Titre original: Élections municipales 2009 – L’ouverture à géométrie variable
Auteur : Brian Myles
Référence : Le Devoir, samedi le 17 octobre 2009, p. a4
La candidate de Vision Montréal dans Saint-Léonard Ouest, Najat Boughaba, mène une campagne discrète axée sur des valeurs d’ouverture. Dans le débat sur les accommodements raisonnables, elle s’est cependant rangée derrière un groupe aux positions radicales, le Congrès islamique canadien(CIC).
Mme Boughaba, bénévole de l’année au récent gala Femmes arabes du Québec, est devenue une personnalité publique de la communauté musulmane lors de la saga d’Hérouxville. Lorsque la petite municipalité a adopté son code de vie interdisant la lapidation, l’excision et le port du voile, en janvier 2007, Mme Boughabaa fait partie d’une délégation de femmes musulmanes qui se sont rendues en Mauricie pour engager un dialogue constructif.
D’Hérouxville jusqu’à la publication du rapport final de la commission Bouchard-Taylor, en mai 2008, Mme Boughaba a agi comme porte-parole du CIC au Québec. Le président du CIC à cette époque, Mohammed Elmasry, a des vues bien arrêtées sur des sujets épineux.
En mai 2005, M. Elmasry a accusé l’Assemblée nationale d’avoir pris une direction «raciste et dangereuse» en adoptant une motion unanime pour s’opposer à l’implantation de tribunaux islamiques (fondés sur la charia). Le CIC est aussi en faveur d’un traitement différent pour les musulmanes dans les hôpitaux, c’est-à-dire qu’une femme doit exiger d’être traitée par une femme. En octobre 2004, M. Elmasry a déclaré à l’animateur Michael Coren que tout Israélien âgé de plus de 18 ans était une cible légitime pour les attaques des Palestiniens. Il s’était par la suite excusé (ndlr: Il s’était excusé après plusieurs refus…)
Tout en affirmant que le CIC «a fait beaucoup de choses pour le bien de la société d’accueil», Mme Boughaba a pris ses distances avec l’organisation. D’une part, elle n’en est plus membre, assure-t-elle. D’autre part, son engagement dans le CIC s’est limité au dossier québécois des accommodements raisonnables.
«J’étais porte-parole du Congrès islamique canadien- Québec. La différence, c’est que je gérais moi-même mes dossiers», a-t-elle expliqué au Devoir. Mme Boughabane s’estime donc pas liée par les positions du CIC. «Je ne peux pas être responsable de ce que dit tout le monde. Ma position ici, au Québec, est claire. Je suis une intellectuelle, une féministe, une citoyenne modèle qui élève quatre enfants pour le Québec», a-t-elle assuré.
«Il y a d’autres organismes qui font pire et prennent des positions pour le massacre des enfants et le siège de certaines places dans le monde. Ces organismes-là, pourquoi on ne les approche pas?», a-t-elle ajouté, sans vouloir préciser le fond de sa pensée.
Mme Boughaba ne cherche pas à relancer le débat sur les tribunaux islamiques. «Je ne peux pas prétendre vouloir appliquer par la force quelque chose qui fait partie d’une culture d’origine dans une société d’accueil. Ce n’est pas logique. On peut trouver des façons d’arranger les choses, mais ne rien imposer.» Dans la même veine, elle estime qu’une musulmane doit voir le premier médecin disponible dans une situation d’urgence.
Bonnes intentions
Contrairement à ce qu’affirme Mme Boughaba, le CIC ne s’est pas intéressé seulement aux accommodements raisonnables au Québec. En septembre 2007, lorsque Mme Boughaba était toujours porte-parole du CIC, l’organisation a invité à Montréal, dans le cadre d’une activité de financement, la conférencièreYvonne Ridley. Journaliste britannique qui s’est convertie à l’islam après avoir été capturée par les talibans, Mme Ridley encourage le port du niqab pour aller voter. Elle louange les talibans. Elle estime que le leader tchétchène Chamil Bassaïev, responsable des attentats meurtriers au théâtre de Moscou et à l’école de Beslan, est un martyr assuré d’une place au paradis.
Mme Boughaba a également partagé une tribune médiatique avec Mohammed Elmasry au journal Sada Al-Mashrek (L’Écho de l’Orient), où elle a occupé le poste de rédactrice en chef jusqu’en 2007. Sous le pseudonyme de Najat Mustapha, Mme Boughaba signait des chroniques sur les accommodements raisonnables, la montée en force du Hezbollah au Liban (un groupe terroriste, selon la liste officielle du Canada) et l’ascendant exercé par son secrétaire général, Hassan Nasrallah.
L’Écho de l’Orient (ndlr: ou L’Écho du levant) a fait couler beaucoup d’encre lors de la saga d’Hérouxville. Un poème d’Haydar Moussa, paru à côté de la chronique de MmeBoughaba, dénigrait la femme québécoise en ces termes: «Et si toi immigrante de souche / Tu n’as ni foi ni loi / Et tu as passé ta jeunesse soûle / D’un mâle à l’autre / Ce n’est pas mon cas.» Mme Boughaba regrette d’avoir été associée indirectement à ce poème, car elle se dit «motivée par toutes les bonnes intentions du monde et porteuse d’un message de cohésion».
Si elle est élue, elle espère travailler à améliorer le sort des familles, militer pour le prolongement de la ligne bleue vers l’est et bonifier l’offre des camps de jour pour enfants en été. À Saint-Léonard, les minorités «arabes/asiatiques occidentales» forment 5,2 % de la population, selon les données du Centre local d’emploi de Saint-Léonard. Elles ont connu une augmentation de 50 % en cinq ans, mais les infrastructures pour les accueillir n’ont pas suivi, déplore Mme Boughaba.
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L’affaire Ridley, quelle ironie ! (PdeB, août 2007)
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