Liberté de presse – Victoire des médias en Cour suprême
Les journalistes canadiens pourront désormais profiter d’une meilleure protection contre des poursuites en diffamation.
Radio-Canada information, publié le 23 décembre 2009
Le plus haut tribunal du pays détermine que les médias peuvent être protégés contre des poursuites en diffamation s’ils démontrent qu’ils ont tout fait pour prouver une nouvelle d’intérêt public, et ce, même si des aspects de la nouvelle sont faux.
Les journalistes canadiens pourront désormais profiter d’une meilleure protection contre des poursuites en diffamation. C’est ce qui ressort d’un jugement unanime de la Cour suprême du Canada rendu public mardi. Le plus haut tribunal du pays statue en somme que les médias, y compris les blogues, peuvent être protégés contre de telles poursuites, même si certains faits publiés sont faux, en présentant une défense de «communication responsable».
Cela ne leur accorde pas un chèque en blanc pour autant. Pour pouvoir obtenir gain de cause, les médias poursuivis devront démontrer d’une part qu’une nouvelle est d’intérêt public, et d’autre part qu’ils ont agi de façon responsable en mettant tout en oeuvre pour prouver qu’elle était rigoureusement exacte.
Les facteurs à prendre en compte pour déterminer si un diffuseur s’est efforcé avec diligence de vérifier les allégations
– La gravité de l’allégation;
– l’importance de la question pour le public;
– l’urgence de la question;
– la nature et la fiabilité des sources;
– la question de savoir si l’on a demandé et rapporté fidèlement la version des faits du demandeur;
– la question de savoir si l’inclusion de l’énoncé diffamatoire était justifiable;
– la question de savoir si l’intérêt public de l’énoncé diffamatoire réside dans l’existence même de l’énoncé, et non dans sa véracité («relation de propos»);
– toute autre considération pertinente.
La défense de communication responsable existe déjà aux États-Unis et dans plusieurs pays du Commonwealth, dont le Royaume-Uni, l’Inde, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud et la Jamaïque.
(…)
Nouvelle approche pour les avocats
(…) Il ne suffira plus, (…), de prouver que l’article était faux, comme c’était le cas jusqu’ici.
«Maintenant, quand un client va se présenter dans le bureau d’un avocat, il faudra regarder ce que le ou la journaliste a fait. On regarde l’article, on regarde le ton, on regarde les faits, on regarde ce que le journaliste a fait pour agir de façon responsable avant de publier. Donc le focus , au lieu d’être l’article lui-même, et si les propos sont vrais, va être: est-ce que le ou la journaliste a agi de façon responsable», explique-t-il.
Une avocate de la Société Radio-Canada, Edith Cody-Rice, soutient également que le jugement de la Cour suprême est «très fort», parce qu’il rétablit l’équilibre entre le principe de la liberté de presse et celui de la protection de la réputation des citoyens.
Jusqu’à aujourd’hui, explique-t-elle, «même si vous aviez quelque chose d’intérêt à dire, vous ne pouviez pas le dire si vous n’étiez pas absolument certain que tout était vrai et prouvable à la cour ou que vous aviez un certain privilège. Maintenant, la cour dit que si vous faites votre devoir responsablement, même si chaque élément n’est pas vrai, peut-être, la liberté d’expression exige que vous puissiez vous exprimer, écrire ou parler sur ce sujet-là».
Radio-Canada.ca avec Toronto Star et Ottawa Citizen