Les chrétiens d’Orient – L’éclipse
Par Serge Truffaut
Le Devoir, publié le lundi 17 août 2009
Au Pakistan, il ne se passe plus une semaine sans que les chrétiens subissent la fureur des islamistes. Idem en Égypte et en Algérie. En Irak, au cours du dernier mois, les attentats contre les églises ont augmenté à la vitesse grand V. En un mot, le dialogue interconfessionnel dans cette région du monde est devenu une fiction rythmée par la violence, par le sang.Il y a quelques jours de cela, six personnes vivant dans une enclave chrétienne du Pakistan ont été brûlées. Des dizaines ont été blessées. Une centaine de maisons ont été rasées. Ce n’était pas la première fois, et ce ne sera certainement pas la dernière, que des citoyens de ce pays sont tués parce qu’ils observent les rites d’une religion autre que celle de la majorité. En fait, on devrait dire qu’ils sont tués parce qu’un mollah a répandu une rumeur, parce qu’un mollah a amplifié un mensonge.
Au Pakistan, il faut savoir et surtout retenir qu’il existe une loi antiblasphème, une loi qui se révèle être une contradiction fanatique du rationalisme, une mystification de l’intelligence. Pour faire court, mentionnons que le texte en question stipule que tout individu qui blasphème le Coran «par des mots ou par une représentation visible, par une imputation ou une insinuation, directement ou indirectement» est passible de la peine de mort. Répétons certains mots: «insinuation» et «indirectement». Actuellement, deux étudiantes infirmières risquent la pendaison pour avoir accroché l’image d’un Christ en croix dans leur faculté.
Les personnes dont il est question plus haut ont été brûlées, et d’autres avant elles, parce qu’une copie du Coran aurait été… brûlée. Il faut savoir (bis) que la loi prévoit qu’un seul témoin oculaire suffit pour qu’on inculpe et éventuellement emprisonne ou condamne à mort. Tout un chacun l’aura deviné, celle loi scélérate est un cadeau immense fait à tous ceux qui veulent se débarrasser du voisin ou de l’opposant politique. Avant de se transporter en Irak, soulignons que cette loi antiblasphème est la énième illustration de ceci: le refus du progrès et de la modernité de la part desislamistes.
Parallèlement aux faits constatés récemment au Pakistan, des islamistes que l’on dit rattachés à al-Qaïda ont commis six attentats contre autant d’églises le mois dernier. Des gens ont été assassinés, d’autres saignés. Là comme partout ailleurs au Moyen-Orient, les chrétiens sont devenus une des cibles privilégiées des sunnites défendant une lecture absolutiste du Coran. Ce faisant, ceux qui tournent leurs regards vers Rome plutôt que vers La Mecque passent leur temps à plier armes et bagages. Passé pratiquement inaperçu, l’exode des chrétiens irakiens est pourtant l’un des plus impressionnants en nombre: près de la moitié des 1,4 million de chrétiens que comptait ce pays en 2003, au début de la guerre, sont partis.
On passe sur l’Algérie, on passe sur l’Égypte pour mieux souligner que l’opprobre dont le chrétien est le sujet trouve son origine dans la profonde mutation politique qui secoue le Moyen-Orient depuis, grosso modo, le début des années 80. Dans les décennies antérieures, le nationalisme dominait la scène avec Nasser pour figure emblématique. Lui et ses homologues de la région concevaient des règles propres à éloigner les religieux du centre du pouvoir. Au cours des trente dernières années, on a observé mille et une modifications législatives effectuées à l’aune du Coran, l’islam étant devenu une des sources, si ce n’est la source exclusive, des lois. L’objectif? Les chrétiens doivent disparaître du décor.
Lire aussi:
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Algérie – Trois chrétiens accusés d’avoir “blasphémé” l’islam risquent 3 ans de prison (PdeB octobre 2008)
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L’ONU contre les droits de l’Homme – le drame ignoré des grands médias (février 2008)
Pourquoi les sociétés arabes sont-elles opposées aux droits de l’Homme? (janvier 2008)
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Alerte à la christianophobie – Les chrétiens persécutés par l’islam, par Thomas Grimaux (PdeB, décembre 2007)
Algérie – La persécution des chrétiens se poursuit (Bivouac-id, mai 2008)
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