Tariq Ramadan ne représente pas un mystère. Il n’est pas énigmatique non plus. Pour le décoder, la solution est simple : il suffit de se familiariser avec les écrits des exégètes qu’il endosse. Ramadan a insisté pour déclarer qu’il ne rejetait rien des écrits de Hassan al-Banna, il a promis de suivre les traces de son père et il a écrit que les musulmans vivant en Occident devraient suivre les prescriptions de Qaradawi. Qu’est-ce qu’il nous manque pour déterminer l’objectif qu’il s’est fixé?
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Le 7 septembre 2011, le Dalaï Lama, Tariq Ramadan et d’autres personnalités prendront la parole à la Deuxième conférence mondiale sur les religions du monde après le 11 septembre 2001. La conférence est organisée à Montréal avec l’active coopération de l’Université McGill et de l’Université de Montréal. Le dialogue interreligieux est l’une des méthodes les plus efficaces utilisées par les Frères Musulmans pour mener le jihad idéologique en Occident.
Dans un discours récent devant ses partisans réunis à Dallas, Tariq Ramadan les a enjoints de coloniser les États-Unis « avec notre compréhension de l’islam, (avec) nos principes ». Point de Bascule profite de la venue prochaine de Ramadan à Montréal pour examiner quelques éléments de sa « compréhension de l’islam ».
Tariq Ramadan et la colonisation de l’Occident
Dans le passé, Tariq Ramadan a déclaré qu’il attend de connaître les décisions des exégètes musulmans avant de prendre une position particulière sur une question donnée (vidéo – PdeB). Youssef Qaradawi est l’un de ces exégètes vers lesquels il se tourne pour obtenir direction.
Dans son livre Radical Reform, Ramadan présente Qaradawi comme « un des exégètes de l’islam les plus importants » à s’être prononcé sur la question des attitudes et des comportements que les musulmans doivent adopter lorsqu’ils vivent en Occident. Dans un autre livre, Ramadan a écrit de Qaradawi qu’il « éprouve un profond respect pour l’homme et le savant et (qu’il) serait le dernier à (s)’en cacher ».
Tariq Ramadan, Radical Reform, New York, Oxford University Press, 2009, pp. 31 et 326
Aziz Zemouri et Tariq Ramadan, Faut-il faire taire Tariq Ramadan?, Paris, L’Archipel, 2005, p.135 Google Livres
Quant à Youssef Qaradawi, il a publiquement endossé la compréhension de l’islam de Ramadan lorsqu’il lui demanda de préfacer un recueil de fatwas publié en français en 2002.
Tariq Ramadan et Yusuf Qaraḍawi, Conseil Européen des Fatwas et de la recherche, Recueil de fatwas: Avis juridiques concernant les musulmans d’Europe, Série no 1, Tawhid, 2002 Google Livres
Dans son livre Priorities of the Islamic Movement – Priorités du mouvement islamique, Youssef Qaradawi, le guide spirituel des Frères Musulmans, soutient qu’il est opportun de mener le jihad armé dans certaines parties du monde mais pas dans d’autres. Il considère que le jihad militaire est une option valable en Thaïlande, en Afghanistan, aux Philippines et dans d’autres pays mais pas en Occident pour le moment :
Nous (les musulmans) sommes dépendants des autres pour notre force militaire. Ceux contre qui nous voulons lancer notre jihad offensif sont les mêmes qui fabriquent toutes sortes d’armements et nous les vendent. Si ce n’était d’eux, nous serions désarmés, sans défense et incapables de faire quoi que ce soit!
Dans les circonstances, comment pouvons-nous parler de lancer des offensives (militaires) pour soumettre le monde entier à notre Message quand les seules armes que nous pouvons rassembler sont celles qu’ils nous donnent et quand les seules armes que nous pouvons transporter sont celles qu’ils acceptent de nous vendre? (Chapitre 3 – A Debate that We Do not Need Today – Un débat qui ne servirait à rien aujourd’hui)
Pour contourner ces limitations, Qaradawi considère que c’est davantage un jihad idéologique que militaire qui doit être mené en Occident. Ce type de jihad passe par le dialogue interreligieux et l’infiltration des médias, des partis politiques, des universités, des administrations scolaires, etc.
