Dans un récent discours à Detroit, Tariq Ramadan s’est attardé à expliquer à ses partisans comment changer les perceptions du public occidental face à l’islam et il a défini le jihad comme «la façon par laquelle nous faisons appliquer la charia».
Le 18 mars 2013, Tariq Ramadan a prononcé un discours devant ses partisans à l’Islamic Association of Greater Detroit. La vidéo de l’événement est disponible sur Youtube. Lors de la soirée, Ramadan a notamment défini le jihad comme étant «la façon par laquelle nous faisons appliquer la charia» (“Jihad is the way we implement sharia”). Les remarques préliminaires menant à cet énoncé commencent à 0:50:00.
Dans une autre portion de son discours, Tariq Ramadan s’est attardé à l’image que les musulmans projettent dans les médias américains et européens. C’est dans cette portion qu’il a relayé le commentaire de son épouse qui n’en peut plus (“she cannot just bear it”) d’entendre des musulmans manifester en criant à tue-tête Allah akbar (Allah est le plus grand). L’extrait commence à 1:46:45.
La transcription de deux extraits du discours de Detroit est disponible sur Point de Bascule.
Tariq Ramadan : «Le jihad est la façon par laquelle nous faisons appliquer la charia»
Les individus et organisations associés aux Frères Musulmans en Occident sont engagés dans une entreprise de désinformation à grande échelle visant à présenter une version adoucie du jihad. Les islamistes avec Tariq Ramadan à leur tête tentent de nous faire croire que le jihad est essentiellement un combat de nature personnelle mené par les musulmans pour s’améliorer. Quand ils admettent la nature militaire du jihad, c’est pour le présenter comme un jihad exclusivement défensif.
La doctrine dont se réclame Tariq Ramadan l’autorise à donner une fausse impression, à exagérer et même à mentir quand c’est utile pour faire avancer l’application de la charia. L’endossement du mensonge et de la dissimulation se retrouve notamment aux sections r8.0 – r10.3 du manuel de charia Umdat al-Salik (Reliance of the Traveller). Ramadan a endossé ce manuel de charia dans son livre Radical Reform.
L’explication du jihad que Tariq Ramadan encourage ses partisans à véhiculer dans les médias occidentaux vise à neutraliser notre capacité d’analyser l’offensive islamiste en cours à travers le monde.
Dans son livre On Jihad, Hassan al-Banna, le fondateur des Frères Musulmans, fournit plusieurs définitions du jihad aux antipodes de celle d’un jihad défensif que Tariq Ramadan cherche à faire colporter par ses partisans auprès des médias occidentaux :
Hassan al-Banna (On Jihad) : Dans son sens littéral, le jihad c’est l’exercice du plus grand effort qui soit en paroles et en actions; dans la loi sacrée (charia), cela signifie exécuter les infidèles et mener des activités apparentées comme celles de les battre, de piller leurs richesses, de détruire leurs lieux de culte et de fracasser leurs idoles.
(…) Il est obligatoire pour nous (musulmans) de se battre contre eux (les infidèles) après leur avoir transmis l’invitation (d’adhérer à l’islam) et ce, même s’ils ne se battent pas contre nous.
Dans une interview publiée en 2002, Ramadan s’est reconnu une filiation non seulement biologique mais intellectuelle avec son grand-père Hassan al-Banna.
À partir du moment où les autorités occidentales acceptent que le jihad (et la doctrine islamique en général) n’a rien à voir avec toutes les tentatives des islamistes (violentes ou pas) d’imposer leurs idéaux, il leur devient impossible de comprendre le phénomène auquel nous sommes confrontés, de détecter des tendances et de faire des rapprochements.
Les plus anciennes règles dans l’art de la guerre invitent à connaître son ennemi. En acceptant les règles de combat que cherchent à imposer les islamistes, la majorité des autorités occidentales, avec l’administration Obama en tête, n’en sont même pas encore rendues à l’étape d’admettre qu’il y a un ennemi.
