est pas massif. Mais on n’avait jamais vu ça avant. L’intégrisme progresse.»
Québec
Dans un article de La Presse publié l’année dernière, la journaliste Agnès Gruda rapportait que cette opération est pratiquée en douce au Québec, ce qui soulève bien des questions. Jusqu’où la médecine doit-elle accepter certaines pratiques culturelles qui heurtent de front des valeurs occidentales ? Après tout, les médecins qui acceptent de « sauver » ainsi la réputation de jeunes femmes ne cautionnent-ils pas l’attention obsessive que portent certaines cultures à la virginité – celle des femmes, cela va de soi ?
«Ça me choque que les filles aient tout le poids de la virginité sur les épaules », dit Hayatte Boubnan, qui dirige un foyer pour jeunes femmes dans l’est de Montréal. « Mais dans certaines cultures, celles qui ne sont plus vierges vivent une grande violence psychologique.»
« Il y a des gens qui me disent que c’est hypocrite, mais moi, j’ai vu les bénéfices qu’une réparation d’hymen peut apporter lorsqu’une adolescente s’engage sur une pente glissante », dit Mme Boubnan, « car dans certaines cultures, une jeune femme qui a perdu sa virginité avant le mariage risque d’être rejetée par sa famille, ce qui n’est pas très bon pour sa santé mentale».
Mme Boubnan est convaincue d’avoir un jour sauvé la vie d’une jeune femme. Comment? En la conduisant chez son gynécologue qui a recousu son hymen et effacé les traces de sa vie sexuelle précoce. L’adolescente, originaire d’un pays africain, a été renvoyée de force dans son pays natal une semaine après l’intervention. «Si elle n’avait pas été opérée, elle s’y serait fait tuer» croit Mme Boubnan.
Selon l’article de La Presse, l’Association des gynécologues du Québec n’aurait pas d’avis sur la question. La présidente de l’Association, Diane Francoeur, dit suivre une ligne claire dans sa propre pratique. « Pas question d’aider des jeunes femmes à fonder leur vie de couple sur un mensonge».
D’autres ont une approche différente. « Je n’ai aucun scrupule à pratiquer de telles interventions », dit sans hésiter le gynécologue Claude Fortin, qui a facturé, sans les désigner comme telles, quelques reconstructions d’hymens à la Régie de l’assurance maladie. Il a reçu à son cabinet des jeunes femmes en détresse. L’une d’elles, par exemple, venait d’apprendre que sa famille lui avait trouvé un mari : et s’il devait découvrir qu’il n’était pas « le premier» ?
« Que l’État paie ou non pour ces pratiques, cela ne change rien : la restauration chirurgicale de la virginité consiste à participer de façon active à un acte patriarcal », s’indigne Pascale Fournier, spécialiste de droit islamique et professeure de droit à l’Université Ottawa. « La société se fait alors complice de l’exigence de virginité, qui est par essence discriminatoire», déplore-t-elle.
Plus de trente ans après la libération sexuelle, on en serait donc là… en route vers l’obscurantisme…
Références:
Women get ‘virginity fix’ NHS operations in Muslim-driven trend, par James Chapman, Daily Mail, 15 novembre 2007
Française et musulmanes, Vierges à tout prix, par Islabelle Curtet Poulner et Sophie des Déserts, Le Nouvel Observateur, Semaine du 15 mars 2007
Virginité: recoudre ou pas? par Aghès Gruda, La Presse, 24 septembre 2006