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De 2001 à 2013, Jamal Badawi a été un des directeurs de CAIR-CAN. Au moment où l’organisation a changé de nom pour devenir le Conseil national des musulmans canadiens, le nom de Badawi a disparu de la liste de ses administrateurs. Aucun avis formel ne semble avoir été publié pour annoncer son départ.
En avril 2012, le directeur du SCRS à l’époque, Richard Fadden, a déclaré que la principale menace à la sécurité du Canada provient de l’extrémisme islamiste sunnite. M. Fadden faisait allusion à la menace terroriste. L’incitation de Jamal Badawi aux juges musulmans à déroger à leur code de déontologie est un rappel que la menace islamiste n’est pas limitée au terrorisme mais comprend les activités d’infiltration islamiste non-violentes menées notamment au sein des agences gouvernementales.
L’incitation de Badawi à privilégier la charia au détriment des lois canadiennes vise également tous les fonctionnaires musulmans qui sont habilités à faire appliquer des dispositions de la loi (policiers, procureurs de la Couronne, officiers de l’immigration, fonctionnaires de l’impôt, administrateurs scolaires, membres de la Commission des droits de la personne, etc.)
SOMMAIRE
PARTIE 1 – Jamal Badawi : «Le musulman peut utiliser sa discrétion dans l’interprétation des lois pour obtenir plus de justice que le non-musulman.»
PARTIE 2 – Un document interne des Frères Musulmans identifiant Jamal Badawi comme un de leurs leaders encourage à «détruire de l’intérieur la civilisation occidentale»
PARTIE 3 – L’alarme devrait sonner au SCRS et ailleurs quand le principal dirigeant musulman sunnite au pays cite Ibn Taymiyya pour déterminer comment les musulmans doivent se comporter au Canada
PARTIE 4 – Jean-François Revel sur la fragilité des démocraties occidentales face à une menace intérieure
PARTIE 1 – Jamal Badawi : «Le musulman peut utiliser sa discrétion dans l’interprétation des lois pour obtenir plus de justice que le non-musulman.»
Jamal Badawi est le principal dirigeant musulman sunnite au Canada, tant par le nombre d’organisations qu’il y dirige, qu’il y a dirigées et qu’il influence, que par ses relations et les positions qu’il occupe dans des organisations musulmanes internationales. Badawi et le guide spirituel des Frères Musulmans, Youssef Qaradawi, sont membres du Conseil européen de la fatwa et de la recherche (CEFR) basé à Dublin (Irlande), un organisme qui tente d’imposer un cadre juridique parallèle basé sur la charia aux musulmans vivant en Europe.
Dans une interview dont la date n’est pas précisée mais qui a été archivée pour la première fois par Web Archive en 2002, Badawi discute de l’implication politique des musulmans en Amérique du Nord (Muslim participation in North American politics). Dans cette interview, Badawi encourage les musulmans à participer aux différentes facettes de la vie politique, incluant l’administration de la justice, même si plusieurs des lois qui prévalent actuellement sont contraires à la charia, la loi islamique, précise-t-il.
Badawi encourage même les musulmans à devenir juges dans les sociétés non-musulmanes où ils se sont établis. Il cite l’exégète Ibn Taymiyya (1263-1328) pour justifier sa position. Bien qu’Ibn Taymiyya soit reconnu comme un idéologue du jihad armé, il ne prit pas moins en considération le fait qu’en certaines circonstances, les méthodes violentes ne sont pas toujours les plus efficaces pour faire progresser la charia en territoire non-musulman. À l’instar des islamistes contemporains, en son temps Ibn Taymiyya a su tenir compte des réalités de terrain et des faiblesses de son propre camp dans des circonstances données C’est ce qui l’avait amené à préconiser que des musulmans acceptent des postes de juges dans des sociétés non-musulmanes pour limiter la portée des lois non-islamiques.
