Quand ils mènent leur jihad idéologique, les islamistes ont fréquemment recours à la tactique qui consiste à nier que leur doctrine politico-religieuse endosse des pratiques comme le crime d’honneur, l’excision du clitoris et le jihad offensif.
Sheema Khan écrit dans son livre Of Hockey and Hijab (Toronto, Tsar Publications, 2009, p. 147) que l’excision ne peut pas faire partie des injonctions de l’islam puisqu’il n’en est pas question dans le Coran. Comme si l’islam tirait ses règles uniquement du Coran.
Quand des exégètes de l’islam comme Youssef al-Qaradawi (né en 1926) justifient les mutilations génitales féminines, ils ne le font pas en citant le Coran mais bien les hadiths, des documents qui consignent des paroles et des actions attribuées à Muhammad, le fondateur de l’islam. Ainsi, en février 2004, sur le site islamonline.net, al-Qaradawi justifia sa position en affirmant que le fondateur de l’islam aurait déclaré à une sage femme: « Réduisez la taille du clitoris mais n’excédez pas la limite car ceci est meilleur pour la santé des femmes et préféré par les maris». Youssef al-Qaradawi est le guide spirituel des Frères Musulmans, une organisation qui s’est donné pour mandat d’imposer la charia à travers le monde.
Dans une de ses chroniques du Globe and Mail (13 novembre 2002, p. A31), Sheema Khan présente al-Qaradawi à ses lecteurs comme un « exégète musulman renommé ».
Sheema Khan est l’ancienne présidente de CAIR-Canada, une filiale de l’organisation américaine CAIR membre du réseau nord-américain des Frères Musulmans. En 2005, puis en 2009, Khan s’est prononcée en faveur l’introduction de la charia au Canada (Globe and Mail 15 septembre 2005 – p. A21 et 28 janvier 2009 – p. A21). À titre de présidente de CAIR-Canada, elle intenta également une poursuite en libelle contre David Harris, un expert canadien de l’antiterrorisme, après qu’il eût alerté l’opinion publique sur les liens qui existaient entre CAIR-Canada et l’organisation mère américaine impliquée dans le financement d’activités terroristes. Éventuellement CAIR-Canada abandonna sa poursuite contre Harris sans avoir obtenu la moindre rétractation de sa part.
La position de Tariq Ramadan est identique à celle de Khan. Dans son essai What I believe (Mon intime conviction) destiné au public occidental (New York, Oxford University Press, 2010, p. 64), Ramadan qualifie l’excision de « pratique culturelle non islamique » tout en citant al-Qaradawi l’apologiste des mutilations génitales qu’il identifie comme un « savant musulman » dans plusieurs de ses autres textes. En plus d’avoir endossé l’excision, al-Qaradawi est reconnu pour avoir promu l’assassinat des apostats de l’islam (islamonline.net) et des homosexuels (vidéo 5:27), pour avoir présenté Hitler comme un envoyé d’Allah venu punir les Juifs (vidéo), pour avoir incité les musulmans à conquérir l’Occident (vidéo), etc.
Non satisfait de citer Youssef al-Qaradawi avec déférence dans plusieurs de ses textes, Tariq Ramadan le présente même comme « l’un des exégètes de l’islam les plus importants » à s’être prononcé sur les attitudes et les comportements que les musulmans doivent adopter lorsqu’ils vivent en Occident (Radical Reform, New York, Oxford University Press, 2009, pp. 31 et 326). Dans le passé, Point de Bascule a consacré plusieurs articles aux relations privilégiées qui existent entre Ramadan et al-Qaradawi.
Tout en affirmant que les mutilations génitales n’ont rien d’islamique, Sheema Khan et Tariq Ramadan promeuvent l’un de ses plus influents défenseurs comme un « exégète musulman renommé » et un maître à penser pour les musulmans. Décidément, leur raisonnement est cousu de fils blancs.
Outre al-Qaradawi, d’autres « savants musulmans » de renom ont justifié les mutilations génitales des fillettes. C’est le cas notamment d’Ibn Taymiyya (1263 – 1328). Selon lui, le but de la procédure « vise à réduire le désir sexuel de la femme: si elle n’est pas excisée la femme devient encline à l’activité sexuelle et elle recherche davantage la compagnie des hommes ». C’est Sheema Khan elle-même qui rapporta ce commentaire dans le Globe and Mail du 21 avril 2010 (p. A19).