Le jihad militaire et le jihad idéologique requièrent des habiletés différentes. Ils ont néanmoins le même but. Voilà pourquoi Youssef Qaradawi établit un parallèle entre l’actuelle offensive idéologique menée par les Frères Musulmans en Occident et les invasions militaires du passé en Europe :
L’islam va retourner en Europe comme un conquérant et un vainqueur après en avoir été expulsé à deux reprises, une fois au sud en Andalousie (Espagne – 1492) et une seconde fois à l’est quand il frappa à plusieurs reprises aux portes d’Athènes (1830). (…) Cette fois-ci, je maintiens que la conquête ne se fera pas par l’épée mais grâce au prosélytisme et à l’idéologie. (Youssef Qaradawi sur IslamOnLine.net en 2002 – Extrait archivé sur MEMRI)
Le programme de conquête auquel Qaradawi fait allusion a été mentionné dans d’autres documents des Frères Musulmans, notamment dans un mémorandum de 1991:
Les Frères Musulmans doivent comprendre leur travail d’implantation en Amérique comme une sorte de grand jihad visant à éliminer, à détruire de l’intérieur la civilisation occidentale et à saboter sa misérable demeure (…) afin que la religion d’Allah soit victorieuse sur toutes les autres religions.
Le mémorandum a été amené en preuve dans un procès de 2008 au terme duquel plusieurs leaders des Frères Musulmans ont été condamnés pour avoir amassé des fonds sur le territoire américain pour des attaques terroristes prévues à l’étranger. (GMBDR)
Dans son livre Western Muslims and the Future of Islam – Les musulmans occidentaux et le futur de l’islam, Tariq Ramadan identifie Syed Maududi (1903-1979), un exégète pakistanais fondateur de l’organisation Jamaat-e-Islami, comme un des principaux représentants du courant dit « réformiste salafiste » de l’islam auquel il appartient. Dans un hommage à Saïd Ramadan publié le 4 août 2011, son fils Tariq mentionne que Maududi crédita son père Saïd pour « l’avoir réveillé de son inconscience ». (Archives PdeB)
Voici comment Syed Maududi a résumé la mission de Tariq Ramadan à son « réveil » :
Le but de l’islam est de provoquer une révolution universelle. (…) L’islam cherche à détruire tous les états et les gouvernements opposés à l’idéologie et au programme de l’islam où qu’ils soient sur terre. (…) Le but de l’islam est d’instaurer un état fondé sur son propre programme et sa propre idéologie.
(Sayyid Abul Ala Maududi, Jihad in Islam, Beirut, The Holy Koran Publishing House, pp. 6 and 22 Muhammadanism.org)
Dans l’hommage qu’il rendit à son père en août 2011, Tariq Ramadan a promis de « ne pas oublier … et (de) continuer sa route ». Il s’agit bien de la route empruntée par son père, par Maududi. La route de la révolution islamique.
Ingrid Mattson, une dirigeante des Frères Musulmans également active dans le dialogue interreligieux, a décrit le commentaire coranique de Syed Maududi comme étant « probablement le meilleur tafsir disponible en langue anglaise ».
La section 4.18 du mémorandum interne des Frères Musulmans mentionne l’importance de « distribuer les rôles » parmi les activistes de l’organisation pour obtenir du succès. Voici pourquoi il est rare que Tariq Ramadan ait le même franc-parler qu’un Qaradawi par exemple. Habituellement, Qaradawi s’adresse à ses supporteurs musulmans alors que Ramadan passe le plus clair de son temps à essayer d’infiltrer des institutions occidentales. Ouvertement encourager les attentats suicide ou souhaiter que les musulmans reprennent là où Hitler a cessé avec les Juifs contribue à accroître le prestige de Qaradawi parmi ses supporteurs mais nuirait à Ramadan dans l’offensive qu’il mène auprès de responsables non-musulmans d’universités occidentales, de gouvernements, d’organisations religieuses, etc. Ça aurait assurément nui à ses chances d’obtenir un rendez-vous avec le pape… (Why I’m going to meet the Pope – Pourquoi j’irai rencontrer le pape, The Guardian [London], 3 novembre 2008)
Le 27 juillet 2011, Tariq Ramadan était à Dallas (TX) pour livrer un discours lors d’une levée de fonds organisée par l’ICNA. On avait demandé au personnel de l’hôtel Regency Hyatt de limiter l’accès aux musulmans. Des spectateurs non-musulmans qui avaient acheté leurs billets pour aller écouter Ramadan ont donc été expulsés de la salle avant le début du meeting. Une fois les indésirables partis (c’est du moins ce qu’ils croyaient), Ramadan a dû se sentir particulièrement à son aise puisqu’il incita ses partisans à « coloniser », à « coloniser positivement » les États-Unis d’Amérique « avec notre compréhension de l’islam, (avec) nos principes. »
Plus tard durant son discours, Tariq Ramadan a exprimé ses inquiétudes au sujet du mouvement anti-charia qui se développe présentement au États-Unis.
