Le mariage temporaire est une institution inconnue dans les pays occidentaux. Chez les musulmans chiites, ce type de mariage, appelé « mariage de plaisir », a une longue tradition. Les musulmans sunnites ont toujours rejeté cette forme de mariage. Depuis une dizaine d’années cependant, le phénomène des mariages temporaires « sans obligations », appelés mariages misyar, s’est répandu chez les sunnites, surtout en Arabie saoudite et dans les autres pays du Golfe.
Ces mariages offrent une couverture religieuse à la prostitution (évitant sans doute la mort par lapidation ou flagellation…). Ils offrent aussi une réponse religieusement sanctionnée aux besoins sexuels des jeunes musulmans, y compris ceux qui vivent en occident. Comme pour les mariages arrangés frauduleux, ils peuvent aussi servir à obtenir des visas d’entrée dans un pays occidental ou pour le trafic des femmes et des enfants. Ils alimentent également le tourisme sexuel arabe et d’autres formes de trafic de personnes dans des pays comme l’Inde et l’Indonésie [[Arabian Sex Tourism : http://www.danielpipes.org/article/3022.
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Nous présentons ici une version abrégée d’un texte d’Aluma Dankovitz qui explique la différence entre les institutions sunnites et chiites du mariage temporaire . La traduction de la version intégrale du texte est accessible ici (En bas de l’article)
Introduction
Dans le mariage misyar (misyar signifie « visite »), l’épouse renonce à certains droits que lui accorde l’islam, comme le droit au domicile conjugal et au soutien financier de son mari. Si le mari a d’autres épouses, la femme renonce à une part équitable du temps et de l’attention de son mari. Dans les pires cas, le mariage est secret. Il n’est pas divulgué à l’autre épouse même si un contrat de mariage est signé en présence de témoins et enregistré devant un juge et que le consentement du « gardien » de la femme est obtenu. Il y a une forte demande pour les mariages misyar via Internet et divers services de messagerie électronique.
Dans une fatwa du 10 avril 2006, l’Institut du droit islamique de La Mecque (école sunnite) a formellement autorisé le mariage où « la femme renonce au domicile conjugal, au soutien financier de son mari et à sa part de vie commune avec lui et consent à ce que son mari lui rende visite à son gré, jour et nuit. »
La fatwa autorise aussi les « mariages d’amitié » où la femme continue d’habiter chez ses parents. Les époux peuvent s’y rencontrer ou encore se fréquenter ailleurs à leur gré, puisqu’ils ne font pas vie commune. Ces mariages visent principalement à répondre aux besoins des jeunes musulmans établis en Occident qui sont influencés par les rapports entre garçons et filles dans leur entourage et qui souhaitent donner une légitimité religieuse à leur relation.
Ceux qui se portent à la défense du mariage misyar disent que cette institution répond principalement aux besoins des femmes qui ont peu de chances de contracter un mariage « ordinaire », à savoir les femmes ayant dépassé l’âge normal du mariage, les veuves et les divorcées [a] . Les détracteurs de cette forme de mariage – y compris la grande majorité des femmes – y voient plutôt une forme d’exploitation de la situation sociale précaire des femmes non mariées dans la société arabe. On reproche aussi à ces mariages d’être conçus dans le seul but de satisfaire la concupiscence des hommes, sans aucune considération pour les besoins des femmes et des enfants issus de ces mariages.
Au cours de l’histoire, l’institution du « mariage de plaisir » a constitué une pomme de discorde entre l’islam sunnite et l’islam chiite – les sunnites y voyant une forme déguisée de fornication. Les théologiens sunnites rejettent toute comparaison entre le mariage misyar et le mariage de plaisir, mettant l’emphase sur l’aspect formaliste du mariage misyar qui est officialisé conformément aux prescriptions religieuses, tout en omettant de tenir compte de l’essence même de ce type de mariage, et du fait qu’il n’est pas contracté dans le but de former une famille.
Les auteurs de la fatwa d’avril 2006 de l’Institut du droit islamique interdisent cependant les mariages où le mari déclare que le mariage sera nul si l’épouse tombe enceinte. L’Institut clarifie que « ces mariages sont déficients puisqu’ils comportent un élément de plaisir et que la fixation d’une date d’expiration déterminée ou inconnue d’avance, comme par exemple après un mois ou à la naissance d’un enfant, les assimile au mariage de plaisir qui est formellement interdit ».
Un autre type de mariage interdit par l’Institut dans sa fatwa est le « mariage contracté avec l’intention de divorcer » – à savoir un mariage « où le mari dissimule à la femme son intention de divorcer au terme d’une période donnée, par exemple 10 jours, ou à une date encore inconnue, comme la date de fin de ses études ou lorsqu’il aura atteint l’objectif qu’il s’était fixé lorsqu’il a rencontré la femme ».
Quoique certains théologiens autorisent ce type de mariage (le mariage avec intention de divorcer), la fatwa clarifie que « l’Institut de droit islamique l’interdit parce qu’il comporte des éléments de fraude et de fausses représentations et que si la femme et son gardien légal en avaient été informés, ils n’auraient probablement pas consenti au mariage ».