Point de Bascule (5 mai 2010) : Le jihad de Tariq Ramadan expliqué par ses savants musulmans
Changer les perceptions du public occidental face à l’islam
Une autre portion du discours de Tariq Ramadan à Detroit est consacrée à ce que ses supporteurs doivent faire pour que leur message passe mieux auprès des Occidentaux. Parmi ses recommandations, Ramadan suggère que davantage de musulmans aillent travailler dans les médias et les universités, «non pas pour infiltrer», déclare-t-il, mais pour «façonner les perceptions» (“to shape the perceptions”). Cette portion du discours commence à 1:41:00.
En cela, Tariq Ramadan reprend une recommandation vieille de plus de vingt ans faite par son mentor Youssef Qaradawi à un auditoire d’islamistes réunis en Algérie en 1990. À l’époque, le guide spirituel des Frères Musulmans avait incité ses partisans à recourir au jihad idéologique en Occident, notamment parce que le rapport de forces n’était pas favorable aux musulmans pour lancer un jihad offensif militaire. En 1990, Qaradawi justifia cependant le recours immédiat au jihad armé pour d’autres régions du monde (Palestine, Philippines, Afghanistan, Éthiopie, Thaïlande, etc.)
Extrait de la section Un débat dont nous n’avons pas besoin aujourd’hui (A debate that we do not need today) du livre Priorities of the Islamic movement in the coming phase qui reprend le discours livré par Youssef Qaradawi en Algérie en 1990
Nous (les musulmans) sommes dépendants des autres pour notre force militaire. Ceux contre qui nous voulons lancer notre jihad offensif sont les mêmes qui fabriquent toutes sortes d’armements et nous les vendent. Si ce n’était d’eux, nous serions désarmés, sans défense et incapables de faire quoi que ce soit!
Dans les circonstances, comment pouvons-nous parler de lancer des offensives (militaires) pour soumettre le monde entier à notre Message quand les seules armes que nous pouvons rassembler sont celles qu’ils nous donnent et quand les seules armes que nous pouvons transporter sont celles qu’ils acceptent de nous vendre?
Notez l’expression jihad offensif utilisée par Qaradawi. Dans la même section de son livre, Qaradawi présente Syed Maududi (1903-1979) et Sayyid Qutb (1906-1966) comme des théoriciens du jihad offensif.
Ces considérations de Qaradawi sur le jihad offensif prouvent que Tariq Ramadan tentent de berner les observateurs en affirmant que le concept même de jihad offensif est étranger à sa doctrine.
Cela est d’autant plus vrai que Ramadan endosse le leadership intellectuel de Qaradawi et que ce dernier lui accorde une pleine reconnaissance. Dans son livre Radical Reform, Ramadan présente Qaradawi comme «un des exégètes de l’islam les plus importants» à s’être prononcé sur la question des attitudes et des comportements que les musulmans doivent adopter lorsqu’ils vivent en Occident.
De son côté, Youssef Qaradawi a donné son imprimatur à Tariq Ramadan depuis longtemps. En 2002, Qaradawi lui demanda de préfacer un de ses recueils de fatwas publié en français.
En janvier 2012, Youssef Qaradawi s’est déplacé pour participer à l’inauguration d’un centre de recherche sur la charia dirigé par Tariq Ramadan au Qatar. Les deux hommes figurent sur une photo prise lors de l’événement qui est reproduite au début d’un autre article de Point de Bascule.
Dans la section Les qualifications des spécialistes (The qualifications of specialists) de son discours de 1990, Qaradawi s’attarde à l’importance des médias de masse. Il déclare que si les Frères Musulmans et leurs alliés veulent islamiser ce secteur (c’est son expression), ils doivent compter sur plus de journalistes et plus d’experts en sciences humaines acquis à leurs idées.
