Deux chroniqueurs de journaux de gauche, le Globe and Mail de Toronto et le Guardian de Grande-Bretagne, conseillent au Congrès islamique du Canada (CIC) de retirer ses plaintes contre le magazine Macleans. La tentative du CIC de censurer la presse témoigne d’une incompréhension fondamentale du rôle de la liberté d’expression dans une démocratie et renforce les préjugés contre les musulmans.
Un autre organisme canadien, le Canadian Muslim Congress [[Site du Canadian Muslim Congess
http://www.muslimcanadiancongress.org/
,]] critique l’initiative du CIC, invoquant qu’elle renforcera la vision stéréotypée voulant que les musulmans soient hostiles aux débats vigoureux et à la démocratie.
Pour un résumé des faits relatifs à la plainte du CIC, voir notre article « Le Congrès islamique du Canada se sert de la Commission des droits de la personne pour faire de la censure affiché le 1er décembre.» article115
Nous traduisons des extraits des articles des deux chroniqueurs.
Qui nourrit les préjugés ?
par Margaret Wente du Globe and Mail [a]
« La réputation des musulmans canadiens est malheureusement entachée par la minorité la plus vociférante d’entre eux – comme ces joyeux lurons du Canadian Council on American-Islamic Relations (CAIR-CAN) qui ont été tellement offensés qu’un économiste écrive « mollah ou sheik » qu’ils ont exigé qu’il s’excuse et qu’il suive des cours de « sensibilisation culturelle » (et ils ont obtenu ce qu’ils voulaient).
Pour ces assoiffés de griefs, la moindre insulte devient un crime haineux. Le CIC nous fournit un autre exemple avec la plainte déposée contre le magazine Macleans. Le CIC est enragé que le magazine ait publié un extrait du livre The Future Belongs to Islam par Mark Steyn. Selon l’avocat du CIC, l’article « offre une représentation fausse des musulmans canadiens, de leur communauté, de leur religion et de leurs valeurs ». L’un des plaignants a dit « Je me suis senti personnellement offensé ».
Mark Steyn, un journaliste publié régulièrement par Macleans, a probablement offensé 99% de ses lecteurs à un moment ou à un autre. C’est son style! L’article incriminé est du Steyn tout craché: provocant, haut en couleurs et grossièrement exagéré. Steyn argumente que l’occident connaît un déclin démographique et culturel, alors que la population islamique connaît un boom démographique et affirme énergiquement sa culture. Il ne dit pas un mot sur les musulmans canadiens.
Curieusement, les 4 plaignants musulmans au nom desquels le CIC agit sont tous des étudiants en droit ou des diplômés de la faculté de droit de l’Université York de Toronto. On pourrait penser que des étudiants en droit seraient de fervents défenseurs des libertés civiles, de la tolérance et de la liberté d’expression. Je suppose que ce n’est pas le cas.
Selon l’un des plaignants, « il y a une limite à ne pas franchir entre la liberté d’expression et la promotion de la haine. Nous avons le sentiment que l’article de Steyn fait définitivement la promotion de la haine. »
Damnés sentiments. Ils peuvent vous faire sentir tellement mal. Si des sentiments étaient des faits, personne au Canada ne serait autorisé à émettre une opinion controversée.
Ce n’est pas comme si Steyn avait le dernier mot. Le magazine a publié des pages de courrier des lecteurs réagissant à l’article. L’éditeur en chef Ken Whyte a même rencontré les étudiants en droit offensés pour voir ce qui ferait leur affaire. Ils ont exigé un article de 5 pages, écrit par un auteur de leur choix, à être publié par Macleans sans édition ni retouche. Whyte a refusé.
La plainte suit son cours devant trois Commissions des droits de la personne, celles du Canada, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique. L’argent des payeurs de taxes est mis à contribution.
Je ne suis pas une fan du CIC. Son président, Mohamed Elmasry, a déjà dit que tous les Israéliens adultes étaient des cibles légitimes pour les terroristes.
« Le CIC a beaucoup à dire sur l’islamophobie au Canada, mais il est resté totalement muet sur les victimes de viol qui sont flagellées en Arabie saoudite ou les protestations de Soudanais à cause d’un
nounours. De nombreux musulmans souhaiteraient qu’il se la ferme, et pour une bonne raison. Si le CIC veut savoir qui alimente les préjugés envers les musulmans, il devrait peut-être se regarder dans le miroir. »
Leur pire ennemi
par Ali Eteraz, The Guardian [b]
« Quand des organisations musulmanes tentent de bâillonner la presse, elles renforcent les pires préjugés au sujet de l’Islam.
Rien ne fait reculer davantage la lutte à l’islamophobie que l’action de groupes musulmans criant au loup pour des articles inexacts. Le dernier exemple est la thèse erronée de Mark Steyn sur l’évolution démographique en Europe.
Les arguments de Steyn sont alarmistes. Il prévient que l’Europe deviendra bientôt « Eurabia ».
Malheureusement, ce qui aurait pu être une occasion pour les Canadiens de débattre des mérites de la position de Steyn est plutôt devenu un autre exemple de la méconnaissance délibérée du principe de liberté d’expression par une organisation musulmane occidentale importante. Il n’y a pas un « droit fondamental à la réplique ». Macleans ne doit rien au CIC. Le CIC ne parle pas au nom de tous les musulmans et même si c’était le cas, sa position serait erronée. De plus, pourquoi serait-ce le rôle du CIC, ou de n’importe quelle organisation, de répliquer à l’article du Macleans ? Le seul droit fondamental en cause ici appartient à Macleans : le droit de choisir ce qu’il imprime.
Le CIC devrait retirer sa plainte, et les Commissions des droits de personne devraient la rejeter complètement. La stratégie du CIC le mènera sur une voie dangereuse où les tactiques adversatives seront les seules qui lui assureront d’être entendu. Le CIC a même menacé Macleans « d’actions punitives ». Quelles seront les prochaines stratégies du CIC ? A-t-il l’intention d’empêcher tout débat parmi les musulmans autant que dans la presse? Va-t-il traîner d’autres organisations musulmanes devant la Commission des droits de la personne?
Le CIC doit comprendre qu’il n’y a aucun risque de déportations massives inspirées par les écrits de Steyn, surtout que les extraits publiés par Macleans ne parlent même pas du Canada. Le CIC devrait concentrer ses efforts à encourager une culture d’ouverture et de débat parmi ses membres. Il devrait encourager ses membres à s’affirmer comme individus au lieu de cultiver chez ceux-ci une mentalité de troupeau loyal à une organisation.
Si le CIC veut contester Steyn, la manière appropriée de la faire est la participation au débat public – et non l’usage de tactiques adversatives visant à court-circuiter la sphère publique. »
- So who’s fuelling the prejudice? par Margaret Wente, The Globe and Mail, le 6 décembre 2007, via le site de Canadian Coalition for Democracies [http://canadiancoalition.com/forum/messages/27123.shtml->http://canadiancoalition.com/forum/messages/27123.shtml]
- Their own worst enemies, par Ali Eteraz, The Guardian, le 6 décembre [2007http://commentisfree.guardian.co.uk/ali_eteraz/2007/12/their_own_worst_enemies.html->http://commentisfree.guardian.co.uk/ali_eteraz/2007/12/their_own_worst_enemies.html]