En réaction à l’épisode d’Enquête diffusé le 27 novembre dernier, Lise Ravary a publié un commentaire dans la version papier du Journal de Montréal et un lexique de termes islamiques sur son blogue.
EXTRAIT :
À peine un mois après les attentats en sol canadien [et] après des mois d’enquête, la journaliste Johanne Faucher en vient à la conclusion que si les Québécois ont des craintes face à l’islam, c’est la faute de «la propagande de gens qui pataugent dans l’intolérance».
[…] Le lundi suivant la diffusion [de l’épisode d’Enquête sur l’absence de menace islamiste au Québec], le SPVM [Service de police de la Ville de Montréal] admettait avoir ouvert une centaine de dossiers sur des individus possiblement liés au terrorisme au cours des derniers mois, dont une vingtaine à haut risque. Nous apprenions aussi, via La Presse, qu’IRFAN, un organisme de «bienfaisance» lié au Hamas interdit au Canada, continuait à récolter des fonds au Québec, même après la révocation de son statut en 2011.Mieux encore: la veille de la diffusion, la recherchiste au dossier, Nadia Zouaoui a répudié à deux reprises, sur les ondes de Radio 9, les conclusions de son propre reportage, affirmant que «la radicalisation est très insidieuse… il y a toute cette manipulation, cette victimisation qui fait que la personne va après se tourner vers une radicalisation».
[…] Tristement, ce qu’Enquête a préparé, c’est une job de bras contre des personnages aussi dangereux que Fatima Houda-Pépin, Richard Martineau et Marc Lebuis, de Point de bascule, un site qui surveille l’intégrisme musulman au Canada depuis 2006 sans jamais être poursuivi.
Auteure : Lise Ravary
Référence : Journal de Montréal, 8 décembre 2014, p. 35
Titre original : Job de bras islamique
Nos élites ne comprennent pas grand- chose à l’intégrisme militant.
Une chatte y perdrait ses petits: islamique, islamisme, intégrisme, radicalisation, charia, djihad, hijab, niqab, État islamique, Frères musulmans, salafisme, wahhabisme *, depuis le 11 septembre 2001, notre vocabulaire s’est enrichi d’expressions nouvelles reflétant autant de réalités souvent mal comprises.
Lorsqu’Enquête a annoncé la diffusion le 27 novembre du reportage Montée de l’intégrisme: lever le voile, je me suis dit, «Enfin!».
L’ENNEMI, C’EST NOUS
Tristement, ce qu’Enquête a préparé, c’est une job de bras contre des personnages aussi dangereux que Fatima Houda-Pépin, Richard Martineau et Marc Lebuis, de Point de bascule, un site qui surveille l’intégrisme musulman au Canada depuis 2006 sans jamais être poursuivi.
Après des mois d’enquête, la journaliste Johanne Faucher en vient à la conclusion que si les Québécois ont des craintes face à l’islam, c’est la faute de «la propagande de gens qui pataugent dans l’intolérance». Gens dont je fais partie, car j’apparais à l’écran avec le «dangereux» Mario Dumont.
Et Radio-Canada diffuse ce reportage à peine un mois après les attentats en sol canadien. Misère.
Le lundi suivant la diffusion, le SPVM admettait avoir ouvert une centaine de dossiers sur des individus possiblement liés au terrorisme au cours des derniers mois, dont une vingtaine à haut risque. Nous apprenions aussi, via La Presse, qu’IRFAN, un organisme de «bienfaisance» lié au Hamas interdit au Canada, continuait à récolter des fonds au Québec, même après la révocation de son statut en 2011.
Mieux encore: la veille de la diffusion, la recherchiste au dossier, Nadia Zouaoui a répudié à deux reprises, sur les ondes de Radio 9, les conclusions de son propre reportage, affirmant que «la radicalisation est très insidieuse… il y a toute cette manipulation, cette victimisation qui fait que la personne va après se tourner vers une radicalisation».
MAIS POURQUOI ?
J’ai toujours écrit que les purs et durs de l’islam représentent moins de 5 % des Québécois musulmans. Entre 35 et 50 femmes portent le voile intégral à Montréal, selon Enquête. Or le problème n’est pas mathématique, mais idéologique.
Quand j’habitais Londres, dans les années 70, la population musulmane y était déjà importante, une réalité postcoloniale, mais on ne voyait jamais de foulard. Personne n’invoquait la charia. Des soldats n’étaient pas décapités dans la rue, en plein jour par des convertis.
Aujourd’hui, le niqab est partout, et 85 tribunaux islamiques appliquent la charia au droit familial avec la permission du Barreau britannique. Si ce n’était de Fatima Houda-Pépin, de tels tribunaux religieux existeraient ouvertement ici aujourd’hui.