En 2004, un leader des Frères Musulmans à Montréal, Salam Elmenyawi, a évoqué une fatwa de Youssef Qaradawi selon laquelle l’argent de la zakat (charité musulmane) pouvait être versé pour appuyer le jihad idéologique dans les médias.
Seuls des musulmans peuvent recevoir la zakat. Le manuel de charia Umdat al-Salik (Reliance of the traveller), endossé par l’International Institute of Islamic Thought (IIIT) associé aux Frères Musulmans et par Tariq Ramadan, énumère huit catégories de bénéficiaires :
Catégorie 1 : h8.8 – les pauvres
Catégorie 2 : h8.11 – ceux qui sont à court d’argent
Catégorie 3 : h8.13 – les collecteurs de zakat
Catégorie 4 : h8.14 – les musulmans dont l’adhésion à l’islam est faible, en particulier les récents convertis
Catégorie 5 : h8.15 – les esclaves musulmans qui ont besoin d’aide pour acheter leur liberté
Catégorie 6 : h8.16 – ceux qui ont des dettes
Catégorie 7 : h8.17 – les musulmans engagés dans des opérations militaires au nom d’Allah
Catégorie 8 : h8.18 – les voyageurs en manque d’argent
En justifiant l’utilisation de la zakat pour financer les musulmans qui travaillent dans les médias à promouvoir la cause de l’islam, Qaradawi a adapté la septième catégorie de bénéficiaires à la réalité occidentale contemporaine. Cela démontre une fois de plus comment sont indissociables le jihad militaire et le jihad idéologique.
Iman Ramadan considère que l’agressivité qui se dégage souvent des manifestations musulmanes nuit à la cause des islamistes en Occident
Lors de son discours à Detroit, Tariq Ramadan invita ses partisans à être particulièrement attentifs à l’image qu’ils dégagent auprès des médias et des non-musulmans lorsqu’ils participent à des manifestations publiques. À 1:46:45 de la vidéo, il leur dit que les non-musulmans qui voient des manifestants crier Allah akbar (Allah est le plus grand) sont rebutés et interprètent ce cri comme un appel à les tuer.
C’est dans ce contexte que Ramadan a évoqué son épouse, qu’il a présentée comme une convertie à l’islam qui n’en peut plus (“she cannot just bear it”) d’entendre des musulmans manifester en criant à tue-tête Allah akbar. Tariq Ramadan fait valoir à ses partisans que l’agressivité qui se dégage de ces cris nuit à leur cause. Les musulmans qui manifestent ne devraient pas le faire pour s’exhiber sur la place publique mais pour passer un message, déclare Ramadan.
Les allusions de Tariq Ramadan à son épouse sont rares et, de son côté, elle se manifeste rarement en public. Elle a accordé une interview en 2003 à L’Express de l’Île Maurice.
Iman Ramadan y présentait le port du voile dans l’islam comme un choix personnel tout en passant sous silence les mesures coercitives prises par des autorités islamistes appuyées par son mari pour l’imposer.
Le site danois sappho.dk affirme que celle qui allait devenir l’épouse de Tariq Ramadan est la soeur d’un de ses coéquipiers de football (soccer) de l’époque. Iman Ramadan était connue sous le nom d’Isabelle à ce moment-là. Elle s’est convertie après deux ans de mariage.
Alors qu’il écrivait son livre La vérité sur Tariq Ramadan (p. 160), Ian Hamel raconte qu’il a contacté Iman Ramadan à deux reprises au téléphone en 2005 pour lui demander si elle accepterait de répondre à une douzaine de questions. Après qu’elle ait accepté, Hamel lui demanda comment sa famille et ses amis avaient réagi à sa conversion, si son mari la consultait avant de prendre des décisions importantes, etc. Le 7 février 2005, Iman Ramadan se ravisa et lui communiqua son refus par courriel : «Je ne pense pas que ce soit le bon moment et je ne sais même pas si ce le sera un jour»…
Référence supplémentaire
Point de Bascule : Fiche Tariq Ramadan