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http://quebec.radiox.com/emission/maurais_live/article/lebuis_trudeau_veut_combattre_isis_avec_des_fleurs / RadioEgo
Mardi le 9 février 2016, le directeur de Point de Bascule, Marc Lebuis, a été invité par Dominic Maurais à commenter le nouveau plan Trudeau face à l’État islamique (EI) lors de l’émission du matin à Québec.
La vidéo de l’annonce du 8 février par Justin Trudeau est disponible sur TheRebel.media. Radio-Canada et CBC ont également rapporté des extraits sonores de l’annonce de Justin Trudeau dans leurs reportages :
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2016/02/08/001-trudeau-canada-etat-islamique-armee-irak-syrie.shtml.it / WebArchive – Archive.Today
http://www.cbc.ca/news/politics/justin-trudeau-canada-isis-fight-announcement-1.3438279 / WebArchive – Archive.Today
http://www.therebel.media/trudeau_s_troubling_worldview / WebArchive – Archive.Today
Justin Trudeau a annoncé que les frappes aériennes du Canada contre l’EI devraient cesser au plus tard le 22 février et, qu’à compter de cette date, le Canada sera impliqué dans l’entraînement de combattants kurdes plutôt que dans des frappes aériennes. Aucune mesure n’a été annoncée pour contrer l’activité islamiste au Canada.
En 2014, lors d’une interview accordée à Don Newman (vidéo CBC), Justin Trudeau avait décrit la participation du Canada aux bombardements aériens contre l’État islamique comme de la bravade, comme une sorte d’acte machiste :
Justin Trudeau / [Traduction PdeB] : «Pourquoi ne parlons-nous pas davantage du genre de travail humanitaire que le Canada peut et doit accomplir plutôt que d’essayer de brandir nos CF-18 pour montrer combien ils sont gros. Ce n’est pas comme ça que ça marche au Canada.»
Justin Trudeau / [Version originale] : «Why aren’t we talking more about the kind of humanitarian aid that Canada can and must be engaged in, rather than trying to whip out our CF-18s and show them how big they are? It just doesn’t work like that in Canada.»
Le nouveau plan Trudeau prévoit que le nombre de militaires canadiens affectés à la formation des combattants kurdes qui se battent contre l’État islamique va tripler. Puisque cette formation s’effectue très proche des zones de combat, il est vraisemblable que les militaires canadiens dans la région seront attaqués et seront appelés à se défendre. Le chef d’état-major de la Défense canadienne, Jonathan Vance, l’a reconnu à la CBC :
Jonathan Vance / Traduction Point de Bascule : «[0:27] Je veux que les Canadiens sachent que nous serons impliqués dans des confrontations en nous défendant ou en défendant les partenaires avec qui nous travaillons. L’assistance que nous apportons aide [nos alliés] à planifier, elle les aide à déterminer la meilleure façon d’accomplir la mission qu’ils se sont donnés et pendant qu’ils mènent ces missions, il est possible qu’ils aient besoin de notre aide pour les défendre et que nous devions nous défendre nous-même. Dans les circonstances, j’ai bien l’impression qu’il va y avoir des confrontations militaires.»
Jonathan Vance / Version originale : «[0:27] I want Canadians to know that we will be involved in engagements as we defend ourselves or those partners who we are working with. The assist function helps them plan, helps them determine how best to accomplish the mission they have before them and in the process of accomplishing those missions, they may very well need support defending them and, in so doing, defending ourselves. So, I suspect that there will be engagements.»
Donc, en triplant le nombre de militaires qui feront de la formation à proximité des zones de combat, le Canada augmente le nombre de militaires dont la vie sera en danger. Le général Vance a reconnu que cette mission est plus dangereuse que la précédente. Par contre, plutôt que de laisser sur place les avions de chasse CF-18 qui auraient pu offrir une couverture aérienne aux militaires canadiens et à ceux qu’ils entrainent, le gouvernement Trudeau les retire.
Le Canada sera donc à la merci de ses alliés pour défendre ses propres soldats. Les risques de mauvaises communications, d’erreurs et de ‘tirs amis’ (‘friendly fire’) sont toujours plus importants dans ces circonstances.