Badawi déclare qu’un juge qui ne croit pas en la charia et qui applique une loi non-islamique dans son intégralité «cause encore plus de mal au peuple» que le juge musulman qui utilise sa discrétion dans l’interprétation des lois et n’applique pas les dispositions des lois actuelles contraires à la charia. L’appel de Badawi constitue donc une incitation pure et simple aux juges musulmans siégeant en Amérique du Nord à désobéir à leur Code de déontologie. Ne pas appliquer les dispositions des lois incompatibles avec la charia n’est, évidemment, qu’une étape préliminaire à l’application graduelle de la charia elle-même.
Dans son interview, Jamal Badawi évoque également la marge de manœuvre qu’avait un haut fonctionnaire même dans l’Égypte préislamique. L’implication est claire : Jamal Badawi encourage non seulement les juges, mais également tous les fonctionnaires musulmans occupant des positions dans l’administration publique de pays non régis par la charia à utiliser leur marge de manœuvre dans l’interprétation des lois pour ne pas faire appliquer les dispositions contraires à la charia. On peut penser aux policiers, aux procureurs de la Couronne, aux officiers de l’immigration, aux fonctionnaires de l’impôt, aux administrateurs scolaires, aux membres de la Commission des droits de la personne, etc.
Ces dernières années, Tarek Fatah et l’expert en matière de sécurité David Harris ont rapporté trois cas d’agissements inacceptables de la part de policiers musulmans auprès de musulmans anti-islamistes. Dans un article du National Post intitulé Les menaces de mort qui ne comptent pas, Tarek Fatah rapportent qu’après que lui-même et Tahir Gora, un autre musulman anti-charia, se soient plaints des menaces de mort dont ils faisaient l’objet sur des sites internet islamistes, ils ont été interrogés par des enquêteurs musulmans qui ont montré peu d’intérêt pour leur histoire malgré les preuves abondantes.
Tarek Fatah conclut que «dans le but de projeter une image de diversité et d’ouverture, la police de Toronto se consacre à servir et à protéger les éléments islamistes de notre ville».
Dans sa contribution à un livre sur la menace islamiste (pp. 219-220), David Harris rapporte que Homa Arjomand, une militante anti-Khomeini vivant au Canada, a déjà été interpellée en farsi par un policier de l’Ontario originaire d’Iran qui lui déclara qu’elle n’était pas autorisée à manifester contre le régime iranien. Demandant au policier de s’exprimer en anglais afin que ceux qui l’accompagnaient puissent éventuellement témoigner, celui-ci refusa. Arjomand s’inquiète que ce policier puisse avoir accès à des renseignements délicats et elle est préoccupée de l’étendue de l’infiltration islamiste dans les corps de police au pays.
Au moment de publier cet article, l’interview de Jamal Badawi réalisée par Samana Siddiqui est toujours disponible sur son site original SoundVision.com . Elle est également archivée sur Web Archive et Point de Bascule.
D’après son profil LinkedIN, l’intervieweuse Samana Siddiqui a gradué en journalisme à l’Université Concordia de Montréal en 1996. En 1999, une femme au nom identique a été identifiée dans le Registre des entreprises du Québec (Dossier 3346439360) comme administratrice du Council on American-Islamic Relations (CAIR-Montréal). CAIR-Montréal a été inscrit («immatriculé») au Registre en janvier 1997 et radié d’office en mai 1999, remplacé par CAIR-Ottawa, puis par CAIR-CAN en 2000. Samana Siddiqui collabore toujours avec l’organisme islamiste Sound Vision mais le fait désormais à partir de Chicago.
Voici la portion de l’interview dans laquelle Jamal Badawi répond à une question sur l’opportunité pour des musulmans de participer au processus politique dans les pays non-musulmans. La version française est une traduction de Point de Bascule.
TRADUCTION DE POINT DE BASCULE
Question de Samana Siddiqui adressée à Jamal Badawi
«Ainsi, diriez-vous qu’il y a quelques règles ou quelques limites peut-être dans la jurisprudence islamique qui pourraient nous aider à déterminer si les musulmans devraient participer au processus politique dans notre contexte d’une société non-musulmane?»