Point de Bascule a reproduit les plus importants extraits du discours de Ramadan ICI.
Les mentors de Tariq Ramadan
Outre Qaradawi et Maududi dont nous vous avons parlé, nous aimerions vous présenter les antécédents de trois autres autorités de l’islam endossées par Tariq Ramadan. Par la suite, nous examinerons leurs positions sur trois questions particulières afin de mieux saisir où mène la « compréhension de l’islam » de Ramadan : la démocratie, le traitement des non-musulmans et le droit d’abandonner l’islam.
Hassan al-Banna (1906-1949)
Tariq Ramadan donne un appui inconditionnel aux idées de son grand-père Hassan al-Banna, le fondateur des Frères Musulmans :
J’ai étudié en profondeur la pensée de Hassan al-Banna et je ne renie rien de ma filiation. Sa relation à Dieu, sa spiritualité, son mysticisme, sa personnalité en même temps que sa pensée critique sur le droit, la politique, la société et le pluralisme restent des références pour moi, de cœur et d’intelligence. (…) Son engagement aussi continue de susciter mon respect et mon admiration.
Alain Gresh et Tariq Ramadan, L’Islam en questions, Sindbab, 2002, pp. 33-34 – Texte cité par Caroline Fourest, Frère Tariq: Discours, stratégie et méthode de Tariq Ramadan, Paris, Grasset, 2004, p. 19 Google Livres
Dans l’Égypte des années ’40, Hassan al-Banna appuya les opérations suicide et d’autres activités terroristes. Il était également un fervent défenseur du jihad offensif (On Jihad). Youssef Qaradawi rappela le penchant d’al-Banna pour le jihad militaire dans ces termes :
L’imam Hassan al-Banna avait l’habitude de dire à ses disciples : « Donnez-moi douze mille croyants et avec eux je conquerrai les montagnes, traverserai les mers et envahirai les territoires. »
Dans son essai On Jihad, al-Banna explique « (qu’)il est obligatoire pour nous (musulmans) de se battre contre eux (les infidèles) après leur avoir transmis l’invitation (d’adhérer à l’islam) et ce, même s’ils ne se battent pas contre nous. »
Hassan Tourabi (1932 – )
Tariq Ramadan endosse le leader soudanais Hassan Tourabi. Il le cita positivement dans son livre Islam, the West and the Challenges of Modernity (Islam, l’Occident et les défis de la modernité). Dans une entrevue de 1995 qu’il destinait à un public non-musulman, Tariq Ramadan a présenté Hassan Tourabi comme un « modéré » même s’il rejette la notion même de « musulman modéré » comme en fait foi son discours de Dallas (vidéo 3 – 02:36) tenu devant ses partisans en 2011.
Interview avec Luiza Toscane, L’islam, un autre nationalisme, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 205 Google Livres (Archives PdeB)
Quant à Hassan Tourabi, il a désigné Tariq Ramadan comme « le futur de l’islam ».
Hassan Tourabi a été le principal responsable de l’introduction de la charia au Soudan dans les années ’80 et ’90. Dans une cause d’immigration entendue par un tribunal canadien en 2000, le Soudan de Tourabi a été décrit comme un « pays des horreurs (où) on flagelle au nom de la charia, on abrite des bases terroristes et on extermine les chrétiens du Sud. » (X [Re], 2000 CanLII 21343 [CISR])
Dans cette cause canadienne de 2000, Tourabi est également décrit comme « l’idéologue du régime militaire au Soudan » et le leader d’une « Internationale islamiste ».
