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Salah Basalamah identifié comme le représentant de Tariq Ramadan au Canada
Auteur : Claude Lafleur
Référence : Le Devoir, 13 septembre 2008, p. G11
Extraits :
L’organisateur du colloque Le sens de la liberté à l’UQAM en 2008, Peter Leuprecht l’ancien doyen de la Faculté de Droit de McGill, présente le conférencier Salah Basalamah comme «le représentant de Tariq Ramadan ici au Canada».
Titre original : Contre la liberté du plus fort
Comme le constatent aisément les organisateurs du colloque intitulé Le Sens de la liberté, on utilise à tout vent, et souvent à tort, le mot «liberté». Rien de nouveau à cela puisque le colloque est chapeauté par une citation de Montesquieu (1689-1755): «Il n’y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations, et qui ait frappé les esprits de tant de manières, que celui de liberté.»
«J’ai pensé organiser un colloque sur le sens de la liberté parce que je crois que ce mot est souvent employé n’importe comment, galvaudé même, indique Peter Leuprecht, professeur (récemment retraité) de droit international public à l’Université du Québec à Montréal. Ce mot fait l’objet de multiple abus – d’abus orwelliens, même (illustrés dans 1984) – et je pense donc qu’il est utile de réfléchir au sens, au vrai sens de ce mot.»
«L’objectif des colloques des Entretiens Jacques-Cartier étant d’aborder les thèmes les plus divers, nous avons eu l’idée de montrer que la liberté, selon la manière dont on conçoit les politiques, concerne directement la vie des citoyens», ajoute Christian Philip, professeur à l’Université de Lyon-3.
Tant l’un que l’autre ont un parcours émérite, aussi bien au chapitre de la réflexion (comme professeur et chercheur universitaire) que sur le terrain. Ainsi, Peter Leuprecht a entre autres été directeur des droits de l’homme au Conseil de l’Europe et membre du Comité des «sages» qui a préparé le programme d’action sur les droits de la personne pour l’Union européenne. Il est aussi représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour les droits de la personne au Cambodge. Pour sa part, Christian Philip a entre autres eu une longue carrière politique, ayant été député et directeur de cabinet de François Fillon, avant que le président Sarkozy n’en fasse son représentant personnel pour la francophonie. «Je suis spécialisé dans les questions relatives aux institutions européennes», ajoute-t-il.
«Quand je vois à quel point les apôtres de la mondialisation et de la liberté des marchés emploient le mot “liberté”, ou quand je vois comment le président Bush l’emploie beaucoup et souvent à tort et à travers, cela m’inquiète parce que ça dénature le sens de ce mot, d’énoncer M. Leuprecht. Par exemple, j’ai remarqué que, dans son discours inaugurant son second mandat, le président Bush a employé le mot “liberté” plus de quarante fois. Or, dans les faits, les libertés sont de plus en plus restreintes aux États-Unis.» Il souligne au passage que Lynne Cheney, l’épouse du vice-président, a fondé un groupe de «surveillance» des universitaires américains (l’American Council of Trustees and Alumni), «ce qui, heureusement, n’existe pas encore au Canada!», dit-il.
En conséquence, le colloque intitulé Le Sens de la liberté cherche à rétablir le sens véritable de ce mot. C’est ainsi que les questions de base du colloque sont les suivantes: quel sens doit-on donner à la liberté en ce début du XXIe siècle; quel est le rôle des institutions démocratiques dans la défense et la promotion de la liberté et des libertés?
Curieusement, il semble qu’il faille limiter la liberté pour la protéger. Mais la limiter de quelle manière? «Ainsi, indique M. Leuprecht, l’une des pensées qui m’est très chère, c’est que la liberté doit aller de pair avec l’égalité et la responsabilité. Ce doit être une liberté responsable et non une liberté qui écrase les autres.» M. Leuprecht cite un autre penseur du XIXe siècle, Lacordaire, qui écrivait: «Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit.»
«J’ai une approche très critique, peut-être même un peu à contre-courant, dit-il, car je pense qu’une liberté débridée engendre l’oppression. Comme dit Lacordaire, si on ne tient compte que de la liberté du fort, on se retrouve vite avec une liberté qui opprime. Voyez par exemple ce qui se passe dans le contexte de la mondialisation, où on prône la liberté des marchés et où on dit que c’est la loi du marché qui doit régner. Or, moi, je n’y crois pas du tout, puisqu’on voit que cette liberté écrase les petits. C’est la liberté du plus fort…»
Pour sa part, Christian Philip s’intéresse à la liberté appliquée au multiculturalisme. «C’est-à-dire que j’essaierai de montrer que la liberté passe, au plan des États, par la possibilité pour les émigrants de pouvoir continuer de parler leur langue, d’exercer leur religion ainsi qu’un certain nombre d’éléments de leur culture, mais à condition que cette liberté soit compatible avec la vie collective de la terre d’accueil.» Dans la pratique, il faut entre autres que les nouveaux venus acceptent de s’intégrer et que leurs enfants apprennent la langue du pays d’accueil.
«C’est ce que vous appelez au Québec les accommodements raisonnables, poursuit M. Philip. Nous, en Europe, nous n’avons pas de terme équivalent et je pense c’est un très bon terme, que le monde entier va maintenant utiliser.» À ses yeux, l’idée prônée par les accommodements raisonnables revient à considérer qu’on doit reconnaître aux individus, au nom de la liberté, un certain nombre de droits fondamentaux, mais que, au nom de la société, tous doivent accepter de vivre ensemble. «Le communautarisme consiste à vivre côte à côte, et non ensemble, dit-il, ce qui n’est pas souhaitable.»
Peter Leuprecht souligne en outre que le colloque abordera des sujets d’une grande actualité, notamment la liberté et les religions. «Nous entendrons le théologien catholique Gregory Baum ainsi que Salah Basalamah, le représentant de Tariq Ramadan (de Présence musulmane) ici au Canada. On va aussi essayer de voir quel est l’apport des institutions démocratiques, leur rôle dans la promotion de la liberté. Il y aura aussi, en fin de colloque, une table ronde sur les limites de la liberté qui sera animée par le juge en chef Michel Robert…»
Les organisateurs espèrent que le colloque sera l’occasion d’une réflexion tangible sur des questions concrètes comme la liberté et la religion. «On cherche donc à voir quel sens on peut donner à cet important concept de liberté en ce début de XXIe siècle, insiste M. Leuprecht. Et nous allons publier les actes du colloque, ce qui donnera, je l’espère, un petit livre qui sera intéressant!»