«Ces musulmans qui s’objectent à une telle participation et les exégètes qui s’y objectent font souvent valoir que, premièrement, c’est non seulement un État non-islamique mais c’est un État non-islamique qui adopte et applique souvent des politique hostiles aux musulmans ailleurs dans le monde. Je pense que les sanctions contre l’Iraq, dans le cas des États-Unis, sont un très bon exemple.»
«Comment pouvons-nous réconcilier, par exemple, de participer au processus politique dans un État qui applique un embargo mortel sur d’autres musulmans?
Réponse de Jamal Badawi
(…) «On ne peut pas nier, en se fondant sur le Coran et la Sunnah, qu’il faille évaluer les inconvénients ou les avantages [d’une situation]. C’est comme quand le Coran aborde la consommation de produits intoxicants. Wa ith ma huma akbaru min naf ayma. Il y a des effets bénéfiques et des effets nocifs mais les effets nocifs sont plus grands que les effets bénéfiques.»
«Ainsi, l’idée de comparer les inconvénients et les avantages d’une décision donnée est une règle tout à fait légitime de la charia. Pour préciser davantage : qu’arrive-t-il quand quelque chose doit arriver, en d’autres mots vous avez deux choix. Vous n’avez pas de troisième option. Une des options comporte beaucoup d’inconvénients tandis que l’autre en comporte moins. »
«Évidemment, dans ce cas-ci, les règles sensées de la charia mènent à accepter le moindre mal pour empêcher le mal plus grand.»
(…) «Bien qu’il soit parfois considéré comme un conservateur par certains pour ses positions sur certaines questions, Ibn Taymiyya, un des grands exégètes de l’islam auquel plusieurs donnent le titre de Cheik de l’Islam, a démontré beaucoup d’ouverture d’esprit en acceptant de répondre à une question qui lui était posée.»
«Il a dit : supposez que les ennemis de l’islam envahissent des territoires musulmans et les dirigent conformément à leurs propres lois. En d’autres mots, ils empêchent l’application de la charia et ils dirigent selon leurs propres lois laïques non-islamiques ou peut-être même anti-islamiques. Puis, ils vont demander à un musulman de devenir juge. Devrait-il accepter ou non? Je ne vous direz pas comment Ibn Taymiyya a répondu à la question mais je peux vous dire comment certaines gens pourraient y répondre aujourd’hui. Qu’est-ce qu’ils répondraient pensez-vous?»
«Ils répondraient : Comment est-ce possible? S’il accepte, ce sera un kafir (PdeB : terme péjoratif désignant les non-musulmans). Il serait hors de l’islam. Pourquoi? Parce qu’il accepte en toute connaissance de cause, en tant que juge, d’appliquer une loi autre que celle d’Allah. Il devrait refuser.»
«Mais savez-vous comment Ibn Taymiyya a répondu? Il a dit qu’il devrait accepter. Connaissez-vous la raison qu’il a donnée?»
«Il a dit que, dans les circonstances, la présence d’un juge musulman qui craint Allah, même s’il ne peut évidemment pas changer la teneur de la loi, c’est au-delà de ses capacités, malgré tout, sa présence à cette position est susceptible d’apporter une plus une grande justice car n’importe quel juge peut utiliser sa propre discrétion dans l’interprétation des lois. Il y a une marge de manœuvre. Il peut utiliser sa discrétion dans l’interprétation des lois pour obtenir plus de justice que le non-musulman ou à la personne qui ne croit pas à la charia ou ne craint pas Allah, il pourrait être un juge oppressif qui se conforme au système complètement et de tout cœur et qui cause encore plus de mal au peuple.»
