Il faut retirer aux commissions des droits de la personne au Canada leur juridiction en matière de liberté d’expression. Elles ne doivent pas se transformer en bureaux de la censure.
Nous traduisons des extraits d’un article du chroniqueur Andrew Coyne publié dans le magazine Macleans [[Got a complaint? Call 1-800-Human-Rights, par Andre Coyne, le 5 décembre 2007
http://www.macleans.ca/article.jsp?content=20071205_112340_5592&page=2 ]] sous le titre « Vous voulez vous plaindre? Appelez le 1-800 – Commission des droits de la personne. »
«Je dois d’abord divulguer mon intérêt. En 2002, j’ai été nommé dans le « Cinquième rapport annuel du Congrès islamique du Canada (CIC) sur l’anti-islam dans les media ». Sous le titre « Comment le National Post met en danger le bien-être des musulmans canadiens », le CIC réfère à ma chronique du 29 octobre 2001. Je reproduis au complet le passage jugé offensant. Avis aux coeurs sensibles :»
« … le backlash massif contre les musulmans innocents ne s’est pas matérialisé… »
C’était la seule référence aux musulmans dans tout l’article. Nier, même au passage, que les musulmans soient opprimés serait apparemment « mettre en danger leur bien-être ». C’est pour cette sensibilité exquise que le CIC est connu dans toutes les salles de presse à travers le pays. Les reporters et chroniqueurs se sont habitués d’être accusés par le CIC d’avoir un préjugé anti-musulman pour des motifs encore plus farfelus que ceux qu’on a retenu contre moi. Et pas seulement les reporters. Le porte-parole réputé d’une organisation musulmane rivale, le Muslim Canadian Congress, a démissionné de son poste l’année dernière après que le président du CIC, Mohamed Elmasry, l’ait accusé publiquement de « dénigrer l’islam » – une accusation d’apostasie quil’a amené à craindre pour sa sécurité [a]
Pour la plupart d’entre nous, cependant, le CIC ne semblait rien de plus qu’une nuisance. Ils ne parlent pas pour l’islam, et ils n’ont pas le dernier mot sur le sujet. Ils ont droit à leur opinion, bien sûr, mais il en est de même pour ceux avec lesquels ils sont en désaccord. Du moins jusqu’à récemment. Depuis peu, le CIC a trouvé un nouveau partenaire dans sa
campagne : l’État. Non content de véhiculer partout des charges incendiaires de partialité religieuse, le CIC a enrôlé le pouvoir de la loi au service de sa cause. De plus, il le fait non pas à travers les moyens légaux traditionnels par lesquels la liberté d’expression peut être limitée, ni avec les exigences juridiques normales d’équité procédurale, mais à travers un mécanisme nouveau : la commission des droits de la personne. Le CIC a déposé une plainte devant trois commissions, alléguant que la publication d’extraits du livre de Mark Steyn « exposait les musulmans à la haine et à l’islamophobie ».
Il y a un précédent. Il y a deux ans, le président d’une autre organisation musulmane, le Islamic Supreme Council of Canada, a déposé une plainte similaire contre le magazine Western Standard devant la Commission des droits de la personne et de la citoyenneté de l’Alberta après que le magazine ait publié les fameuses caricatures danoises, une collection de satires modérés sur l’extrémisme islamique qui a offensé certains musulmans, mais en aucun cas la totalité d’entre eux. La Commission entamera l’audition de la plainte le mois prochain.
Que le CIC et les autres membres agréés de l’Association des Offensés Perpétuels cherchent à exprimer leur révulsion par de tels moyens n’est pas surprenant. Il y a un bon nombre d’individus dans ce pays qui semblent n’avoir aucune idée de ce que signifie la liberté d’expression, ou des raisons pour lesquelles elle a été inventée. Ce qui est ahurissant c’est que plusieurs d’entre eux sont à l’emploi de commissions des droits de la personne. Non : j’aimerais mieux être ahuri. Ce qui est vraiment ahurissant, c’est qu’on ait accordé une telle juridiction à une commission des droits de la personne.
Comme l’a dit Alan Borovoy, conseiller juridique du Canadian Civil Lilberties Association, « durant les années où mes collègues et moi avons travaillé à créer ces commissions, nous n’avons jamais imaginé qu’elles pourraient ultimement être utilisées à l’encontre de la liberté d’expression. » Agir en bureau de la censure, écrit-il, était « un rôle que nous n’aurions jamais imaginé pour des commissions des droits de la personne. »
Amen. Pourtant, les commissions ont été autorisées à s’aventurer au-delà de leur mandat original qui était de prévenir la discrimination dans l’emploi et l’accès au logement, vers l’univers nébuleux de l’expression. Elles ont réussi, en grande partie parce que leurs cibles originales étaient tellement odieuses, des individus marginaux qui gribouillaient des lettres aux journaux ou laissaient des messages haineux sur des répondeurs téléphoniques. Qui veut se porter à la défense de racistes et d’homophobes? Enhardies, les commissions s’en prennent maintenant à des organisations majeures dans le domaine des média – Macleans, pour l’amour du ciel!
Plutôt que de repousser la plainte du CIC du revers de la main, nous voilà traînés de force dans le circuit non pas d’une mais de deux commissions des droits – l’Ontario pourrait encore les joindre – qui acceptent de déclencher des enquêtes. Si le CIC s’était prévalu des lois pénales sur le discours haineux – quand même une grossière exagération – ils auraient au moins eu le fardeau de persuader un procureur de la couronne de porter plainte, puis de prouver leurs accusations hors de tout doute raisonnable. Mais dans le présent cas, ils peuvent mobiliser le magazine et ses avocats devant une commission ou l’autre pendant des mois. Le frisson que cette stratégie devrait susciter à travers les salles de nouvelles du pays est évident.
Je ne me propose pas d’analyser le mérite de la plainte. Je me contenterai de dire qu’à mon avis, elle est sans fondement. Le point important c’est que je ne devrais pas avoir à le faire. Macleans non plus. Il n’y a qu’une seule issue appropriée à cette affaire. Non seulement la plainte du CIC devrait-elle être rejetée, mais les pouvoirs des commissions des droits de la personne d’entendre de telles causes devraient être retirés. Elles n’ont pas d’affaires à se mêler de liberté d’expression.
Voir aussi les articles suivants :
Quand les musulmans sont leur pire ennemi – Congrès islamique du Canada contre Macleans
- Fearing for safety, Muslim official quits, par Sonya Fatah, publié dans le Globe and Mail le 3 août 2006.