Dans une autre cause entendue par la Cour Fédérale du Canada, on mentionne « (qu’Oussama) Ben Laden et son entourage ont déménagé au Soudan en 1991 à l’invitation du chef islamiste Hassan Tourabi. » (section 274 – Almrei (Re), 2009 FC 1263 CanLII)
Dans une interview de 2006, Hassan Tourabi a nié que ben Laden ait été impliqué dans les attentats du 11 septembre 2001 :
Ces attentats sont la conséquence de la culture américaine : les films de cow-boy, les films d’action, la violence, boum, boum, boum (rires). Ce n’est pas lui (ben Laden) qui a entraîné ces gens.
Interview par Christophe Deloire, Ce que je sais de Ben Laden, Le Point (Paris), 4 mars 2006, p. 70
Dans cette interview, le protecteur de ben Laden a également confirmé bien connaître la famille Ramadan : « J’ai bien connu son père (celui de Tariq). J’avais l’habitude d’aller à Genève et je me rendais à la mosquée. Le fils (Tariq) est venu deux ou trois fois au Soudan, à des conférences. »
En décembre 1993, quatre mois après que le Soudan ait été ajouté à la liste américaine des États supportant le terrorisme (12 août), Tariq Ramadan était à Khartoum (Soudan) pour participer à une rencontre organisée par Hassan Tourabi. Ce dernier était alors l’un des plus importants leaders du gouvernement soudanais.
Lionel Favrot, Tariq Ramadan dévoilé, Lyon (France), Lyon Mag’ Hors Série, 2004, p. 155
Sur son site internet, Jean-Charles Brisard, un expert international de l’antiterrorisme, déclare qu’il y a d’autres liens entre Tariq Ramadan et des militants impliqués dans le jihad violent. Lors d’un face-à-face avec Brisard à la télévision suisse en 2003, Ramadan a nié ces contacts. Ramadan qui a poursuivi plusieurs de ses critiques dans le passé (Lyon Mag – Antoine Sfeir) n’a pas jugé bon de le faire avec Brisard en dépit du sérieux de ses allégations. (Tariq Ramadan forced to retract defamatory statements – Tariq Ramadan forcé de retirer des propos diffamatoires)
Rachid Ghannouchi (1941 – )
Dans une entrevue récente accordée à Malaysia Today (Archives PdeB), Tariq Ramadan décrit Rachid Ghannouchi comme un promoteur de la démocratie.
En 1998, les autorités canadiennes ont refusé un visa à Ghannouchi parce que son organisation Ennahda avait mené des attaques terroristes en Tunisie.
Allan Thompson, Toronto Star, 21 mai 1998, p. 1
Canada bars exiled Tunisian activist (Un activiste tunisien exilé interdit d’accès au Canada)
À l’époque, Faisal Kutty, un activiste associé aux Frères Musulmans, avait cité Ghannouchi alors qu’il tentait de berner un journaliste du Toronto Star en affirmant que « le recours à la violence pour atteindre des buts politiques est interdit par notre conception de l’islam ».
Dans une cause canadienne d’immigration qui date de 2003, Mohamed Zrig s’est vu refuser le statut de réfugié politique après que les autorités canadiennes aient découvert qu’en tant que membre de l’organisation de Ghannouchi, il s’était rendu « coupable d’agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies ». (Section 175 – Zrig c. Canada, 2003 CAF 178, [2003] 3 CF 761)
Dans cette décision, Ghannouchi est décrit comme « un terroriste faisant partie intégrante de l’internationale islamiste. (Il) est considéré par certaines sources comme étant l’un des maîtres à penser du terrorisme. M. Ghannouchi a fait un appel à la violence contre les États-Unis et a menacé de détruire leurs intérêts dans le monde arabe. En outre, il a demandé la destruction de l’État d’Israël ». (Section 20)
Dans une autre cause d’immigration, les responsables de la Commission du statut de réfugié du Canada ont énuméré toute une série d’actes criminels perpétrés par l’organisation Ennahda pour justifier leur refus d’accorder le statut de réfugié à un autre Tunisien membre de l’organisation de Ghannouchi : utilisation de cocktails Molotov, acide projeté aux visages de juges et de professeurs, agressions physiques dans les lycées et les universités, incendies de voitures, lettres de menaces, tentatives d’incendies dans des facultés, attentats à la bombe incluant celui de Sousse et Monastir le 2 août 1987, incendies criminels de Bab Souika en février 1991 où il y a eu mort d’homme, attentat à la bombe en France, trafic d’armes en Europe, etc. (Section 5.3.15 – X [Re], 2000 CanLII 21343)
Lors d’une prière publique devant ses partisans, Tariq Ramadan mentionna spécifiquement la Tunisie parmi les pays pour lesquels il demanda à Allah de « frappe(r) nos ennemis, Vos ennemis, les ennemis de la religion [l’islam] ».