Dans l’esprit de Badawi et d’Ibn Taymiyya, «plus de justice» signifie évidemment plus de conformité avec la charia et un «juge oppressif» est un juge qui fait appliquer «complètement et de tout cœur» des principes juridiques contraires à la charia.
Après la nomination d’un premier musulman au poste de juge au Maryland (District Court), Nihad Awad, directeur-exécutif du Council on American Islamic Relations (CAIR) basé à Washington, a déclaré que la sélection de ce juge démontre que les musulmans «ont un impact positif à tous les niveaux de la société américaine».
Considérant les déclarations de Jamal Badawi sur la façon avec laquelle il souhaite que les juges musulmans s’acquittent de leurs responsabilités en Amérique du Nord et considérant les liens qui unissent Badawi et Awad, il est légitime d’être sur nos gardes quand un d’entre eux ou leurs alliés se félicitent de la nomination d’un juge musulman.
Une fatwa d’Ibn Taymiyya intitulée «L’admissibilité [pour un musulman] d’occuper une fonction officielle dans un État injuste [non-musulman]» est annexée au livre Priorities of the Islamic movement in the coming phase (Les priorités du mouvement islamique à la prochaine étape) de Youssef Qaradawi, le guide spirituel des Frères Musulmans basé au Qatar. Ce livre explique plusieurs des principes de l’approche gradualiste favorisée par les Frères Musulmans pour pénétrer les sociétés occidentales dans lesquelles ils se sont établis à la fin des années ’50.
PARTIE 2 – Un document interne des Frères Musulmans identifiant Jamal Badawi comme un de leurs leaders encourage à «détruire de l’intérieur la civilisation occidentale»
L’approche que Jamal Badawi encourage les juges et les fonctionnaires musulmans à adopter en Amérique du Nord constitue une application particulière d’un principe général énoncé dans un mémorandum interne des Frères Musulmans de 1991. Le document fut saisi par la police et produit en preuve lors d’un procès qui mena à la condamnation de tous ceux qui avaient été accusés de financement du terrorisme en 2008. Le mémorandum encourage les partisans des Frères Musulmans à changer la société nord-américaine de l’intérieur en pénétrant ses institutions :
Point 4.4 Les Frères Musulmans doivent comprendre leur travail en Amérique comme une sorte de grand jihad visant à éliminer, à détruire de l’intérieur la civilisation occidentale et à saboter sa misérable demeure afin que la religion d’Allah soit victorieuse sur toutes les autres religions.
Au point 20 de ce mémorandum, Jamal Badawi est identifié comme un leader de l’infrastructure nord-américaine des Frères Musulmans. Le nom de Badawi se retrouve également dans un bottin téléphonique du leadership des Frères Musulmans qui date de la même époque (1992) et qui fut également déposé en preuve durant le procès de la Holy Land Foundation.
Tariq Ramadan est un autre leader populaire et influent des Frères Musulmans. Il a évoqué le même projet de conquête devant ses partisans aux États-Unis et au Canada ces dernières années.
En 2011, à Dallas, il a déclaré : «Ça devrait être nous, avec notre compréhension de l’islam, avec nos principes qui colonisons positivement les États-Unis d’Amérique». En décembre 2013, à la conférence Reviving the Islamic Spirit de Toronto, Ramadan a affirmé : «Nous ne sommes pas ici pour être acceptés. Nous sommes ici pour changer la société».
L’embauche de juges et de fonctionnaires musulmans acquis à l’idée de Jamal Badawi d’empêcher l’application des lois contraires à la charia constitue un moyen privilégié pour mettre en application le projet de conquête et de colonisation décrit par le mémorandum de 1991 et Tariq Ramadan.
