Le Monde (13 octobre 2012) : Francophonie : l’entrée du Qatar comme membre associé fait polémique
La Francophonie s’est élargie, samedi 13 octobre à Kinshasa, en accordant à l’Arménie le statut de membre à part entière de l’organisation, celui d’observateur à l’Uruguay et en faisant entrer le Qatar directement comme membre associé, ce qui a fait polémique, a-t-on appris de sources concordantes. L’OIF compte désormais 57 membres – dont 3 associés – et 20 observateurs.
Ces décisions, prises lors du 14e sommet de l’organisation qui se tient samedi et dimanche à Kinshasa, n’ont pas fait l’objet d’annonces publiques. “L’Arménie est passée du statut de membre associé à membre à part entière”, a indiqué une source au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), selon laquelle “l’Uruguay qui avait demandé à devenir observateur l’est devenu”.
Une influence en Afrique de l’Ouest
Quant au Qatar, il est entré directement dans l’organisation en tant qu’“Etat associé” sans passer par la “case observateur”, comme c’est habituellement la règle, a expliqué cette source. Cette entrée du Qatar a fait grincer des dents, selon une source proche du ministère français de la Francophonie.
La polémique portait principalement sur la légitimité du Qatar, qui n’est pas francophone, à entrer dans l’OIF. Certains participants se sont aussi inquiétés de l’ambition de ce pays de développer davantage son influence en Afrique de l’Ouest musulmane et notamment de sa propension à financer des écoles religieuses prenant parfois la place d’écoles en langue française.
“Un lobbying terriblement efficace”
Selon la même source, “il y a eu des négociations très serrées sur le Qatar. Mais les Qataris ont fait un lobbying terriblement efficace auprès de différents pays, notamment africains”. Le Qatar aurait ainsi obtenu le soutien de Djibouti et de la Guinée, pour favoriser son entrée au sein de l’OIF. Le pays faisait notamment valoir qu’il accueillait de nombreux expatriés francophones et qu’une radio publique de langue française avait été financée au Qatar, selon une source informée des négociations.
Ces nouvelles adhésions pourraient réveiller le débat, récurrent, sur l’élargissement constant de l’organisation. Certains commentateurs reprochent en effet à l’OIF de perdre sa spécificité, au fur et à mesure qu’elle grossit en intégrant des pays qui ne sont pas considérés comme francophones.
Références supplémentaires
Slate.fr (6 juin 2011) : Comment le Qatar a acheté la France (et s’est payé sa classe politique)
The Guardian (6 décembre 2010): WikiLeaks cables claim al-Jazeera changed coverage to suit Qatari foreign policy
Point de Bascule (18 janvier 2012) : Tariq Ramadan dirigera un nouveau centre de recherche sur la charia financé par le Qatar et endossé par Youssef Qaradawi
Université McGill (26 mars 2012) : L’Institut d’études islamiques de McGill reçoit un don de 1,25 M $ de l’État du Qatar
Point de Bascule (29 mars 2012) : La France interdit l’entrée sur son territoire des leaders des Frères Musulmans invités par la MAC au Canada dans le passé
GMBDR (15 octobre 2012) : Qu’est-ce qui guide la politique étrangère du Qatar? (What’s Driving Qatar’s Foreign Policy?)