Tariq Ramadan est certainement un homme versatile. Il peut qualifier de démocrate le leader d’une organisation qui endosse de lancer de l’acide au visage de ses opposants le matin puis être le centre d’attention d’une activité interreligieuse l’après-midi.
La démocratie de Tariq Ramadan
Rachid Ghannouchi, Youssef Qaradawi et Tariq Ramadan ont tous publiquement donné leur appui à la démocratie. On pourrait ajouter « en autant qu’ils soient d’accord avec le résultat du vote ».
Youssef Qaradawi a clairement exposé ce que les Frères Musulmans entendent par démocratie dans une section de son livre Priorities intitulée The Movement and Political Freedom and Democracy (Le Mouvement, la liberté politique et la démocratie) :
(Certaines gens craignent) que la démocratie consacre le peuple comme source du pouvoir et de la législation alors que la législation est la prérogative exclusive d’Allah.
Ces craintes peuvent être surmontées par un article stipulant que si une loi devait contredire les clauses incontestables de l’islam, elle sera considérée invalide parce que l’islam est la religion de l’État, la source de sa légitimité et qu’en conséquence il ne peut pas être contredit, pas plus que l’eau d’une rivière menant à un fleuve ne peut aller dans une direction opposée au fleuve.
Tariq Ramadan est associé de près à une organisation malienne qui a menacé de recourir à la violence dans le but d’empêcher qu’une réforme du Code malien de la famille ne soit mise en vigueur en dépit du fait qu’elle avait été adoptée (p. 8) par une écrasante majorité de parlementaires le 3 août 2009 (117 oui – 5 non – 4 abstentions).
Le nouveau Code de la famille remplaçait la notion d’obéissance de l’épouse à son mari par une notion de respect entre époux, il invalidait les mariages auxquels les deux parties n’ont pas consenti, il substituait la notion d’autorité parentale à celle d’autorité paternelle, il établissait à dix-huit ans l’âge minimum auquel les filles pouvaient se marier, il accordait aux femmes des droits en matière d’héritage plus importants que ceux prévus par la charia, etc.
Les opposants au nouveau code le qualifièrent d’« œuvre du diable ». Le Haut Conseil Islamique (HCI) organisa des manifestations, menaça de recourir à la violence et convoqua les leaders religieux à la principale mosquée de Bamako pour dénoncer les élus qui avaient appuyé le nouveau code. Suite à ces menaces de violence, le président malien refusa de ratifier le projet de loi.
Le HCI, la principale organisation derrière les manifestations contre le nouveau Code de la famille, est associé de près à Tariq Ramadan et à son organisation Présence Musulmane. Ramadan et le secrétaire-général du HCI, Mamadou Diamouténé, comptaient parmi les principaux orateurs à la conférence du CIMEF qui eût lieu au Mali en 2010. Le CIMEF (Colloque International des Musulmans de l’Espace Francophone) fait partie du réseau de Présence Musulmane dirigé par Ramadan (cliquez sur Afrique).
En 2010, on a discuté du Code malien de la famille à la conférence du CIMEF. Il s’agissait essentiellement pour Ramadan et ses alliés de célébrer leur victoire de 2009. À la fin de la conférence, Ramadan et le leader malien ont été désignés pour planifier la prochaine rencontre du CIMEF qui se déroulera au Sénégal en 2012.
La tromperie constitue une partie intégrante du jihad idéologique de Tariq Ramadan. Ses prises de position en faveur de la démocratie devraient être jugées par ses actions et non par ses paroles.
Démocratie totalitaire et démocratie libérale
Dans sa définition la plus stricte, la démocratie c’est la règle de la majorité. Voilà pourquoi les défenseurs des droits individuels défendent le concept de démocratie avec une certaine réserve. Ils précisent que, dans une société libre, le vote de la majorité ne devrait être requis que pour trancher un nombre très limité de questions. Le niveau de liberté d’une société se mesure par le pourcentage de questions qu’un individu peut décider par lui-même, pour lui-même, sans avoir à attendre après l’autorisation d’une majorité. Dans une société libre, la grande majorité des questions auxquelles les citoyens font face devraient appartenir à la sphère privée et ne devraient pas être soumises au vote de la majorité.