Lorsqu’Enquête en arrive à la conclusion que le problème, c’est les sonneurs d’alarme et que Philippe Couillard s’entoure de «leaders» musulmans qui croient que l’islamophobie mène à la radicalisation, alors que c’est l’inverse, il ne fait nul doute que nos élites ne comprennent pas grand-chose à l’intégrisme militant. Le projet de loi de Fatima Houda-Pépin sur la laïcité comportait la création d’un centre de recherche-action sur les intégrismes religieux. Manifestement, il est plus nécessaire que jamais. *Vous trouverez les définitions sur mon blogue.
Lexique islamique
Auteure : Lise Ravary
Date : 8 décembre 2014
Adresse originale : http://blogues.journaldemontreal.com/liseravary/societe/lexique-islamique/ / WebArchive – Archive.Today
Titre original : Lexique islamique
Tel que promis, définitions des termes utilisés dans ma chronique Job de bras islamique au sujet du reportage bâclé d’Enquête sur l’intégrisme musulman publiée le 8 décembre 2014.
ISLAMIQUE : adjectif qui décrit ce qui relié à l’islam, architecture islamique, art islamique, foulard islamique. N’a aucune connotation négative.
ISLAMISME : L’islamisme réfère plus généralement à l’Islam politique. Né de la confrontation entre la modernité occidentale et la religion musulmane, on peut retracer son origine d’aussi loin que le 18e siècle avec des penseurs comme Mohamed ibn Abd al-Wahhab (1703-1792) ou, plus tard, Hassan el-Banna (1906-1949). Tous deux prônaient un système islamique politico-religieux tentant d’imposer la charia en tout ou en partie comme loi fondamentale d’un État ou d’un groupe d’États.
Le terme islamisme est utilisé surtout à partir des années 1970 par les analystes pour éviter l’emploi des mots fondamentalisme et intégrisme. L’islamisme est donc à distinguer du fondamentalisme, qui désigne plus particulièrement un retour aux sources fondamentales de la religion. Il est également à distinguer de l’intégrisme qui signifie, dans le cas de l’Islam, une lecture très littérale («littéraliste») du texte sacré sans recours possible à l’exégèse. (source: Perspective Monde, Université de Sherbrooke)
INTEGRISME : Qui fait une lecture des textes sacrés dans leur intégrité d’origine, ne laissant aucune place à l’interprétation moderne.
RADICALISATION : Processus par lequel les Musulmans en viennent à accepter le bien-fondé et la nécessité de recourir au djihad violent contre le gouvernement et la population des pays musulmans et non-musulmans. On dit des jeunes occidentaux qui partent combattre avec l’État islamique qu’ils sont radicalisés. (source : Centre intégré d’évaluation du terrorisme du gouvernement du Canada)
CHARIA : Mot arabe décrivant la Loi islamique élaborée à partir du Coran et de la Tradition du Prophète (ou Sunna) comportant une dimension normative, c’est-à-dire de prescrits et d’interdits, une Loi avec un L majuscule parce que d’inspiration divine. Inclut les obligations rituelles propres à la dévotion (traités de fiqh) que sont les 5 obligations du Musulman : la profession de foi (shahada), la prière (salat), l’aumône (zakat), le jeûne (sawan) et le pèlerinage (hajj), la règles concernant les relations familiales (mariage, divorce, filiation, successions) et droit commun. (source : Fondation Res Publica)
La charia que certains auraient aimé voir adoptée au Québec comme système normatif pour les Musulmans (seulement) n’aurait touché que les affaires familiales. Il n’a jamais été question d’appliquer des châtiments corporels.
DJIHAD (OU JIHAD) : Mot arabe qui signifie «effort, exercer une force» compris en Occident comme guerre sainte. Philosophie de lutte permanente physique mais aussi intellectuelle qui ne signifie pas que seulement la guerre extérieure à ceux qui ne croient pas mais aussi la lutte intérieure contre les passions mauvaises, la discipline morale, la victoire sur soi-même. (Source : Dictionnaire élémentaire de l’islam, Alger)
HIJAB : Foulard islamique. Obligatoire selon certains savants de l’islam, ne pas le porter serait péché, mais aussi tradition culturelle pour beaucoup de femmes dans les pays musulmans. Est devenu le porte-étendard d’un islam fondamentaliste.
NIQAB : Voile couvrant le visage, sauf les yeux. N’est pas obligatoire bien que recommandé. Se porte avec le hijab. Rarissime au Québec.