À l’instar de Jamal Badawi qui s’est exprimé sur les juges musulmans, Tariq Ramadan a discuté de l’importance pour les islamistes de pénétrer le système judiciaire des pays non-musulmans comme le Canada. Dans une interview accordée au périodique égyptien Egypt Today en octobre 2004, Ramadan a décrit le cadre juridique canadien comme «un des plus ouverts dans le monde» et suggéré aux islamistes de capitaliser là-dessus pour introduire subrepticement et graduellement des règles de charia au Canada. À l’époque, Tariq Ramadan avait d’ailleurs fortement incité les islamistes opérant au Canada à ne pas mentionner ouvertement leur engagement en faveur de la charia : «Le mot charia est perçu de façon négative par les Occidentaux», avait déclaré Ramadan. «C’est inutile de mettre l’accent là-dessus. (…) Pour le moment, ce n’est pas la façon dont nous voulons être perçus», avait-il ajouté.
Dans la même interview, Ramadan critiquait le «manque de créativité» des islamistes qui s’étaient ouvertement revendiqués de la charia pour réclamer un arbitrage islamique des conflits familiaux entre musulmans en Ontario sans prévoir que leur demande se heurterait à une importante opposition au Canada.
La reconnaissance de la charia en droit familial par les autorités ontariennes aurait constitué un précédent juridique dangereux qui aurait fini par affecter l’ensemble du Canada. Consciente de cette réalité, la députée Fatima Houda-Pepin avait présenté et fait adopter à l’unanimité le 26 mai 2005 par l’Assemblée nationale du Québec une motion condamnant l’introduction de la charia en droit familial en Ontario.
En 2004, Tariq Ramadan n’a donc pas condamné l’ambition des islamistes d’introduire la charia en Ontario. Il a critiqué l’approche ouverte et sans dissimulation qu’ils avaient adoptée. En 2013, devant l’Islamic Association of Greater Detroit, Tariq Ramadan a défini le jihad comme étant «la façon par laquelle nous faisons appliquer la charia» (“Jihad is the way we implement sharia”). Cette définition a l’avantage d’inclure à la fois la facette violente du jihad et sa facette d’infiltration non-violente.
PARTIE 3 – L’alarme devrait sonner au SCRS et ailleurs quand le principal dirigeant musulman sunnite au pays cite Ibn Taymiyya pour déterminer comment les musulmans doivent se comporter au Canada
Lorsque qu’il réfère à Ibn Taymiyya pour encourager les musulmans à devenir juges dans les pays non-musulmans, Jamal Badawi lui témoigne de son respect en le désignant comme un «Cheik de l’Islam». D’autres leaders musulmans contemporains comme Oussama ben Laden (p. 249) et Youssef Qaradawi dans son livre Priorities mentionné précédemment ont également rendu hommage à Ibn Taymiyya en l’honorant du même titre.
Autant les islamistes que les anti-islamistes contemporains reconnaissent l’importance du théoricien Ibn Taymiyya. Daniel Pipes acquiesce à l’idée que les islamistes contemporains ne sont pas apparus à partir de rien. Il présente Ibn Taymiyya, mort il y a près de sept cent ans, comme un exemple de précédent historique aux islamistes contemporains.
JIHAD ARMÉ
Outre sa position sur les musulmans qui devraient accepter des postes de juges dans des sociétés non-musulmanes pour limiter la portée des lois non-islamiques, Ibn Taymiyya est surtout connu comme l’idéologue par excellence du jihad armé. Un rapport d’experts soumis au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) en 2013 présente Ibn Taymiyya comme «(l’)auteur du principal texte djihadiste intitulé La doctrine religieuse et morale du djihad». Ce texte a été traduit en anglais et de larges extraits en sont reproduits dans un recueil de textes sur le jihad facilement accessible : Jihad in Classical and Modern Islam de Rudolph Peters (Princeton, Marcus Wiener, 2008).
Dans son texte, Ibn Taymiyya s’appuie sur les versets 2:193 et 8:39 du Coran pour déclarer que : «Quiconque a reçu l’appel du Messager (Muhammad) et n’y a pas répondu doit être combattu jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’association et que la religion soit entièrement à Allah.»
Aujourd’hui encore, c’est ce principe qui sert de justification aux islamistes contemporains pour imposer la charia aux non-musulmans.
