C’est ce qu’affichait jusqu’à récemment le site internet du Centre communautaire musulman de Montréal (CCMM). Le site informait les musulmanes non voilées des autres risques liés à leur condition : viol, divorce, adultère, enfants illégitimes, foi détruite, incitation à l’indécence, stress, suspicion chez le conjoint et rupture d’harmonie familiale. En revanche, celles qui adoptent le hijab sont d’abord vues comme des êtres humains au lieu d’un objet sexuel. On ajoute de plus que la femme occidentale est une « prostituée non payée »
Nous présentons une revue de presse autour de ce sujet :
Tarek Fatah et Farzana Hassan
– La mort tragique d’Aqsa Parvez – La face meurtrière de l’extrémisme islamique
Dans une chronique publiée au lendemain de la mort tragique de la jeune Aqsa Parvez – présumément étranglée par son père parce qu’elle refusait de porter le hijab – Tarek Fatah et Farzana Hassan du Canadian Muslim Congress
dénonçaient les mosquées qui affichent de tels messages. « Les musulmans ont besoin de s’élever contre ce type de chantage affectif et religieux par des imams qui propagent les programmes de l’Arabie saoudite et de l’Iran au Canada. La jeune Aqsa Parvez ne reviendra pas à la vie. Mais nous pouvons au moins, à sa mémoire, lancer un défi à ceux dont le message conduit à la rage et à la folie. »
Rima Elkouri
– Du voile et du viol [a]
Rima Elkouri du quotidien La Presse nous apprend que l’une des mosquées qui affichait ce message est le Centre communautaire musulman de Montréal. Mme Elkouri dénonce vigoureusement ce qu’elle qualifie de propos « offensants », « sexistes » et « abjects ».
« La liberté religieuse est une chose. La propagation de propos offensants et sexistes sous couvert de religion en est une autre. Il est tout à fait scandaleux qu’ici même à Montréal, en 2007, on intimide des femmes et des filles avec des idées aussi abjectes que fausses, drapées dans la vertu. Inacceptable qu’on leur fasse croire que ce crime qu’est le viol ait quoi que ce soit à voir avec leur tenue vestimentaire. Car sous couvert de prescription religieuse, on banalise ici un crime grave, on laisse entendre de façon éhontée que la femme violée est responsable de son sort et qu’elle aurait pu éviter tout ça en s’habillant convenablement. Des animateurs de radio ont déjà perdu leur job pour avoir débité pareilles âneries. »
Rima Elkouri rappelle que le CCMM avait fait les manchettes lorsque son équipe féminine de taekwondo avait préféré quitter un tournoi plutôt que d’enlever le voile, et s’interroge sur les raisons ayant motivé le CCM à afficher sur son site les conseils « dégradants » sur les risques liés au voile:
« Pourquoi un tel avertissement figurait-il sur le site du Centre communautaire musulman de Montréal (CCMM), celui-là même qui avait fait les manchettes lorsque son équipe féminine de taekwondo avait préféré quitter un tournoi plutôt que d’enlever le voile, celui-là même qui plaidait que les filles portaient le voile par choix? »
« May Haydar, membre du CCMM, me dit qu’elle ne sait pas d’où viennent ces mises en garde. Elle me dit que, de toute façon, elles ont été retirées du site et qu’elle ne tient pas à les défendre. «Ça n’a pas été publié au nom du centre», dit-elle. «Ce n’est pas par la peur que l’on convainc des filles de porter le voile», ajoute-t-elle. D’après elle, les filles ne subiraient aucune pression. Mais pourquoi alors avoir endossé ce genre de menaces en les mettant sur le site Internet du CCMM, qui n’a rien d’un forum ou d’un blogue où n’importe qui pourrait écrire n’importe quoi? »
Mme Elkouri conclut son article en nous invitant à un devoir à la mémoire de Aqsa Parvez, cette jeune femme assassinée pour avoir refusé de porter le hijab : celui de ne pas se taire devant tout discours fondamentaliste qui, sous couvert de pureté et de piété, piétine la liberté et la dignité des femmes.
Mario Girard
–Conseils tendancieux aux jeunes musulmanes de Montréal [b]
Mario Girard du quotidien La Presse rapporte les propos suivants échangés avec May Haydar (membre du CCCM) autour des « conseils » destinés à encourager les jeunes musulmanes à adopter le hijab:
« Après lui avoir lu quelques-uns des arguments, nous lui avons demandé si elle trouvait qu’ils allaient trop loin. «Ces conseils prennent leur origine dans un principe qui dit qu’il faut avoir l’harmonie et la paix dans la société. C’est pour cela qu’on conseille à la jeune fille de porter le voile.»
Mario Girard rapporte aussi que La Presse a retrouvé sur d’autres sites Internet le document affiché sur le site du CCMM. Il a recueilli les commentaires de Yolande Geadah, auteure de l’ouvrage Femmes voilées, intégrismes démasqués:
« Ces arguments ne surprennent pas Yolande Geadah (…). «Le phénomène du voile est arrivé dans les pays de la même façon, explique-t-elle. On le promeut pour trois raisons: pour des motifs religieux, sociaux ou moraux. C’est souvent ces deux derniers motifs qui sont utilisés auprès des musulmans qui vivent dans des pays occidentaux.»
« Pour Yolande Geadah, ce phénomène est lié au discours du mouvement intégriste: «Il se répand aujourd’hui en dehors des pays musulmans grâce à l’Internet. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le même message se répande partout. On encourage ces gens à affirmer leur identité dans un contexte étranger généralement hostile à l’islam.»
