Les adolescentes d’origine pakistanaise et bangladeshi vivant en Occident sont vulnérables aux mariages forcés. La Grande Bretagne compte permettre à des tiers, comme les enseignants, d’obtenir des ordonnances préventives. Des leaders musulmans craignent l’intervention de tiers « malicieux » dans des mariages arrangés légitimes et demandent le respect de leurs normes culturelles. Au Québec, peu de mesures sont en place pour aider les jeunes à risque.
Nous vous informons ici des mesures que compte adopter la Grande Bretagne pour contrer le problème des mariages forcés. Ce problème existe aussi au Canada et au Québec, particulièrement dans certaines communautés musulmanes.
Rappelons qu’une mosquée de Toronto affiche sur son site internet un avis de « savants » disant qu’un père peut marier de force sa fillette de moins de 9 ans. Voir notre article sur le sujet : article93
Nous traçons un portrait de la situation en Grande Bretagne, et fournissons quelques renseignements sur le Canada et le Québec :
Initiatives de la Grande Bretagne
« Les enseignants, les travailleurs sociaux, les groupes de droits des femmes et des conseils locaux pourraient avoir le pouvoir d’arrêter les mariages forcés, selon un plan du gouvernement visant à protéger les adolescents vulnérables.
Les ministres sont en train de préparer une liste des tierces parties qui auraient le pouvoir de saisir la justice pour tenter d’empêcher des familles de contraindre les enfants à se marier en Grande-Bretagne et à l’étranger.
85% des victimes de mariages forcés sont des femmes, la plupart sont âgées de 15-24 ans, 90% sont musulmanes et 90% sont d’origine pakistanaise ou bangladeshi.
Le plan vise à aider celles qui sont trop jeunes, qui ne veulent pas ou ont trop peur d’aller au tribunal pour empêcher leur famille de les marier.
Une tierce partie qui cherche à prévenir un mariage forcé serait en mesure de demander aux tribunaux une ordonnance de protection contre un mariage forcé, ce qui aboutirait à une sentence d’emprisonnement en cas de contravention.
(…)
«Les victimes peuvent se sentir incapables ou peu disposées à prendre des mesures contre les auteurs de ces actes, qui peuvent être des membres de leur famille. »
Ceux qui se font signifier une ordonnance de protection seraient intimés de mettre fin au mariage et de rester à l’écart de la victime, et pourraient aussi être requis de remettre leur passeport à la justice.
La police aurait le pouvoir d’arrestation s’il y avait un risque de dommage important à la victime. Toute personne violant l’ordonnance commettrait un outrage au tribunal et serait passible d’une lourde amende ou jusqu’à deux ans de prison.
La tierce partie n’aurait pas besoin d’obtenir l’autorisation de la victime avant d’aller au tribunal pour demander l’ordonnance.
(…)
Pragna Patel, de Southall Black Sisters, une organisation basée à Londres qui aide les noirs et asiatiques victimes de violence familiale, a déclaré que le changement à la loi était absolument nécessaire. «Nous cherchons à aider les gens qui pourraient ne pas avoir la confiance nécessaire pour rechercher de l’aide. Nous parlons de jeunes filles, parfois détenues contre leur volonté et dans certains endroits isolés », a déclaré Mme Patel.
« Elles peuvent être surveillées par leur famille et les membres de la famille élargie ce qui fait qu’il est très difficile pour elles d’aller chercher de l’aide pour elles-mêmes». Le document de consultation présente une analyse des effets probables du changement légal. Cela donne à penser que, entre 5 et 50 cas par an finiraient devant les tribunaux.
(…)
Un total de 250 jeunes filles âgées entre 13-16 ont été retirées des registres de l’école à Bradford l’année dernière parce qu’elles ne sont pas retournées d’un voyage à l’étranger.
En conjonction avec l’introduction de l’ordonnance de protection du mariage forcé, le Home Office prévoit de porter de 18 ans à 21 l’âge minimum auquel une personne peut parrainer un époux ou être amenée en Grande-Bretagne comme conjoint.
Le Home Office a également présenté un plan qui permettrait aux jeunes hommes et femmes qui ont parrainé le voyage d’un étranger en Grande-Bretagne dans le but de contracter un mariage de faire une déclaration confidentielle sur les motifs de la demande de visa. Cela donnerait à la personne qui parraine l’occasion d’exprimer des réserves et de laisser les autorités de l’immigration refuser un visa sans aliéner les autres membres de la famille.
