La militante saoudienne Wajiha Al-Huweidar critique les musulmans du Moyen-Orient, la culture saoudienne, la condition d’esclave des femmes, et le fanatisme religieux islamique. « Le fanatisme et l’extrémisme sont les premiers signes d’une idéologie fausse en voie d’effondrement ».
Traduction d’extraits d’une entrevue avec l’activiste pour les droits de la femme Wajiha Al-Huweidar, diffusée sur Al-Hurra TV le 13 janvier 2008 et transcrite en anglais sur le site Memri:
La culture patriarcale saoudite est devenue prédominante sous couvert de la religion
Wajiha Al-Huweidar: Nous avons élevé une génération – je crois que ça a commencé avec ma propre génération – sur la croyance que nous sommes un peuple spécial, que nous sommes le berceau de l’Islam, que la vérité est nôtre et la nôtre seule, que nous sommes la Secte Sauvée de l’islam. Les gens ont commencé à croire tous ces mensonges, et ils s’en servent comme prétextes. Lorsque nous avons exigé que les femmes soient employées dans les lieux publics, ils ont dit: «Non, nous sommes un peuple spécial. » Quand nous exigeons que les femmes soient autorisées à conduire, ils disent: «Non, nous sommes un peuple spécial. » Non, nous ne sommes pas un peuple spécial. De quelle façon le sommes-nous ? Il n’y a rien de spécial à propos de nous. C’est vrai, nous avons les deux villes saintes – La Mecque et Médine – mais cela ne signifie pas que nous avons un monopole sur la religion, et que nous sommes les seuls musulmans dans le monde.
[…]Cette culture patriarcale saoudite est devenue prédominante sous prétexte religieux, mais si vous examinez tout ce qui se passe dans cette société, rien de cela a quelque chose à voir avec la religion. Comment se fait-il que les gens soient dépouillés de leur jugement personnel et que la Commission pour la prévention du vice soit envoyée pour épier les gens dans la rue, et déterminer qui s’égare et qui agit correctement? Qui leur a donné le droit de faire cela? Les gens ont le droit de décider eux-mêmes ce qu’ils font et ce qu’ils ne veulent pas faire.
Les premiers signes qu’une idéologie fausse se meurt sont le fanatisme et l’extrémisme
Interviewer: Les femmes devraient-elles être autorisées à décider par elles-mêmes?
Wajiha Al-Huweidar: Bien sûr. Après tout, elles sont comme tout …
Interviewer: En dépit de cette Commission?
Wajiha Al-Huweidar: Cette commission doit être abolie, et le jour viendra où elle le sera. Regardez, les premiers signes qu’une idéologie fausse est en train de mourir sont le fanatisme et l’extrémisme. C’est évident. Avez-vous déjà vu un cadavre qui est mou? Lorsqu’une personne décède, le corps devient rigide. De même, cette idéologie deviendra de plus en plus rigide, et atteindra le sommet du fanatisme, mais elle est constamment en train de mourir. Jetez un coup d’oeil sur l’histoire. Regardez ce qui est arrivé à l’église en Europe. Elle est devenue rigide et les idéologies persécutées, les scientifiques assassinés et brûlés, jusqu’à ce que les gens se rebellent contre elle, ce qui a conduit à son effondrement. L’histoire nous dit que cela vaut pour toutes les idéologies. Le communisme …
Interviewer: Voyez-vous des signes de cet effondrement?
Wajiha Al-Huweidar: Cela ne se produira pas dans notre génération. Cela prendra du temps, mais ça arrivera. […]
L’homme saoudite tire sa force de la faiblesse de la femme
Nous en Orient – et je parle de l’Orient dans un sens large, y compris le Pakistan, la Turquie et les Kurdes … La façon dont je les vois, ce sont tous des gens malheureux, des hommes misérables. C’est évident. Celui qui n’a rien ne peut rien donner aux autres. Ces hommes ont perdu ce qui aurait pu leur donner un vrai sens de la masculinité. S’ils sont musulmans ils tirent leur masculinité de l’islam, s’ils sont non-musulmans, des coutumes et de la tradition de la société très dure qui donne aux hommes plus de droits qu’aux femmes. Par conséquent, ils ne tirent aucune force de l’intérieur. Dans le cas de notre société saoudienne, ils puisent aussi leur force dans la faiblesse de la femme. La plupart des femmes choisissent d’être faibles parce que ça rend leur vie plus facile. Plus la femme est faible, plus le mari se sent fort. Comment pouvez-vous compter sur un homme qui ne tire pas sa force de l’intérieur?