C’est précisément là où la charia entre en conflit avec la définition libérale classique de la démocratie. La charia a une règle spécifique concernant les plus petits de la vie des individus. Le manifeste en 50 points de Hassan al-Banna indique clairement où mène la charia. Le manifeste est le produit d’une idéologie « totalitaire ». Il vise à réguler la vie du citoyen « dans sa totalité ». Tous les aspects des différents champs de l’activité humaine sont visés : politique, judiciaire, administratif, social, éducatif et économique.
Le manifeste d’al-Banna promeut l’abolition des partis politiques et l’instauration d’un système de parti unique, la modification des lois pour les rendre conformes à la charia, la multiplication d’associations vouées à la promotion de l’esprit du jihad dans la jeunesse, la fermeture des salles de danse, la censure des films et des pièces de théâtre, l’imposition d’un code vestimentaire unique à la population, etc.
« Le démocrate » Tariq Ramadan connaît bien le manifeste en 50 points. Il y fait allusion dans une biographie de son grand-père (vidéo 2:25). Ramadan nous a déjà averti : « J’ai étudié en profondeur la pensée de Hassan al-Banna et je ne renie rien de ma filiation. »
Le manifeste en 50 points a d’abord été soumis par Hassan al-Banna à divers leaders arabes en 1947. Il avait alors tenté de les convaincre de recourir à leur État respectif, au pouvoir de leur police pour le mettre en application.
Quand la théorie du fascisme a été développée, le mot « totalitaire » était utilisé d’une façon positive par les fascistes italiens pour décrire leur propre idéologie. Ceux-ci voulaient tout simplement dire que leur idéologie, comme la charia, vise à contrôler tous les aspects de la vie. Éventuellement, le mot a acquis une connotation négative quand il devint surtout utilisé par les opposants au fascisme (et plus tard au communisme). Les défenseurs du fascisme cessèrent éventuellement de recourir au terme « totalitaire » pour décrire leur idéologie de façon positive.
Voilà pourquoi Tariq Ramadan n’utilise pas le terme « totalitaire » pour décrire son idéologie et sa « compréhension de l’islam ». Il préfère l’expression « englobant » (all-encompassing). Elle a le même sens et la même connotation que le mot « totalitaire » quand il était utilisé par les fascistes dans les années ’20 et ’30.
Dans son livre Les musulmans dans la laïcité, Ramadan écrit :
L’Islam investit le champ social et l’influence de façon conséquente. De fait, il convient d’ajouter à ce qui est proprement religieux les éléments du mode de vie, de la civilisation et de la culture. Ce caractère englobant est l’une des caractéristiques de l’Islam. (Lyon [France], Tawhid, 1998, p. 79 Google Livres 1 — Google Livres 2)
Point de Bascule a consacré un article en trois parties à la « compréhension de l’islam » englobante de Ramadan : Du totalitarisme de Hassan al-Banna à l’islam englobant de Tariq Ramadan.
Une démocratie respectueuse des droits individuels ne peut pas être simplement définie par la règle de la majorité ou par la possibilité d’élire ses leaders politiques. Si c’était le cas, Hitler devrait être considéré comme un démocrate puisqu’il a pris le pouvoir sans coup d’État, en tirant avantage, légalement, des procédures parlementaires.
Hitler’s legacy: How democracy produced a monster (L’héritage de Hitler : Comment la démocratie a produit un monstre), Ian Kershaw, New York Times, February 3, 2008
Hassan al-Banna a loué les qualités de leader de Hitler. Selon lui, Hitler est un homme qui a prouvé qu’un leader inspiré peut atteindre « le succès et la fortune » (sic) malgré ses débuts modestes. (To What Do We Invite Humanity? – À quoi convions-nous l’humanité?) .