Source: Teachers could get power to stop forced marriages, Timesonlines, le 4 janvier 2008
http://www.timesonline.co.uk
Mise en garde du Muslim Council of Britain (MCB)
Des leaders musulmans ont servi des mises en garde contre l’intervention de tierces parties « malicieuses » dans des mariages arrangés légitimes.
Le Muslim Council of Britain (MCB) a accueilli avec satisfaction les plans pour permettre à des tierces parties de prendre des mesures juridiques pour protéger les jeunes contre un mariage forcé. Mais il a demandé instamment au Gouvernement de veiller à ce que les normes culturelles soient sauvegardées.
Ceux à qui seront accordés de nouveaux pouvoirs devraient recevoir une formation, dit le MCB.
(…)
Reefat Drabu, de la commission des affaires familiales du MCB, a dit que le mariage sans consentement est illégal en islam, les mesures visant à le prévenir étant «une mesure positive. Mais habiliter une tierce partie pour agir en faveur des jeunes doit comporter responsabilité et imputabilité. Cette terce partie doit être au courant de ce qu’est le mariage forcé et être consciente de l’ensemble des nuances de la culture. »
Source: “Protect arranged weddings’, Timesonline, le 4 janvier 2008
http://www.timesonline.co.uk
Les mariages forcés au Canada
Le Canada s’oppose à la pratique des mariages forcés et insiste pour que tous les pays respectent leurs obligations de droit international en matière de droits de la personne en ce qui a trait au mariage libre et avec consentement. Le mariage forcé constitue une violation des droits de la personne en vertu de plusieurs instruments juridiques, y compris du droit international en matière de droits de la personne, dont le Canada est signataire.
Les mariages forcés sont pratiqués par certaines communautés originaires du Pakistan, du Bangladesh et autres. Le ministère des Affaires étrangères du Canada affiche les mises en garde suivantes sur son site internet concernant le Pakistan et le Bangladesh.
Pakistan
On nous signale à l’occasion que des citoyennes canadiennes sont mariées de force. Certaines sont retenues au Pakistan contre leur gré et sont victimes de menaces, d’intimidation et de violence de la part de membres de la famille. Leur passeport est souvent confisqué par des membres de la famille. Certaines ont été incapables de revenir au Canada sans l’intervention des autorités canadiennes et pakistanaises. Les mariages forcés sont contraires aux lois canadiennes.
Source : Affaires étrangères et commerce international Canada
http://www.voyage.gc.ca/dest/report-fr.asp?country=229000
Bangladesh
On signale que des femmes de nationalité canadienne ont été forcées à se marier sans leur connaissance ou leur consentement préalable. Des parents, de la parenté ou des membres de la collectivité peuvent exercer de fortes pressions et du chantage affectif, adopter un comportement menaçant, enlever, enfermer et avoir recours à la violence physique pour forcer une jeune personne à se marier. Bien que les hommes autant que les femmes puissent être forcés à se marier ainsi, il s’agit d’une forme de violence principalement dirigée à l’endroit des femmes. Elles ont été incapables de revenir au Canada, et leur passeport et leur argent ont été confisqués par des membres de la famille.
Source : Affaires étrangères et commerce international Canada
http://www.voyage.gc.ca/dest/report-fr.asp?country=24000
Les mariages forcés au Québec
En mars dernier 2007, Radio-Canada diffusait un reportage intitulé « Marier de force » à l’émission Enjeux. Selon ce reportage, certains jeunes préfèrent se suicider plutôt que d’obéir à leurs parents qui veulent les marier contre leur gré. Ce reportage a suscité de vives réactions au Québec. Ce reportage n’est pas accessible en ligne. On peut toutefois en trouver un résumé sur le site de l’émission Enjeux.
http://www.radio-canada.ca/actualite/v2/enjeux/niveau2_14078.shtml
En voici des extraits :
Des jeunes filles sont mariées de force à des hommes souvent beaucoup plus vieux qu’elles. Cela se passe sous nos yeux, au Québec, comme l’a constaté une équipe d’Enjeux.
Sakina, prisonnière du mariage
Sakina a accepté de témoigner pour Enjeux, à condition d’être voilée et de changer son prénom. Elle le fait à l’insu de son mari et de sa famille. Cette jeune femme, originaire du Bangladesh, a grandi à Montréal. À 16 ans, ses parents l’amènent dans son pays natal sous prétexte d’aller voir une grand-mère malade. Une fois rendue là-bas, elle se rend compte que c’est pour la marier à un inconnu, un homme presque deux fois plus vieux qu’elle. Elle se rebiffe. Son mariage est célébré malgré ses protestations et ses pleurs. Sa propre mère la bat plusieurs fois pour la contraindre à accepter cette union.
