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Martine Turenne répond à Yolande Geadah
Auteure: Martine Turenne
Référence: La Presse, 10 janvier 1997, p. B3
Titre original : Une auteure sans courage
L’auteure est journaliste pigiste. Elle répond ici à Mme Yolande Geadah, auteure de Femmes voilées, intégrismes démasqués.
J’étais absente de Montréal la semaine où Yolande Geadah, auteure de l’essai Femmes voilées, intégrismes démasqués, a affirmé sur nombre de tribunes radiophoniques et télévisuelles que ma recension de son essai, publiée dans La Presse du 17 novembre 1996, était inexacte, sans nuances, qu’elle déformait sa subtile pensée et était responsable de l’opprobre jetée sur elle par sa communauté. Sa campagne médiatique s’est achevée le 17 décembre avec la publication dans La Presse d’une mise au point, ou plutôt d’un règlement de compte personnel, où mon nom était cité une bonne demi-douzaine de fois.
Si Mme Geadah affirme dans cette lettre vouloir se dissocier publiquement de cette recension, je tiens quant à moi à dénoncer publiquement cette essayiste incapable d’assumer ses propres écrits et cherchant, une fois la polémique engagée dans sa communauté, un bouc émissaire.
Je ne reprendrai pas point par point les insinuations malveillantes de Mme Geadah à mon égard. Je tiens simplement à remettre quelques éléments en perspective.
Dans un premier temps, Mme Geadah semble ignorer ce qu’est une recension. Il s’agit, comme l’écrit Le Petit Robert, du «compte rendu d’un ouvrage littéraire», du résumé des points forts d’un livre, quoi. Nous avons deux ou trois pages pour en résumer 200 ou 300 et la tâche n’est guère aisée lorsque nous nous retrouvons avec un essai aussi brouillon que Femmes voilées, intégrismes démasqués. Alors, n’en déplaise à l’auteure, les points forts de son livre n’étaient pas les curriculum vitae des épouses du prophète Mohammed, les origines théologiques du concept d’aoura et encore moins les incursions maladroites et superficielles dans le conflit israélo-arabe. L’intérêt résidait plutôt dans le sens à donner au port du voile dans le monde arabe et chez nous. Et c’est de cela que j’ai traité dans ma recension.
Yolande Geadah parle du «vocabulaire mal choisi de Madame Turenne», vocabulaire «offensant» pour les croyants. Ah! oui? Mon vocabulaire mal choisi? Mais qui, madame Geadah, a osé comparer l’islamisme au nazisme, sans contredit le mot le plus chargé émotivement dans l’imaginaire occidental? Qui a écrit : «Le processus (d’islamisation) se rapproche en somme de l’embrigadement des jeunes dans un mouvement fasciste, que d’aucuns comparent au nazisme, mais dans ce cas sous le couvert de la religion. Cette comparaison n’est pas exagérée comme certains le croient, et de plus en plus de caractéristiques communes aux deux mouvements se font jour comme nous le verrons plus loin.» C’est à la page 110 de ce subtil essai. On retrouve de nouveau la comparaison à la page 187.
Madame Geadah parle aussi de «surenchère de l’intégrisme», de «répercusssions psychologiques», d’«extrémisme aberrant», «d’expansion idéologique», de «violations des libertés individuelles fondamentales», de «persécutions religieuses», d’«épuration sociale», de «système totalitaire», etc. Ma foi, il m’a semblé que le portrait que traçait Madame Geadah du monde arabe à l’heure de l’islamisme était assez sévère. Mais peut-être est-ce là de «l’interpréation» abusive de ma part.
En faisant la recension du livre de Yolande Geadah, je m’étais permise quelques critiques : une certaine confusion d’esprit de l’auteur, qui mélange différents phénomènes, des répétitions, quelques naïvetés. Surtout, j’avais remarqué que Madame Geadah lançait des accusations très fortes contre les médias, accusations jamais étayées d’aucun exemple. Ainsi, selon elle, les intégristes juifs sont perçus dans la presse occidentale comme de charmants individus porteurs d’un message de paix et d’harmonie universelle. Bon. À chacun ses fantasmes. Mais la réaction que Madame Geadah a eu à la suite de ma recension démontre que j’avais vu juste dans ce malaise qu’elle semble entretenir avec les médias, malaise que je qualifierais de paranoïa.
Yolande Geadah écrit par ailleurs dans son essai qu’il n’est plus possible de discuter de l’islam dans le monde arabe comme on pouvait le faire au début du siècle. «Aujourd’hui, le débat exclut toute rationalité», écrit-elle. La panique qui s’est emparée de Madame Geadah lorsque quelques éléments de sa communauté ont voulu monter aux barricades démontre qu’elle avait raison : on ne peut discuter de ces choses dans la communauté musulmane, que ce soit à Alger, à Amman ou à Montréal. La terreur islamiste agit à plein régime. Et Madame Geadah a démontré hors de tout doute qu’elle n’avait ni la capacité intellectuelle, ni le courage de faire face à la chanson.