Dans son livre Priorities, Youssef Qaradawi enjoint ses supporteurs chez les Frères Musulmans d’infiltrer les partis politiques occidentaux. Son but n’est rien de moins que de répéter les succès de Hitler. (The Difficulty of Practice in Real Life – La difficulté d’appliquer les principes dans la réalité)
Les Frères Musulmans doivent comprendre leur travail d’implantation en Amérique comme une sorte de grand jihad visant à éliminer, à détruire de l’intérieur la civilisation occidentale et à saboter sa misérable demeure (…) afin que la religion d’Allah soit victorieuse sur toutes les autres religions. (Mémorandum interne des Frères Musulmans – 1991)
Tariq Ramadan et la charia
La « compréhension de l’islam » de Tariq Ramadan n’est rien d’autre que la charia. C’est pourquoi, dans son discours de Dallas de juillet 2011, il a exprimé ses inquiétudes au sujet du mouvement anti-charia qui se développe au États-Unis. (Point de Bascule – video 2 @ 04:18)
En 2005, les parlementaires québécois ont probablement été les premiers législateurs en Amérique du Nord à s’opposer ouvertement à la charia. Ils le firent en adoptant à l’unanimité une résolution contre l’établissement de tribunaux islamiques au Canada. (Daniel Pipes : Expulser les islamistes de l’Occident?)
À l’époque, Fatima Houda-Pépin, qui avait présenté la résolution, a décrit la tentative d’introduire la charia au Canada comme une « attaque (contre les) fondements mêmes de nos institutions démocratiques ». (Débats de l’Assemblée Nationale, 26 mai 2005)
En 2005, différents alliés de Tariq Ramadan associés aux Frères Musulmans avaient dénoncé madame Houda-Pépin :
Salah Basalamah, Présence Musulmane, 23 juin 2005 ICI (Archives PdeB)
Salam Elmenyawi, The Gazette (Montréal), 11 mars 2005 ICI
Jamal Badawi, The Gazette (Montréal), 12 mars 2005, p. A6 ICI
La charia consacre les mutilations génitales féminines (section e4.3), le meurtre des homosexuels (section p17.3), le droit de tuer impunément ses propres enfants (crimes d’honneur – section o1.1-2), l’interdiction presque complète des instruments de musique (section 40.1-2) et d’autres mesures barbares.
Les sections mentionnées plus haut réfèrent au manuel de charia Umdat al-Salik (Reliance of the Traveller – La dépendance du voyageur). Il a été endossé par Tariq Ramadan dans son livre Radical Reform (New York, Oxford University Press, 2009, pp. 302-303). L’Umdat al-Salik a également été endossé par l’International Institute of Islamic Thought, une organisation des Frères Musulmans.
Le manuel de charia est disponible sur le site de l’Université de Waterloo ICI.
Pour cet article, nous avons regroupé les textes de Qaradawi, Tourabi et Ghannouchi que nous avions sous la main au sujet de deux autres aspects de la charia : le statut de seconde classe des non-musulmans vivant sous la loi islamique (section o11.1-11) et le meurtre des apostats (section o8.1).
La persécution des non-musulmans
Tout en énumérant les activités terroristes menées par l’organisation de Rachid Ghannouchi dans sa décision de 2000, la Commission canadienne du statut de réfugié a également exploré les idées de Ghannouchi. Elle a conclu que « Ghannouchi (…) justifie les discriminations contre les non-musulmans. » (Section 5.3.16 – X (Re), 2000 CanLII 21343)
Les non-musulmans ont un statut de citoyens de deuxième classe dans les sociétés musulmanes. La section o11 de l’Umdat al-Salik (Reliance of the Traveller – La dépendance du voyageur) donne plusieurs exemples de mesures discriminatoires que la charia impose aux non-musulmans. Dans son livre Priorities, Youssef Qaradawi mentionne que le dialogue interreligieux devrait être utilisé pour décourager les leaders chrétiens de supporter d’autres chrétiens qui sont impliqués dans des conflits avec les musulmans. Il mentionna spécifiquement le cas du Soudan. (The Religious Islamic-Christian Dialogue – Le dialogue religieux islamo-chrétien)
Après des années de persécution infligée par le Nord musulman, le Soudan du Sud est devenu un pays indépendant le 9 juillet 2011. Christian Solidarity International présente un dossier au sujet de Soudanais qui ont été capturés et réduits en esclavage. La BBC offre des photos et de courts commentaires à propos d’esclaves soudanais qui réussirent à fuir leurs maîtres. (En photos : la voix d’esclaves du Soudan)
La décision canadienne de 2000 (section 5.3.16) rapporte que Maududi considérait que la loi islamique justifie l’esclavage.