(…)
Une jeune fille aux rêves brisés
Elle a grandi au Pakistan. Le moment venu, son père lui cherche un mari. Soumise, elle accepte d’épouser un jeune Pakistanais du Canada. Pour la jeune femme de 25 ans, il s’agit d’un mariage arrangé, puisqu’elle est consentante. Mais pour son futur mari, élevé à Montréal, c’est une union forcée.
(…) Après trois mois de mariage, son nouvel époux finit par lui avouer qu’il ne l’aime pas et qu’il l’a épousée sous la contrainte. Il la quitte. Après cela, la jeune femme vit recluse chez ses beaux-parents. Ils la font travailler comme couturière jusqu’à 12 heures par jour. Sa famille, toujours au Pakistan, ne se doute de rien. Deux ans plus tard, la jeune femme quitte sa belle-famille et elle refait sa vie.
Comme Roméo et Juliette
Tasmia et ses parents publient un journal destiné à la communauté du Sud-Est asiatique, qui dénonce les injustices faites aux femmes et aux enfants. La jeune étudiante de 21 ans est originaire du Bangladesh. Elle connaît plusieurs cas de mariages forcés à Montréal. Elle tient à nous raconter l’histoire de sa meilleure amie, Jaspritt. Cette dernière, une jeune Indienne de 16 ans élevée à Montréal, était promise dès l’enfance à un homme qui vit en Inde.
Tasmia raconte que son amie était follement éprise d’un jeune Indien de Montréal. Les parents de Jaspritt refusaient qu’elle fréquente ce garçon d’une caste inférieure à la leur. Et ils avaient bien l’intention de la marier en Inde. Comme Roméo et Juliette, le 11 décembre 2001, Jaspritt et son amoureux font un pacte de suicide. Ils se jettent sous la rame du métro Frontenac. Jaspritt avait 16 ans, son amoureux, 19.
Comment les aider?
Notre équipe a rencontré Louise Gagné, la psycho-éducatrice de l’école secondaire Lucien-Pagé, où étudiait Jaspritt. (…) L’école est aux premières lignes en matière de prévention, comme l’explique la psycho-éducatrice dans ce reportage.
(…)
Nous avons aussi parlé avec une avocate en immigration, Sabine Venturelli. Elle explique qu’il est très difficile pour ces femmes de s’en sortir, notamment pour des raisons d’ordre culturel. Elles sont rares celles qui osent divorcer ou faire annuler leur mariage, car cela signifie qu’elles défient la famille et bousculent les valeurs de leur communauté.
Réaction au reportage d’Enjeux « marier de force »
Radio-Canada a diffusé un reportage sur les réactions de politiciens et de leaders de groupes de femmes au reportage d’Enjeux. En voici des extraits :
Un reportage qu’a diffusé l’émission Enjeux montre que quelques jeunes Québécoises d’origine indienne ou pakistanaise sont forcées de se marier à des hommes qu’elles ne connaissent pas.
(…)
Le chef péquiste André Boisclair a dit que « personne ne veut vivre dans une société » où le droit fondamental à la liberté est bafoué. Pour sa part, le chef libéral Jean Charest a insisté sur l’importance du dépistage des personnes à risque.
La présidente de la Fédération des femmes du Québec, Michèle Asselin, est peu surprise du contenu du reportage. (…)
Elle prône l’intervention directe des communautés touchées pour corriger la situation au Québec. « Il existe une immense difficulté pour les filles à appeler à l’aide et à dénoncer leurs propres parents », dit-elle. C’est pourquoi, à son avis, il devrait y avoir dialogue entre les individus à risque et des intervenants de la communauté visée. »
(…)
Le directeur adjoint de la Direction de la Protection de la jeunesse, Gérald Savoie, affirme que son organisme n’intervient que dans les cas bien précis où « la notion du danger pour la sécurité ou le développement de l’enfant » entre en jeu.
Ce sont donc les CLSC et les divers centres communautaires qui traitent ces dossiers. Les acteurs du milieu se plaignent toutefois d’un sous-financement pour pouvoir aider adéquatement les parents à mieux comprendre la culture et les lois québécoises et pour venir en aide aux filles désespérées prises dans l’engrenage.
Source : Mariages forcés, Réactions nombreuses au Québec, le 7 mars 2008, radio-canada.ca
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2007/03/07
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Bahrein- Interdire le mariage des filles à 9 ans serait contraire à l’islam
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