«Les musulmans du monde entier devront décider s’ils souhaitent entrer dans le 21e siècle et prendre leurs distances de la doctrine du djihad armé, ou retourner au 12e siècle et embrasser les ennemis de la joie et de la paix».
Journaliste, animateur et auteur de « Chasing a Mirage: The Tragic Illusion of an Islamic State », Tarek Fatah, d’origine pakistanaise, a été désigné par le magazine Maclean’s en 2007 comme l’une des 50 personnalités canadiennes les plus reconnues et respectées parmi les journalistes et politiciens commentant l’actualité.
Traduction de: Severing the hand of friendship, par Tarek Fatah, Ottawa Citizen, le 28 novembre 2008
Le chaos à Mumbai commençait à peine à se calmer que je recevais déjà un premier email suggérant que les attaques terroristes avaient été menées par des agents du Mossad (le renseignement de l’armée israélienne) se faisant passer pour des terroristes islamiques dans le but de nuire à la réputation des musulmans.
Une personne de Toronto a transmis un message disant que «La police de la sécurité intérieure de l’Inde détient présentement pour interrogatoire une personne identifiée comme un agent du Mossad israélien qui avait rencontré certains des terroristes présumés en Inde deux semaines avant les attaques BLACK OP».
Bien que cette thèse soit ridicule, il y a de fortes chances que d’innombrables musulmans tomberont dans l’illusion que ce n’est pas leurs coreligionnaires qui sont responsables de la barbarie lâchée sur l’Inde, mais la main invisible d’un complot américano–sioniste contre l’islam. S’il y a un service de renseignement dont l’empreinte est détectable partout sur la scène du crime, c’est celle des fripouilles de l’ISI du Pakistan qui sont déterminées à saper la nette amélioration des relations entre l’Inde et son voisin, le Pakistan.
Depuis deux décennies, le service du renseignement pakistanais (ISI) a été le gouvernement de facto du Pakistan, renversant des gouvernements, aidant les Talibans, accueillant les membres d’Al-Qaida en fuite, et gérant une business devenue un empire se chiffrant en milliards de dollars.
En juillet, le nouveau gouvernement démocratiquement élu à Islamabad, dirigé par le Premier ministre Yousuf Raza Gilani, a tenté de mettre le ISI sous contrôle civil, mais il a dû faire une humiliante volte-face dans les 24 heures sous la menace d’un coup d’État militaire.
Puis dimanche dernier, le ministère des Affaires étrangères du Pakistan a annoncé que l’aile politique du ISI, responsable de fraudes électorales et de chantage politique, avait été dissoute. Il a dit que «le ISI est une précieuse institution nationale qui souhaite se concentrer sur la lutte au terrorisme». Il semble que le ministre des Affaires étrangères ait parlé trop tôt. Dans les heures qui ont suivi, la BBC rapportait qu’un haut responsable anonyme de la sécurité avait contredit le ministre des Affaires étrangères
Pendant que la lutte entre le ISI et le parti au pouvoir (Pakistan Peoples Party) pour le contrôle du réseau de renseignement du pays se déroulait en coulisses, le Président du Pakistan, Asif Zardari, lançait une bombe qui a pris l’establishment militaire du Pakistan au dépourvu. S’adressant cette semaine à un public de la télévision indienne par l’intermédiaire de la TV satellite, le Président Zardari a annoncé un changement stratégique dans la politique nucléaire du Pakistan. Il a surpris un public indien en liesse en disant que le Pakistan avait adopté une politique de guerre nucléaire « ne pas être les premiers à attaquer» (“no first strike”).
Cela ne semble pas avoir été bien accueilli par l’establishment militaire du Pakistan qui a gouverné le pays pendant des décennies en invoquant la «menace indienne» pour priver le pays des investissements dont il avait grandement besoin, au profit de l’énorme machine militaire sur un pied de guerre permanent sans guerre en vue.
Les commentateurs militaires ont immédiatement dénoncé M. Zardari, l’un d’eux disant qu’il croyait que le Président n’était pas «bien informé ou pleinement conscient» de la politique du Pakistan sur la question.
Pour inquiéter davantage le complexe militaro-industriel du Pakistan, M. Zardari a emprunté une citation de sa défunte épouse, qui a déjà dit qu’il y avait « un peu d’Indien dans chaque Pakistanais, et un peu de Pakistanais dans chaque Indien ».
Bien que la plupart des Pakistanais ont bien accueilli ce nouveau souffle de paix et d’amitié, la droite religieuse du pays a été perturbée.
Le fondateur de l’un des groupes islamistes armés du Pakistan les plus redoutés a accusé le Président Zardari d’être trop modéré envers l’Inde, et l’a critiqué pour avoir appelé les militants dans le Cachemire Indien, des «terroristes». Hafiz Mohammad Saeed, fondateur du Lashkar-e-Taiba (LET), un important groupe militant qui se bat dans le Cachemire indien, a décrit les commentaires de M. Zardari comme «une violation flagrante et une digression de la politique cohérente du Pakistan».
Puis mercredi, les Moudjahidin du Deccan ont frappé l’Inde avec pour objectif évident de déclencher une réaction hindoue contre la minorité musulmane du pays, menaçant de déstabiliser les relations entre le Pakistan et l’Inde. La plupart des commentateurs sur les questions de sécurité conviennent que le groupe Moudjahidin du Deccan n’est qu’une façade commode, et que la main invisible du Lashkar-e-Taiba (LET) est derrière cette attaque terroriste bien planifiée.
Seul le temps dira si ces islamistes réussiront ou si les bons citoyens de l’Inde, hindous comme musulmans, identifieront cette provocation et saisiront la main tendue par le Président Zardari.
Pour leur part, les musulmans du monde entier devront également décider s’ils souhaitent entrer dans le 21e siècle et prendre leurs distances de la doctrine du djihad armé, ou retourner au 12e siècle et embrasser ces ennemis de la joie et de la paix.
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