Baisser la garde
L’inconsistance du plan Trudeau ne s’arrête pas là. Lors de sa conférence de presse du 8 février, Justin Trudeau a ouvertement encouragé les Canadiens, autant les militaires qui vont former les Kurdes en zone de danger à l’étranger que ceux qui sont au Canada, à baisser la garde :
Justin Trudeau / [Traduction PdeB] : «Dites que nous sommes de la vieille école mais nous pensons que nous devons précisément éviter de faire ce que l’ennemi veut que nous fassions. […] Ils désirent que nous les surestimions, que nous cédions à la peur, qu’on laisse libre cours à la haine, qu’on devienne suspicieux les uns envers les autres et qu’on perde nos facultés. […] L’ennemi mortel de la barbarie ce n’est pas la haine, c’est la raison. Et les gens qui sont terrorisés quotidiennement par ISIL [l’État islamique] n’ont pas besoin de notre vengeance, ils ont besoin de notre aide.»
Justin Trudeau / [Version originale] : «Call us old-fashioned, but we think that we ought to avoid doing precisely what our enemies want us to do. […] They want us to elevate them, to give in to fear, to indulge in hatred, to eye one another with suspicion and to take leave of our faculties. […] The lethal enemy of barbarism isn’t hatred. It’s reason. And the people terrorized by ISIL every day don’t need our vengeance, they need our help.»
Comment le premier ministre du Canada, en principe l’ultime responsable de la sécurité de nos soldats, peut-il établir une opposition entre l’aide que nos soldats vont apporter aux Kurdes et la suspicion dont ils doivent faire preuve à l’égard de ceux qu’ils vont côtoyer en Irak? Ce n’est pas la haine mais la raison qui doit amener les soldats qui sont déployés à maintenir un niveau rationnel de crainte à l’égard de l’ennemi qui sera dans leur voisinage peu importe les activités qu’ils accomplissent.
Bien que la menace à laquelle les autres Canadiens fassent face soit moindre, elle est loin d’être inexistante comme l’ont démontré les attentats terroristes de St-Jean et d’Ottawa salués par l’État islamique.
Choisir entre la Turquie et les Kurdes
Le nouveau plan Trudeau augmente l’aide qui sera accordée aux combattants kurdes. Par contre, la veille de l’annonce du plan, Associated Press / Archive.Today a signalé que le président turc, Recep Erdogan, avait mis en garde les États-Unis contre un appui aux Kurdes dans leur combat contre l’État islamique : «Les États-Unis devraient choisir entre la Turquie et les Kurdes», a prévenu Erdogan.
La même mise en garde s’applique au Canada évidemment mais ni le premier ministre, ni son ministre des Affaires étrangères n’y ont fait allusion.
Au même moment, la Turquie a massé des centaines de soldats le long de sa frontière avec l’Irak malgré les plaintes du régime irakien / Archive.Today.
La Turquie et l’Arabie saoudite davantage motivés à aider les groupes rebelles qui perdent du terrain face aux Russes qu’à attaquer l’État islamique
Jusqu’à maintenant la Turquie, l’Arabie saoudite et d’autres pays sunnites de la région ont favorisé la chute du régime Assad en finançant des forces rebelles souvent présentées comme ‘modérées’ mais qui sont liées aux Frères Musulmans, à Al-Qaïda et d’autres organisations islamistes qui partagent les mêmes buts que l’État islamique.
La Russie s’est impliquée dans la défense du régime Assad le 30 septembre 2015. Contrairement à la prédiction du 2 octobre du président Obama, la Russie ne s’est pas «enlisée» en Syrie mais a provoqué des reculs importants chez les rebelles anti-Assad.
Intervention militaire de la Russie en Syrie / Wikipedia français – Wikipedia anglais
Pour prévenir une déroute complète de leurs agents sur le terrain, la Turquie et l’Arabie saoudite planifient maintenant une intervention armée sur le terrain :
Agence France-Presse / Archive.Today : La crainte de voir les rebelles syriens écrasés par le régime de Bachar el-Assad et son allié russe pourrait pousser l’Arabie saoudite à envoyer un nombre limité de troupes en Syrie, notamment des forces spéciales, estiment des experts. Cette intervention se ferait en coordination avec la Turquie, autre soutien de l’opposition syrienne, estiment ces spécialistes, même si la nature de l’implication turque reste difficile à prédire.
Références supplémentaires
Point de Bascule : FICHE Turquie
Le Point (30 janvier 2009) : Portrait de Recep Erdogan / WebArchive – Archive.Today (Poème islamiste d’Erdogan : «Les mosquées sont nos casernes, les minarets nos baïonnettes, les dômes nos casques et les croyants nos soldats»)
Michele Kambas et al. (Reuters – 8 février 2016) : Le président turc Erdogan a menacé d’inonder l’Europe de clandestins : «Nous pouvons à tout moment ouvrir nos portes vers la Grèce et la Bulgarie et mettre les réfugiés dans des cars.»