Qui est le Centre communautaire musulman de Montréal?
Le CCMM a déposé un mémoire à la Commission Bouchard-Taylor. [c]
Voici des extraits du mémoire (que point de BASCULE a traduit):
« Les medias ont aussi contribué à propager des stéréotypes. Combien de reportages ont été diffusés sur l’oppression des femmes musulmanes dans différents coins du monde ? Et sur leur libération des chaînes de leur religion lorsqu’elles arrivent en Occident ? L’islam a été réduit au fanatisme, au fatalisme et à l’oppression des femmes. »
Le CCMM dénonce la proposition du Conseil du statut de la femme de légiférer en vue de donner préséance à l’égalité des sexes sur la liberté de religion, y voyant rien de moins qu’un rappel de l’oppression exercée par les Talibans sur les femmes aghanes :
« Toutes ses conséquences constituent une forme d’oppression de celles qu’on appelle les femmes « musulmanes opprimées ». Ceci rappelle une autre forme d’oppression, celle exercée par les Talibans sur les femmes afghanes. Leurs voix ne sont pas entendues, elles n’ont pas accès à l’espace public et sont considérées comme des femmes appartenant au foyer. »
Rafia Zakaria
– Veil and a warning [d]
Rafia Zakaria est une avocate pakistanaise. Elle a écrit un article dans Frontline – un magazine publié par le journal indien de gauche The Hindu – sur la mort tragique dans des circonstances mystérieuses, en 2005, de Samira Munir, une politicienne musulmane norvégienne d’origine pakistanaise qui militait pour l’interdiction du voile à l’école. Elle avait été l’objet de menaces et d’une campagne d’intimidation (y compris par l’ambassadeur du Pakistan à Oslo). Aucun membre de la communauté musulmane ne s’est présenté à ses funérailles. Rafia Zakaria conclut son article avec ces mots:
« Ces menaces et cette mort tragique sont des marques indélébiles dans la conscience des musulmans du monde entier. Quand les femmes musulmanes en Occident élèvent leur voix en faveur du hijab et proclament leur droit de le porter, elles doivent également reconnaître la réalité de l’oppression que subissent les femmes musulmanes qui refusent de le porter. Le fait que de nombreuses femmes musulmanes choisissent de porter le hijab comme une affirmation autonome de leur foi n’efface pas l’oppression perpétrée sur d’autres femmes dont la souffrance est tout aussi vraie même si elle reste silencieuse. »
« Les vraies causes de la mort de Samira Munir restent entourées de mystère, mais le fait qu’elle était l’objet de menaces et d’intimidation pour avoir reconnu ces deux réalités est excessivement et incontestablement clair. C’est seulement en souscrivant sans équivoque à la liberté de s’opposer au voile que les musulmanes européennes peuvent revendiquer le droit de l’appuyer. »
Crimes d’honneur – Depuis 2006 les Sikhs Canadiens prennent leurs responsabilités [e]
La communauté Sikh de Colombie-Britannique a connu un certain nombre de crimes d’honneur largement médiatisés. Après avoir rendu hommage à ces femmes, des épouses et des mères actives dans la communauté, un leader respecté de cette communauté a choisi de faire face à la musique. En 2006, il a organisé un forum auquel ont participé plus de 2 000 membres de la communauté indo-canadienne pour discuter ouvertement du problème et envisager des stratégies pour y faire face :
« Note relation personnelle à notre propre culture fait partie intégrante de notre identité indo-canadienne. Alors que la violence contre les femmes est un problème systémique dans la société canadienne, dans certaines communautés indo-canadiennes, les attitudes qui placent les femmes à risque sont endémiques. Certaines pratiques de la dot et la célébration de la naissance de garçons envoient un message aux femmes, et à certains hommes indo-canadiens, que les femmes ne sont pas considérées des égales par certains membres de notre communauté. »
« La communauté indo-canadienne a l’obligation de garantir que des refuges sont à la disposition des femmes. Des forums où nous pouvons discuter de la question de la violence sont le premier pas vers la reconnaissance de notre responsabilité de résoudre ce problème difficile et durable. »
« Comme indo-canadiens, nous devons réitérer que cette violence envers les femmes est un crime, puni par le système judiciaire, et est inacceptable dans toute culture. Nous devons faire notre part pour assurer que les femmes sont en sécurité et qu’elles sachent où trouver une aide si elles font l’expérience de la violence. »
Lire aussi:
Crimes d’honneur : une affaire de famille
Quelques vidéos pour relativiser le relativisme culturel
- [Du voile et du viol, par Rima Elkouri, cyberpresse.ca, le 17 décembre 2007->http://www.cyberpresse.ca:80/article/20071217/CPOPINIONS05/712170625/6741/C]
- [Conseils tendancieux aux jeunes musulmanes de Montréal, par Mario Girard, cyberpresse.ca, le 17 décembre 2007->http://www.cyberpresse.ca/article/20071217/CPACTUALITES/712170624/1019/CPACTUALITES]
- [(CCMM) met en garde contre la laïcité, la primauté de l’égalité des sexes et l’imposition du français->https://pointdebasculecanada.ca/spip.php?article126]
- [Veil and a warning, par Rafia Zakaria, Frontline, Vol 23, issue 2,->http://www.flonnet.com/fl2302/stories/20060210000605800.htm] Jan. 28-Feb 10, 2006
- [Crimes d’honneur – Depuis 2006 les Sikhs Canadiens prennent leurs responsabilités->https://pointdebasculecanada.ca/spip.php?article136], Point de BASCULE, 13 décembre 2007