ÉTAT ISLAMIQUE : Il n’y a pas de pays appelé État islamique. Il s’agit d’un groupe armé de création récente, une excroissance d’Al Quaïda, qui se bat pour l’implantation d’un califat, ou état islamique, au Moyen-Orient, entièrement régit par la charia et non-démocratique. État islamique, ou Daech, est connu pour sa barbarie et la présence dans ses rangs de milliers d’Occidentaux partis faire le djihad en Syrie et en Iraq.
Ses principaux ennemis, outre les Chrétiens, les Juifs et les mécréants en général, sont les Musulmans chiites (une des trois branches de l’islam, pratiqué principalement en Iran, en Iraq au Bahreïn et en Azerbaïdjan.) Aussi appelé IS, ISIL, EIIL.
FRERES MUSULMANS : Confrérie sunnite (la principale branche de l’islam) et nébuleuse financière fondée en Égypte en 1928 par Hassan Al-Banna, grand père du prédicateur Tarik Ramadan). Aujourd’hui une des principales organisations islamistes dans le monde, reconnue comme organisation terroriste en Égypte, en Russie et en Arabie saoudite.
Voici ce qu’en dit le journal Le Monde : «Si les Frères musulmans trouvent leurs origines en Egypte, la confrérie s’est installée dans plusieurs pays du monde arabe. En Syrie, elle est implantée de longue date et a longtemps été la seule et principale force d’opposition au régime d’Hafez Al-Assad, père de l’actuel homme fort syrien. Une dissidence clandestine, et passable de la peine de mort. En 1982, l’opposition des Frères musulmans est réprimée dans un bain de sang à Hama, lorsque les troupes d’Hafez Al-Assad détruisent la ville, où se soulevait une insurrection populaire, instiguée par la confrérie. Bilan : jusqu’à 25 000 morts, selon Amnesty International.
En Palestine, territoire que les Frères musulmans considèrent comme une terre musulmane inaliénable, l’organisation est également présente. L’objectif affiché tient davantage à la réintroduction des valeurs de l’Islam qu’à la création d’un Etat palestinien. Une ligne que ne suivront pas certains Frères, décidés à lutter contre Israël. De cette dissidence, naîtra le Hamas.
En Tunisie, les fondateurs du parti Ennhada se sont inspirés, dans les années 1970, de la doctrine des Frères musulmans. Le mouvement s’est également exporté en Jordanie et au Moyen-Orient. Al-Qaida se réclame aussi du maître à penser de l’islam radical, le Frère musulman Sayyid Qutb».
Les Frères musulmans sont présents dans la plupart des pays musulmans et dans les pays comportant une minorité musulmane. Au Canada et au Québec, l’organisme principal des Frères musulmans est la MAC, la Muslim Association au Canada.
Le mot d’ordre du groupe est : «Allah est notre objectif, le Prophète Mahommet notre chef. Le Coran est notre loi. Le djihad est notre voie».
SALAFISME : Le terme vient de salaf, qui signifie « ancêtre » ou « prédécesseur ». Sur le plan théologique, le salafisme se caractérise surtout par un littéralisme extrême. Ses adeptes s’appuient sur l’œuvre des théologiens et juristes Ibn Hanbal (mort en 855), attaché au strict respect du Coran et de la Tradition, et Ibn Tamiyya (mort en 1328). Tous deux se montrent très critiques à l’égard des innovations de la philosophie, blâmables (al bid’a) en matière religieuse.
Au XVIIIe siècle, le prédicateur Ibn Abdel Wahhâb reprend cet héritage, réaffirmant le principe de l’unicité de Dieu (tawhîd) et la condamnation des autres pratiques et courants musulmans considérés comme hérétiques. Allié à la famille princière Al Saoud – à l’origine de la fondation de l’Arabie saoudite – il relance le « djihad » considéré à la fois comme « combat intérieur et lutte contre les impies »
Les sociologues distinguent plusieurs courants au sein du salafisme. Les salafistes « quiétistes », les plus nombreux, recherchent la purification de la religion et l’éducation des musulmans, et rejettent toute implication politique. D’autres sont partisans de créer partis, syndicats et associations« comme moyens pacifiques d’accéder au pouvoir ou de faire pression sur celui-ci ». Enfin, le salafisme « révolutionnaire » prône le djihad armé. (source: journal Suisse La Croix)
WAHHABISME : Courant rigoriste et puritain de l’islam sunnite salafiste, probablement le plus contraignant, le plus extrême de tous, fondé par Mohamed ibn Abd al-Wahhab (1703-1792). L’Arabie saoudite est wahhabite. Le wahhabisme n’a pas bonne presse dans le monde musulman, certains le considère comme sectaire. Mais grâce à ses pétro-dollars, l’Arabie saoudite finance l’exportation de sa version de l’Islam en finançant mosquées, écoles et manuels scolaires partout dans le monde, y compris au Québec.
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