« La ministre responsable de la condition féminine, Christine St-Pierre, a déposé mercredi le projet de loi 63, qui vise à amender la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.
L’amendement proposé pourrait être interprété par les tribunaux comme étant une invitation à faire prévaloir le principe de l’égalité hommes-femmes sur celui de la liberté religieuse.
Car Québec, avec son projet de loi, vient hisser l’égalité hommes-femmes au rang des «valeurs fondamentales», dans le préambule de la Charte, tout en ajoutant une clause interprétative allant également dans le même sens.
Quant à elle, la liberté religieuse ne fait pas partie du préambule.
«Les juges ont dit que c’était dans le préambule qu’on voyait qu’est-ce que c’était les valeurs démocratiques et l’intérêt général. C’est pour ça que c’est très, très fort que ce principe soit inscrit dans le préambule», a estimé, en point de presse, la présidente du Conseil du statut de la femme (CSF), Christiane Pelchat, qui avait lancé le débat dans un avis sur la question.
Le projet d’amender la Charte en ce sens avait été lancé par le premier ministre Jean Charest, en octobre, après publication de l’avis du CSF.
Il avait dit alors que l’égalité entre hommes et femmes revêtait à ses yeux une telle importance qu’il n’était pas question d’attendre le dépôt du rapport de la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables.
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«C’est un message puissant que nous envoyons ce matin», a estimé la ministre St-Pierre.
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D’aucuns, dont le Barreau du Québec, se sont opposés publiquement à ce qu’on donne plus de poids à certains droits – comme l’égalité entre les sexes – lorsque des demandes d’accommodement pour motif religieux sont faites.
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Sur l’essentiel, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, s’est montrée quant à elle favorable au projet de loi.
Elle reproche cependant à Québec de ne pas avoir profité de l’occasion pour amender la charte également sur d’autres sujets.
«Il me semble que si on ouvre la charte, on devrait pouvoir le faire sur d’autres valeurs qui nous concernent actuellement, entre autres, la prédominance du français, la protection de notre patrimoine, sa défense et la reconnaissance de la laïcité de nos institutions publiques», a-t-elle dit en point de presse. »
Commentaire de point de BASCULE
Nous avons déjà soulevé le sujet ici: Droits des femmes versus droits de pratiquer sa religion
Nous reproduisons ici le paragraphe du préambule de la Charte québécoise tel qu’il se lit actuellement, auquel nous ajoutons, en caractères gras, les mots qui y seront insérés si le projet de loi est adopté tel quel :
Considérant que le respect de la dignité de l’être humain, l’égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance des droits et libertés dont ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de la paix;
Le projet de loi propose également d’insérer l’article suivant dans la section « Dispositions spéciales et interprétatives de la Charte québécoise:
Avis du Conseil du statut de la femme
En août dernier, le CSF recommandait « que soit amendée la Charte des droits et libertés de la personne afin d’y insérer une disposition analogue à celle de l’article 28 de la Charte canadienne, affirmant clairement que l’égalité entre les femmes et les hommes ne peut être compromise au nom, notamment, de la liberté de religion [[Droit à l’égalité entres les femmes et les hommes et liberté religieuse, Avis du Conseil du statut de la femme, Québec, le 24 août 2007, p. 88 et ss., disponible gratuitement en ligne sur le site du CSF
http://www.csf.gouv.qc.ca/fr/accueil/
.»]]
L’article 28 de la Charte canadienne fait partie de la section « Dispositions générales » de la Charte, et se lit comme suit :
Dans son Avis, le Conseil du statut de la femme constate que l’égalité des sexes est beaucoup plus explicitement protégée dans la Charte canadienne des droits de 1982 que dans la Charte québécoise des droits et libertés, adoptée au milieu des années 70. L’article 28 de la Charte canadienne assure que l’égalité des sexes est une valeur tellement fondamentale qu’elle ne pourrait pas même être mise en parenthèse par la clause dérogatoire (nonobstant) de la Constitution.