[…]N’oubliez pas que les hommes orientaux sont opprimés tant par la société que par les autorités. Les hommes font face aux autorités plus que les femmes, et les autorités dans les pays orientaux sont très dures, au point qu’une personne peut disparaître sans que personne ne sache jamais ce qui lui est arrivé.
[…]Les hommes saoudites se pavanent comme des paons, comme on dit, parce qu’ils ont reçu plus que ce qu’ils méritent, et ils ont des responsabilités au-delà de ce qu’ils sont capables de porter. L’homme saoudite croit qu’il devrait être président. Dès l’instant où il est diplômé de l’université, il veut devenir président. Je sais que les hommes diront que je généralise, mais je parle du phénomène, de la grande majorité. Comment se fait-il qu’on trouve difficilement un ouvrier saoudien? Mon père était un ouvrier, ainsi que plusieurs de sa génération.
[…]Je ne comprends pas pourquoi il n’y a pas de place pour d’autres religions dans le vaste territoire de l’Arabie saoudite. Jusqu’à ce jour, il n’existe pas d’église pour les chrétiens, pas de synagogue pour les Juifs, et pas de temple pour les hindous, même s’ils constituent une grande partie des communautés étrangères en Arabie saoudite. Il y a six à huit millions de ces personnes.
Interviewer: Il y a la notion selon laquelle l’Arabie saoudite est le berceau de l’Islam, comme vous l’avez dit, et que c’est le plus conservateur des pays islamiques. C’est la réponse que vous obtenez habituellement à de telles questions.
Pourquoi avons-nous peur des autres religions?
Wajiha Al-Huweidar: Pourquoi avons-nous peur des autres religions? Ce qui nous effraie? Nous devrions avoir confiance en nous et dans notre religion. Il n’y a pas de texte religieux qui interdit l’établissement d’une église ou d’un temple d’une religion quelconque. S’ils veulent s’y opposer à la Mecque ou à Médine – il pourrait y avoir une justification à cela, mais dans les autres villes, où il y a de nombreux travailleurs étrangers … Comment cela peut-il être justifié? Ça pourrait être justifié parce que ces villes sont sacrées pour les musulmans, même si la Mecque … A mon avis, la Mecque doit être ouverte à tous les peuples musulmans et non musulmans du monde. Comment se fait-il que le cheikh de la mosquée Haram, à ce jour, vient de la même famille et de la même région – Najd?
Interviewer: Quelle famille?
Wajiha Al-Huweidar: C’est transmis de père en fils dans la famille Subayyil. Pourquoi seulement cette famille, et pourquoi doit-elle être une famille de Najd? Pourquoi les Saoudiens ont-ils un monopole sur l’islam? Est-ce que les Saoudiens sont les seuls musulmans? Si nous voulons propager la notion de tolérance envers les autres religions et sectes, la mosquée Haram devrait être ouverte aux différentes sectes.
Interviewer: Quelles sectes?
Wajiha Al-Huweidar: Toutes les sectes. Pourquoi le cheikh de la mosquée Haram doit-il être de l’école Hanbali? Pourquoi ne peut-il y avoir un cheikh Hanbali un jour, et les autres jours, des cheikhs des écoles Chafiyi, Maliki, Hanafi, Ja’fari, et Isma’ili ? Pourquoi ne peut-il y avoir des cheikhs d’autres nationalités? Pourquoi seulement des Saoudiens?
[…]La société saoudienne est fondée sur l’esclavage – l’asservissement des femmes aux hommes et de la société à l’État. Les gens continuent de ne pas prendre leurs propres décisions, mais ce sont les femmes d’Arabie Saoudite qui ont été privées de tout. La femme saoudienne vit encore la vie d’une fille esclave. Alors, en quoi sommes-nous différents de Guantanamo? Au moins dans le cas de Guantanamo, de nombreux prisonniers ont été libérés, tandis que nous restons dans cette prison, et personne ne nous entend jamais. Quand serons-nous libérées? Je ne sais pas.
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