La Commission des droits de la personne de l’Alberta oblige l’Association des ingénieurs de la province à faciliter l’entrée dans la profession d’un homme diplômé à l’étranger malgré qu’il ait échoué à plusieurs reprises les tests de compétence.
La décision commentée dans cet article est disponible sur le site CANLII.
Original English version on the Toronto Sun website and on EzraLevant.com
Traduction française de Point de Bascule
Auteur : Ezra Levant
Référence : Toronto Sun, 17 février 2014
TITRE ORIGINAL ANGLAIS : Another day, another reason to end human rights commissions
Les ingénieurs portent un anneau de fer martelé sur leur auriculaire. Cette tradition commença en 1925 pour commémorer une terrible tragédie liée au génie civil.
L’imposant pont de Québec qui enjambe le fleuve Saint-Laurent s’est écrasé. Deux fois. En 1907 et, une seconde fois, en 1916. Le même pont.
Quatre-vingt-huit personnes périrent.
Une Commission royale d’enquête détermina à l’époque que «l’écrasement ne peut être attribué directement à aucunes autres causes que des erreurs de jugement de la part de deux ingénieurs».
Le désastre déboucha sur une revue du mode d’accréditation des ingénieurs. Au Canada, il est illégal de s’attribuer le titre d’ingénieur sans avoir réussi des examens difficiles et sans être supervisé par des associations d’ingénieurs. C’est semblable aux exigences imposées aux médecins.
Mais pour Ladislav Mihaly, ces normes sont simplement trop strictes.
Mihaly est né en Tchécoslovaquie (comme le pays était connu à l’époque) et il a immigré au Canada. Il déclare avoir obtenu deux maîtrises là-bas et y avoir travaillé comme ingénieur durant vingt-cinq ans. En 1999, il a fait application pour devenir ingénieur en Alberta et, comme tous les candidats, il s’est fait demander d’aller passer le test administré par l’Association professionnelle des ingénieurs et des géologues de l’Alberta (APEGGA – Association of Professional Engineers, Geologists and Geoscientists of Alberta).
Il a échoué.
Il a donc fait des démarches pour reprendre l’examen neuf mois plus tard. Cette fois-là, il ne s’est même pas présenté.
Trois ans plus tard, Mihaly a téléphoné à l’APEGGA, il leur a dit qu’il était un très, très bon ingénieur et leur demanda une exemption. Ils l’invitèrent à se soumettre à l’examen et il échoua encore une fois.
À partir de ce moment-là, Mihaly commença à faire des choses bizarres. En août 2006, il envoya un courriel à l’APEGGA intitulé «Voulez-vous faire un échange». Il leur proposait de réécrire gratuitement les codes de sécurité en matière d’incendie de l’Alberta et s’il faisait un bon travail, il le laisserait peut-être devenir ingénieur sans passer le test.
L’APEGGA a dit non. N’êtes-vous pas contents qu’ils aient refusé. Ne souhaiteriez-vous pas que ces normes aient été en vigueur lors de la construction du pont de Québec?
Le 5 août 2008, près de dix ans après avoir commencé ses démarches, Mihaly intenta une poursuite.
Il n’a pas fait appel auprès d’un organisme qui supervise le travail de l’APEGGA. Il ne s’est pas adressé à un vrai tribunal. Sa cause est sans fondement et il n’a pas d’argent.
Il a fait ce qu’on attend de ceux qui ne font rien de bon (“ne’er-do-well”) : il s’est plaint auprès de la Commission des droits de la personne de l’Alberta et ils n’ont été que trop contents d’avoir un nouveau client.
Mihaly n’appartient pas à une minorité. C’est un homme d’âge moyen originaire d’Europe. L’examen qu’il a échoué à répétition est un examen qui permet de devenir ingénieur, un domaine où la subjectivité a peu de place. En fait, près du quart des ingénieurs en Alberta aujourd’hui sont des immigrants. Ils ont tous réussi l’examen. Mihaly voulait simplement un traitement spécial.
Mais les commissions des droits de la personne ne sont pas surnommées des tribunaux-bidons (“kangaroo courts”) pour rien. Durant cinq ans, ils se sont attardés au cas de Mihaly avec zèle. Il n’a même pas eu besoin d’engager un avocat. Les contribuables ont payé pour tout.
Plus tôt ce mois-ci, le tribunal a décidé en faveur de Mihaly.
Dans sa décision du 6 février, la Commission déclare qu’il est discriminatoire de forcer des «ingénieurs» nés à l’extérieur du Canada d’avoir à se conformer aux normes professionnelles du Canada.
La Commission ordonne à l’APEGGA de payer 10 000$ à Mihaly. Elle ordonne également à l’association professionnelle de l’Alberta de contacter les institutions fréquentées par Mihaly en République tchèque et en Slovaquie afin de leur demander s’il était un bon ingénieur. Pas en le testant. Mais en contactant des institutions qu’il a fréquentées des décennies après qu’il soit parti.
La Commission demande à l’APEGGA de faire encore plus. L’Association professionnelle doit mettre sur pied un groupe formé d’ingénieurs de l’Alberta nés à l’étranger pour aider Mihaly. L’APEGGA doit lui fournir un mentor, elle doit l’aider dans ses démarches auprès des firmes d’ingénierie. Tout ça pour un homme qui a admis lors de l’audience qu’il était un paresseux. Il a été en chômage durant trois ans, il a travaillé dans des emplois peu payés qui ne requièrent qu’un diplôme de niveau secondaire. Il a bien essayé d’opérer une boulangerie mais a échoué.
C’est une honte. Mais ce n’est pas une surprise. C’est une commission des droits de la personne, pas un vrai tribunal. Ses décisions n’en ont pas moins des effets juridiques bien réels. Des précédents sont établis. Attendez-vous à ce que des médecins du tiers-monde qui échouent nos examens citent cette cause pour arriver à s’imposer dans nos hôpitaux.
L’APEGGA va en appeler de la décision. Et elle va finir par gagner. Mais cette industrie complètement dépassée qui accrédite les plaintes injustifiées va continuer de prospérer jusqu’à ce que nous éliminions ces commissions des droits de la personne.
Références supplémentaires
Point de Bascule (17 décembre 2008) : La Commission canadienne des droits de la personne refuse d’enquêter sur la plainte de Marc Lebuis, directeur de Point de Bascule
Abou Hammaad Sulaiman Al-Hayiti (17 décembre 2008) : Réponse de l’Imam Al-Hayiti au sujet du verdict de la Commission
Point de Bascule (18 décembre 2008) : Déclaration de Point de Bascule à propos de la plainte renvoyée par la Commission canadienne des droits