Mohamed P. Hilout, initiateur du nouvel islam en France : « Voiles, burqas et tchadors, je vous hais ». Wassyla Tamzalin, avocate à Alger et ex-directrice du droit des femmes à l’Unesco : « Refuser le voile ne signifie pas accepter le racisme ». Marieme Helie-Lucas, algérienne fondatrice de Femmes sous lois musulmanes : « les intégristes sont des fascistes qui galvaudent les droits de la personne en Occident».
Nous donnons ici la parole à des musulmans, un français et deux algériennes, qui dénoncent le voile, la mauvaise foi des féministes et gauchistes occidentaux, et la difficulté des « chiens de garde » des droits de la personne à considérer les intégristes musulmans comme des mouvements politiques d’extrême droite pour ne pas dire fascistes – au détriment des droits des femmes musulmanes.
Voiles, burkas et tchadors, je vous hais, par Mohamed Pascal Hilout, initiateur du nouvel islam en France
«Nous ne pouvons subir, en silence, la loi de ce regard malsain porté sur le corps de la femme mais aussi sur moi, l’homme, son partenaire dans la vie de tous les jours. C’est toujours dans l’espace public du vide juridique que les musulmanes et les musulmans archaïques testent les limites de notre tolérance et nos points faibles pour imposer le code de leur esthétique et leur regard malsain à toute la société.»
«Voiles, burqas et tchadors, je vous hais ! Vous avez étouffé ma grand-mère et ma mère et vous voulez continuer à brimer nos filles et petites filles et à limiter leur liberté en France et en Europe. Je jure sur la tête de ma mère que je soulèverai ciel et terre, s’il le faut, pour vous renvoyer à votre Moyen Age et à votre désert d’Arabie ; là où il n’y a âme qui vive !»
Source : Voiles, burkas et tchadors, je vous hais !, revue Riposte laïque, le 30 août 2007, par Mohamed Pascal Hilout, http://www.ripostelaique.com/spip.php?article35
Féministes, je vous écris d’Alger , par Wassyla Tamzalin, avocate à Alger, ex-directrice du droit des femmes à l’Unesco
«Depuis de longues années, les pensées des féministes françaises et des féministes du Sud que nous sommes se croisent, et, sur les discriminations sexistes, nous avons toujours eu globalement les mêmes démarches. Cela confortait notre conviction que le féminisme était universel, puisque, elles d’ici et nous de là-bas, nous partagions des analyses, des colères et des buts identiques. Enfin, pensions-nous, nos amies féministes, sur ce sujet du voile qu’elles connaissent parfaitement, sauront tordre le cou au relativisme culturel qui fleurit bizarrement jusque dans les rangs de la gauche intellectuelle, dans les enceintes sacralisées, comme la Ligue des droits de l’homme ! Eh bien non ! Il faudra ajouter au voile une autre victoire, celle de diviser les féministes, d’obscurcir le clair discours de ce mouvement français par la bouche de certaines de ses plus vaillantes défenderesses (…) et de rompre, pour la première fois, les alliances anciennes et si nécessaires entre elles et nous.»
«…accepter la pratique (…) de cacher ses cheveux, de ne pas se faire soigner par un homme, de ne pas serrer la main des hommes, c’est-à-dire accepter des pratiques de stricte ségrégation sexiste, me semble être une mauvaise réponse à un vrai problème. Refuser le voile ne signifie pas accepter le racisme! Mener la discussion de cette sorte est faire preuve de mauvaise foi. »
«Il faut revenir à plus de raison. Si le débat sur le voile occulte le débat sur les discriminations racistes, que dire alors de l’assujettissement des femmes qui disparaît derrière le débat aberrant sur le droit ou pas de se cacher les cheveux, d’enfermer un individu dans son corps érotique ? La pensée féministe n’a-t-elle pas débusqué tout ce qui pourrait rattacher la femme à sa sexualité reproductive et à son appartenance exclusive à la tribu qui règle son sort ? Comment ici ne dira-t-elle pas avec force que le voile est bien le symbole de cet asservissement des femmes et que sa portée ne peut être altérée par son utilisation frivole ou à contresens par certaines ? Il ne faut pas stigmatiser l’islam.»