L’étendue et les caractéristiques du phénomène des mariages temporaires
La diffusion des technologies modernes de communication a permis la croissance du nombre des mariages misyar. Les agences matrimoniales sont aussi très sollicitées. La plupart de ces mariages se terminent par un divorce.
Une grande agence saoudienne a dit au quotidien londonien Al-Sharq Al Awsat que depuis la publication de la fatwa autorisant les mariages misyar, elle reçoit de 15 à 20 demandes par jour d’hommes aux âges variés, depuis le jeune homme de moins de 20 ans ouvert aux femmes de plus de 40 ans jusqu’aux hommes de 70 ans et plus. Selon cette agence, les jeunes hommes qui épousent des femmes dans la quarantaine ou la cinquantaine restent avec elles jusqu’à la fin de leurs études. Le mariage n’est pas dévoilé aux parents du jeune homme. Une fois ses études universitaires complétées, le jeune homme épouse une femme choisie par sa famille. La moitié des demandes de mariage misyar proviennent de jeunes hommes dans la vingtaine.
Yusuf Qaradawi : « La femme peut renoncer à certains de ses droits si elle le désire »
Comme plusieurs savants musulmans, le célèbre théologien Qaradawi soutient que les mariages misyar sont permis, même s’ils ne sont pas une forme idéale de mariage. Il a fait les déclarations suivantes lors de son émission hebdomadaire sur Al-Jazeera: « Le mariage misyar répond aux besoins de certaines femmes. La femme qu’Allah a pourvue d’argent mais à qui il n’a pas donné l’occasion de se marier à un âge raisonnable peut y consentir… Ces mariages rencontrent toutes les conditions de validité prescrites par l’islam… Peut-être que la société ne les accepte pas, mais il y a une différence entre le mariage qui n’est pas socialement accepté et celui qui est conforme aux prescriptions du droit islamique. Il y a des mariages permis par le droit islamique qui ne sont pas socialement acceptés, comme lorsqu’une femme épouse son serviteur ou son chauffeur, ou qu’une jeune femme épouse un homme âgé ou qu’un jeune homme épouse une femme âgée ».
Quant au caractère secret du mariage misyar, Qaradawi dit ceci : « En Arabie saoudite, les mariages sont enregistrés et officialisés par un juge. Il en va de même dans les Émirats arabes unis. Le mariage n’est donc pas nécessairement clandestin. De plus, dans les pays du Golfe, les femmes ont un gardien légal. Où est le secret lorsqu’on a des témoins et un gardien? »
« De mon point de vue, les témoins sont une condition minimale à la légalité du mariage. Certaines personnes ne veulent pas publiciser leur mariage pour diverses raisons… Je connais plusieurs théologiens très seniors qui ont contracté des mariages misyar et qui ont visité leur nouvelle épouse sans que jamais leur autre épouse et leurs enfants n’aient été mis au courant avant leur mort… »
« Les attaques des media ont fait de la polygamie un crime grave. L’épouse pense que si son mari prend une autre femme, cela signera son arrêt de mort. Pourquoi alors la mettre au courant? Le mari ne veut pas la faire mourir, et il se marie en secret pour la protéger puisqu’elle s’y objecterait et pourrait s’effondrer… Dans une telle situation, rien n’empêche le mari de se marier sans le révéler à sa femme… »
En réponse à la question « est-ce que ces mariages n’ouvrent pas la porte à l’extorsion si un homme pauvre épouse une femme riche? », Qaradawi répond ce qui suit: « L’extorsion peut arriver aussi dans un mariage ordinaire. J’ai reçu des lettres et des appels téléphoniques de femmes qui travaillent et dont le mari empoche le salaire. Les maris les empêchent même d’ouvrir un compte de banque à leur nom et d’aider leur famille. Dans un mariage misyar, la femme renonce de son plein gré à certains de ses avoirs propres au profit de son mari. Ce n’est pas de l’extorsion ».
« La femme a le droit de renoncer à certains de ses droits si c’est sa volonté… Dans la biographie de Mahomet, on relate que lorsque Zama, l’épouse de Mahomet après Khadija, est devenue âgée… elle a renoncé à « sa » journée avec Mahomet au profit d’Aicha, sa jeune épouse bien-aimée ».
Sur la question des enfants et de la vie familiale dans un mariage misyar, Qaradawi précise que « rien n’interdit qu’il y ait des enfants dans un mariage misyar… N’y a-t-il pas des maris qui voyagent continuellement et qui laissent leurs enfants à leur épouse? Il y a aussi des maris qui sont à la maison mais qui voient à peine leurs enfants. Le mari rentre au milieu de la nuit lorsque les enfants sont endormis, et il dort encore lorsque les enfants partent pour l’école le matin. Il se lève durant l’après-midi. Il ne voit jamais ses enfants. Cela arrive. Est-ce que ça rend pour autant le mariage invalide? »
Traduction et rédaction par Annie Lessard
- Le phénomène des femmes célibataires ayant dépassé l’âge du mariage est extrêmement répandu dans les sociétés arabes. Les causes sont multiples : opposition du « gardien » de la femme à son mariage en raison de coutumes tribales ou de considérations liées au rang social, à la race, etc.; demandes exagérées quant à la dote; refus de laisser la femme épouser celui qu’elle aime, pour la punir, etc. Le taux de divorce est aussi très élevé.