Dans les circonstances, l’invocation d’Ibn Taymiyya par Jamal Badawi, le plus important dirigeant musulman sunnite au Canada, pour déterminer comment les musulmans doivent se comporter au pays devrait déclencher un signal d’alarme dans les agences de sécurité canadiennes.
MUTILATIONS GÉNITALES FÉMININES
Ibn Taymiyya a également défendu les mutilations génitales des femmes comme un moyen de limiter leur excitation sexuelle. C’est nulle autre que Sheema Khan, la fondatrice du lobby islamiste CAIR-CAN (devenu le Conseil national des musulmans canadiens en juillet 2013), qui a mentionné ce fait dans un article publié par le Globe and Mail le 21 avril 2010 :
Ibn Taymiyya a plaidé pour la circoncision féminine en décrétant que «son objectif vise à réduire le désir de la femme; si elle n’est pas circoncise, son appétit sexuel augmente et elle s’intéresse davantage aux hommes (“she becomes lustful and tends to long more for men”).
Sheema Khan a résigné (p. 11) de son poste de présidente-fondatrice de CAIR-CAN en 2005. Les rapports annuels de CAIR-CAN démontrent que de 2001 à 2005, Sheema Khan et Jamal Badawi ont siégé ensemble au conseil de direction de CAIR-CAN.
ASSASSINAT DES MOINES CHRÉTIENS VIVANT EN TERRITOIRE MUSULMAN
Ibn Taymiyya a également encouragé de tuer les moines chrétiens qui ne vivent pas reclus et qui entretiennent des contacts avec les musulmans habitant à proximité de leur monastère. La fatwa du «Cheik de l’Islam» cite plusieurs exégètes musulmans qui ont vécu avant lui et qui ont traité les moines comme des «imams de la mécréance» coupables d’éloigner les musulmans de «la vraie religion».
Peu après l’assassinat en 1996 de sept moines cisterciens (trappistes) qui vivaient dans un monastère à Tibhérine (Algérie), la fatwa d’Ibn Taymiyya a été traduite en français par Yahya Michot, un converti belge à l’islam qui avait dirigé une organisation associée aux Frères Musulmans en Belgique. Michot publia sa traduction sous le pseudonyme de Nasreddin Lebatelier. Ce n’est que plus tard que sa véritable identité fut découverte.
À l’époque, le journal Le Monde a présenté la traduction de la fatwa et sa mise en contexte par Michot comme «une apologie, en bonne et due forme, de l’assassinat de moines chrétiens, un acquittement pur et simple des assassins, ceux du GIA [Groupe islamique armé algérien] ou ceux qui les manipulent, fondé sur le juriste Ibn Taymiyya (1263-1328), l’un des auteurs favoris de la littérature islamiste».
À la même époque, le périodique britannique Tablet (texte – scan) a rapporté que le commentaire de Lebatelier / Michot établissait un lien entre le communiqué 43 du GIA algérien justifiant le meurtre des moines et la fatwa d’Ibn Taymiyya sur le sujet.
Après que son identité ait été révélée, Yahya Michot a retiré de la circulation les copies de son opuscule commenté par Le Monde et le Tablet qui comprenait ses propres commentaires sur l’enlèvement et le meurtre des moines d’Algérie. Michot a, plus tard, republié la traduction de la fatwa d’Ibn Taymiyya dans une version dite «dés-actualisée» qui ne réfère plus directement à l’enlèvement et à l’assassinat des moines d’Algérie en 1996.
Malgré ses antécédents, Yahya Michot est considéré comme un interlocuteur valable par plusieurs organisations chrétiennes impliquées dans le dialogue interreligieux. L’Université St. Thomas au Minnesota mentionne sa participation de même que celle de Jamal Badawi à des activités interreligieuses sur son campus. La naïveté des chrétiens engagés dans l’œcuménisme ou l’interreligieux avec les Frères Musulmans et leurs partisans est sans bornes.