«Je veux simplement rappeler que la peur de stigmatiser le christianisme n’a pas arrêté la lutte des féministes (…) Alors, ce qui est bon pour une religion ne l’est pas pour l’autre ? La gauche, une certaine gauche, les féministes, certaines féministes, par leur attitude, nous poussent à croire que ce qui touche à l’islam est en dehors de la pensée. Peut-on dire que ce qui conduit la pensée féministe en général n’est pas bon pour ce qui concerne les femmes dites musulmanes ? Nous avons déjà assez de mal comme ça pour que des intellectuelles ajoutent leurs voix – et quelles voix ! -, à ceux qui pensent avec Tariq Ramadan qu’il existe un genre «femme musulmane».»
Source : Féministes, je vous écris d’Alger , par Wassyla Tamzalin, le 13 janvier 2004, http://prochoix.org/pages.action/laicite/tamzali.html
Entretien avec la fondatrice de Femmes sous lois musulmanes (FSLM), l’Algérienne Marieme Helie-Lucas.
«…la sociologue Marieme Helie-Lucas a consacré plus de deux décennies à militer au sein du réseau FSLM pour faire avancer les droits des femmes dans les pays dits musulmans. Très attachée à la signification politique des mots (…) l’Algérienne refuse catégoriquement de dire si elle se définit comme musulmane, si elle est croyante.»
«En tant que Canadiens, vous avez un espace laïque où vous n’êtes pas obligés de vous définir comme religieux ou non. La foi, cela peut être quelque chose de privé. Mon identité ne passe pas nécessairement par la religion.»
«Derrière cette attitude en apparence rigide se cache l’essence même de son combat contre l’intégrisme religieux. Elle en a contre la prétention de leaders intégristes de parler au nom de tous ceux qui sont nés en terre musulmane ou de parents musulmans, contre l’incursion de la foi dans le domaine politique, contre les règles «supposément» religieuses qui ne sont en fait que la mise en oeuvre d’un projet politique d’«extrême droite», qu’elle qualifie même de «fasciste».»
« Depuis quelques mois, le réseau FSLM pose un regard inquiet sur le Canada.»
«Les revendications des intégristes contre la loi sur la laïcité en France et celles pour des espaces publics séparés pour les hommes et les femmes (hôpitaux, piscines, programmes scolaires) constituent selon elle un premier pas vers un système de justice communautaire parallèle. «C’est quoi cette ségrégation, sinon un apartheid des femmes.»
Droits de la personne galvaudés
«L’argumentaire à saveur de droits de la personne invoqué par les intégristes (…) suscite son indignation. Il est plutôt «ironique», selon Mme Helie-Lucas, de voir que, «dans les pays où les femmes ont des droits, on leur propose, au nom de la démocratie et des droits de la personne, d’en avoir moins», alors que les batailles font rage dans les pays musulmans «contre des lois discriminatoires.»
«Les organisations de droits de la personne en prennent pour leur rhume. Mme Helie-Lucas dénonce leur peu d’entrain à défendre les droits des femmes contre les intégrismes.»
« Les «chiens de garde» des droits de la personne ont de la difficulté à «considérer les intégristes musulmans pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des mouvements politiques d’extrême droite», ajoute Mme Helie-Lucas. «Ils se sont, je pense, laissé manipuler par les intégristes» dont le discours joue sur le registre des droits de l’homme.»
«Si elle juge positivement le travail de théologiens musulmans qui «vont vers une théologie de la libération en Islam» en interprétant les textes dans le sens d’une plus grande égalité entre les genres, elle se refuse à mettre tous ses oeufs dans ce panier pour faire avancer la cause des femmes. Cette cause, elle avancera selon la fondatrice de FSLM en donnant la parole aux laïques, dont la voix peine à percer celle du discours communautariste.»
Source : Intégrisme: non à une hiérarchie des droits, par Clairandrée Cauchy, Le Devoir, le 16 mai 2005, http://archives.vigile.net/05-5/societe.html