Dans le passé, Tariq Ramadan présenta Ibn Taymiyya comme un homme qui était motivé par « une volonté de renouveau » (Aux sources du renouveau musulman, Paris, Bayard, 1998, p. 41). Ailleurs, Ramadan qualifia la contribution doctrinale d’Ibn Taymiyya à l’islam de « riche et importante » (Radical Reform, déjà cité, p. 66).
Égypte – 2008
En 2008, le gouvernement égyptien présenta une loi pour protéger les droits des enfants. Une de ses clauses visait précisément à bannir les mutilations génitales chez les filles. Le Christian Science Monitor du 24 juillet 2008 (archivé sur GMBDR) rapporta que le groupe parlementaire des Frères Musulmans en Égypte s’opposa à la mesure. Son porte-parole Saad el-Katatny justifia la position des Frères en faisant valoir que l’excision devait demeurer permise « pour des fins médicales » et « pour embellir la femme ».
Pour appuyer la campagne du gouvernement égyptien de 2008, certains des opposants aux mutilations génitales invoquèrent le verset 4:119 du Coran pour essayer de donner des assises islamiques à leur position. Le verset condamne ceux qui cherchent à altérer la création d’Allah. Mohamed el-Omda, un autre député égyptien appartenant aux Frères Musulmans leur répondit que puisque la circoncision masculine est acceptée sans réserve dans l’islam, cela invalidait leur interprétation de 4:119. Le site égyptien Almasry-alyoum (archivé sur GMBDR) rapporta l’information.
Sénégal – 2009
Suite à l’arrestation de quatre membres d’une même famille pour avoir excisé une fillette de moins de deux ans, l’Association des imams et oulémas du Sénégal a non seulement exigé que les accusés soient relâchés mais que la loi de 1999 en vertu de laquelle ils furent inculpés soit retirée. Abou Ly, le porte-parole des leaders musulmans, fit valoir que « l’excision est une des recommandations de l’Islam qui remonte au temps du Prophète. Elle est une pratique autorisée par la Loi divine ».
Pour étayer son propos, il cita des hadiths « qui exigent (…) que chaque femme soit excisée, faute de quoi elle devient impure et ne peut même (pas) donner à manger. Pourquoi, dès lors, vouloir interdire (l’excision) dans un pays composé à 90 % de musulmans? »
L’information a été rapportée par Le Quotidien (Dakar) et archivée sur Bivouac.
L’Umdat al-salik
Parmi les principaux ouvrages de droit islamique qui endossent les mutilations génitales, on se doit évidemment de mentionner l’Umdat al-salik (La dépendance du voyageur). Tariq Ramadan réfère positivement à cet ouvrage et qualifie son auteur Ahmad ibn Naqib al-Misri (1302-1367) de « grand juriste de l’islam » dans son Radical Reform (déjà cité, pp. 302-303).
L’Umdat al-salik a été traduit de l’arabe vers l’anglais en 1991. Il est généralement disponible dans les bibliothèques universitaires. Des certificats de conformité du texte anglais aux préceptes de la jurisprudence islamique ont été émis notamment par l’Université al-Azhar d’Égypte et par l’International Institute of Islamic Thought (IIIT). Ils apparaissent dans les premières pages de la traduction anglaise.
Al-Azhar est le principal centre intellectuel de l’islam sunnite dans le monde. En 2008, ses responsables s’opposèrent aux autorités égyptiennes quand celles-ci annoncèrent leurs intentions de criminaliser les mutilations génitales féminines et réitérèrent leur appui à cette pratique.
En endossant l’Umdat al-salik favorable aux mutilations génitales, les responsables de l’IIIT ont écrit de la traduction anglaise qu’elle constitue « un document important (…) pour l’enseignement de la jurisprudence islamique aux anglophones de même qu’un important document de référence pour les exégètes de l’islam ». L’IIIT fut mis sur pied aux États-Unis en 1981 par l’Arabie saoudite et les Frères Musulmans pour formuler des directives spécifiques en vue d’intégrer l’islam à la réalité nord-américaine, pour enseigner l’islam et pour le propager. Tariq Ramadan écrit de la mission de l’IIIT qu’elle consiste à « islamiser la connaissance » (Western Muslims and the Future of Islam – Les musulmans occidentaux et le futur de l’islam, New York, Oxford University Press, 2004, p. 58).