Qaradawi ne cherche pas à convaincre les autorités soudanaises de respecter les droits humains fondamentaux des non-musulmans malgré du respect dont il jouit dans les cercles musulmans. Au contraire, il avise d’utiliser le dialogue interreligieux pour stopper les leaders chrétiens de supporter leurs coreligionnaires qui sont persécutés. Nous n’avons pas besoin d’autres preuves pour réaliser combien nuisible est le « dialogue » avec des représentants des Frères Musulmans comme Tariq Ramadan.
Considérant cette dernière raison invoquée par Qaradawi pour mener le dialogue interreligieux avec les chrétiens, il est logique de conclure que les Frères Musulmans se concentrent sur le Dalaï Lama entre autres pour l’empêcher de supporter les bouddhistes qui sont persécutés par des fanatiques musulmans en Thaïlande et ailleurs en Asie. (Muslims Behead a Young Buddhist Boy, Slaughter Others in Thailand – Les musulmans décapitent un jeune garçon bouddhiste et massacrent d’autres personnes en Thaïlande)
Quant aux juifs, Youssef Qaradawi a déclaré en janvier 2009 que Hitler avait été envoyé par Allah « pour les punir de leur corruption ». Il conclut sa diatribe en disant que « si Allah le veut, la prochaine fois, ce sera le fait des croyants (des musulmans) ». (video)
Le meurtre des apostats
Rachid Ghannouchi considère que quitter l’islam est un crime qui doit être puni :
L’apostasie est un délit qui n’a rien à faire avec la liberté religieuse que l’Islam reconnaît […]. C’est un délit politique qui correspond dans les autres systèmes au délit de révolte armée contre le système de l’État et la tentative de l’ébranler […]. L’apostasie doit être punie selon son ampleur et son danger. (Section 5.3.16 – X (Re), 2000 CanLII 21343)
Dans une fatwa qui a été publiée puis retirée plus tard du site IslamOnLine, Youssef Qaradawi cite un hadith d’Ibn Mas’ud pour justifier qu’un musulman qui quitte l’islam soit tué :
(Le prophète a déclaré que 🙂 Le sang d’un individu musulman, qui accepte qu’il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah et que je suis le Messager d’Allah, ne peut être versé que dans trois situations : en revanche (dans des cas de meurtre), par des gens mariés qui commettent l’adultère et par celui qui abandonne sa religion et oublie la communauté musulmane. (Point de Bascule)
Alors que Hassan Tourabi était solliciteur-général du Soudan, Mahmoud Mohamed Taha, un théologien musulman réformateur, a été exécuté pour apostasie par l’État parce qu’il avait ouvertement plaidé pour une réforme de certains principes islamiques. (BBC)
Conclusion
Les analystes exagèrent constamment la capacité de Tariq Ramadan de berner son auditoire. Cet homme ne représente pas un mystère. Il n’est pas énigmatique non plus. Pour le décoder, la solution est simple : il suffit de se familiariser avec les écrits des exégètes qu’il endosse. Ramadan a insisté pour déclarer qu’il ne rejetait rien des écrits de Hassan al-Banna, il a promis de suivre les traces de son père et il a écrit que les musulmans vivant en Occident devraient suivre les prescriptions de Qaradawi. Qu’est-ce qu’il nous manque pour déterminer l’objectif qu’il s’est fixé?
Le recours à la coercition non pas pour convertir mais pour appliquer les principes de la charia sur une société est une partie intégrante de la « compréhension de l’islam » de Ramadan. Cependant, à ce moment-ci, les Frères Musulmans considèrent qu’ils n’ont pas les ressources matérielles pour avoir du succès au Canada s’ils empruntent la méthode violente. Voilà pourquoi ils favorisent le jihad idéologique. Robert Spencer l’appelle stealth jihad (jihad clandestin ou jihad caché).
Recourir à l’idéologie, c’est recourir à la déception, à la tromperie. Ramadan y recoure pour imposer la charia. Ceux qui chérissent la liberté doivent disséquer ses textes et le dénoncer.
L’appel qu’il a lancé à Dallas en faveur d’une colonisation musulmane des États-Unis n’aurait pas dû nous surprendre. C’était simplement la confirmation de ce que ses critiques affirment à son sujet depuis des années.
Références supplémentaires
Interfaith Dialogue: Getting Non-Muslim Religious Leaders to Repeat Muslim Brotherhood’s Mantras 15 Août 2011