L’Umdat al-salik constitue un recueil de jurisprudence de l’école shafiiste, l’une des quatre écoles d’interprétation de l’islam sunnite (les autres écoles étant la malékiste, l’hanbaliste et l’hanafiste). Dans l’introduction du volume (p. vii), le traducteur explique que les quatre écoles s’entendent sur 75% de la doctrine. Les distinctions dont il est question dans le passage suivant reflètent donc les divergences qui existent entre ces écoles sur la question de l’excision. La traduction française a été produite par Point de Bascule.
Comme le faisait remarquer Ayaan Hirsi Ali dans un autre texte consacré aux mutilations génitales disponible sur Point de Bascule, il est incorrect au plan physiologique de comparer l’extrémité du clitoris au prépuce du pénis puisque dans le premier cas l’extrémité du clitoris fait bel et bien partie du clitoris lui-même alors que le prépuce est distinct du pénis. Pour que la comparaison entre le clitoris et le pénis tienne, il faudrait comparer une mutilation du clitoris à une mutilation du gland du pénis.
Outre Tariq Ramadan et l’IIIT, plusieurs autres leaders et organisations islamistes reconnaissent que l’Umdat al-salik constitue un document de référence essentiel en droit islamique.
La section de la Muslim Student Association (MSA) de l’Université Concordia à Montréal s’est engagée sur son site à « faire tous les efforts pour appliquer l’islam (…) tel qu’il a été compris dans le contexte contemporain par le regretté imam Hassan al-Banna ». Pour mener son programme, cette section montréalaise des Frères Musulmans possède sa propre bibliothèque islamiste dans les locaux de l’Université. Le manuel de charia Umdat al-salik y côtoie les classiques du jihad offensif d’al-Banna, de Sayyid Qutb, de Maududi et d’al-Qaradawi. En plus de payer pour les locaux où ces livres sont entreposés, les contribuables paient également pour les livres eux-mêmes puisque la bibliothèque islamiste est subventionnée par le Conseil de la vie étudiante qui reçoit son financement de l’administration de l’Université donc des contribuables en bonne partie.
Ingrid Mattson, la présidente de l’Islamic Society of North America (ISNA), une organisation affiliée au réseau nord-américain des Frères Musulmans enseigna le droit islamique (charia) au Hartford Seminary (Connecticut) en 2006. Selon la description de son cours toujours disponible sur internet, l’Umdat al-salik était l’un des principaux documents de référence utilisés.
Présence Musulmane et l’ISNA entretiennent de nombreux rapports. Salah Basalamah, le porte-parole de Présence Musulmane Canada fut un conférencier invité au Congrès de l’ISNA qui se déroula à Ottawa en 2007 et les commentaires d’Ingrid Mattson sont fréquemment reproduits sur les sites internet de Présence Musulmane. Avec Dahlia Mogahed et Rashad Hussein, Mattson compte parmi les dirigeants des Frères Musulmans qui bénéficient d’un accès privilégié à l’administration Obama.
Les organisations mentionnées dans l’article
Toutes les organisations mentionnées dans l’article (IIIT, MAS, ISNA et CAIR) font partie du réseau des Frères Musulmans en Amérique du Nord. Un schéma tiré d’un rapport du Hudson Institute publié en 2009 aide à comprendre les liens que ces organisations entretiennent les unes avec les autres.
International Institute of Islamic Thought IIIT site GMBDR Wikipedia
Islamic Society of North America ISNA site GMBDR Wikipedia
Council on American-Islamic Relations CAIR site GMBDR Wikipedia
Muslim Student Association MSA site GMBDR Wikipedia
Note de Point de Bascule:
Ce texte fut originalement publié en même temps que la traduction d’un article d’Ayaan Hirsi Ali sur les mutilations génitales Les deux articles furent précédés d’une présentation générale.
Présentation générale des deux articles sur les mutilations génitales féminines. Cliquez [ICI]
Ayaan Hirsi Ali se prononce contre une excision symbolique proposée par une association de médecins américains. Cliquez [ICI]