Pour les Frères Musulmans, le dialogue interreligieux a toujours un but ultérieur. Dans le passé, le guide spirituel de la confrérie, Youssef Qaradawi, a indiqué quatre des objectifs visés par le dialogue interreligieux avec les chrétiens :
- Améliorer l’image de l’islam;
- Convertir les chrétiens;
- Rallier les chrétiens contre Israël;
- Décourager les leaders chrétiens d’appuyer d’autres chrétiens impliqués dans des conflits avec les musulmans. Qaradawi mentionne les cas spécifiques du Soudan et des Philippines.
Jamal Badawi est un proche collaborateur de Youssef Qaradawi, notamment au Conseil européen de la fatwa et de la recherche (CEFR) et Yahya Michot a endossé le livre Priorities duquel deux des objectifs ci-haut mentionnés sont tirés comme une «lecture essentielle pour quiconque est intéressé dans la pensée islamique contemporaine et l’activisme du juste milieu» (a “must-read […] for anyone interested in modern Islamic thought and activism of the via media”). Youssef Qaradawi et les Frères Musulmans qualifient leur doctrine de celle du «juste milieu» bien qu’elle les amène à justifier l’assassinat des apostats de l’islam et des homosexuels, les mutilations génitales féminines, à décrire Hitler comme «un envoyé d’Allah venu punir les juifs», etc.
MAÎTRE À PENSER DU FONDATEUR DE L’ARABIE SAOUDITE
Ibn Taymiyya était également le maître à penser de Mohamed ben Abdel Wahhab (1703-1792). C’est l’alliance de ce dernier avec la famille Saoud qui a mené à la création de l’Arabie saoudite que nous connaissons aujourd’hui. A l’époque, le prince Muhammed ibn Saoud (1710-1765), a fourni les moyens militaires pour forcer l’application des principes islamiques encouragés par Wahhab et avant lui, par Ibn Taymiyya.
De nos jours, l’Arabie saoudite propage la doctrine wahhabite en finançant des mosquées et des écoles dans le monde non-musulman, en disséminant de la littérature appelant au jihad, etc., conformément à ce que prônait Ibn Taymiyya. Pendant longtemps, un des relais utilisé par l’Arabie saoudite pour radicaliser les musulmans au Canada a été son organisation World Assembly of Muslim Youth (WAMY). Le 2 février 2012, l’Agence du revenu du Canada a révoqué le statut d’organisme charitable de WAMY-Canada parce qu’elle avait notamment financé une organisation liée à Al-Qaïda. Dans le passé, WAMY a transféré des fonds à l’école Dar al-Iman de Montréal et à la Muslim Association of Canada, la principale courroie de transmission des Frères Musulmans au Canada. C’est également WAMY qui a commandité le lancement des conférences Reviving the Islamic Spirit qui reviennent annuellement à Toronto depuis 2003 et qui mettent en vedette des conférenciers liés aux Frères Musulmans. Une liste des transferts financiers de WAMY vers des organisations musulmanes basées au Canada est disponible sur Point de Bascule.
D’AUTRES FACETTES DE LA CHARIA ABORDÉES PAR IBN TAYMIYYA
Plusieurs autres aspects de la charia ont été traités par Ibn Taymiyya.
Alors que les chrétiens sont persécutés dans le monde musulman, leurs églises vandalisées et détruites, Raymond Ibrahim a examiné une fatwa d’Ibn Taymiyya qui sert fréquemment de justification aux islamistes contemporains. Ibn Taymiyya a décrété que «Partout où les musulmans vivent et ont des mosquées, toute manifestation d’infidélité est défendue, que ce soit les églises ou autres».
Andrew Bostom a commenté une fatwa d’Ibn Taymiyya qui déclare que «Si un mâle non-musulman est capturé à la guerre ou dans d’autres situations, par exemple son bateau s’est échoué, il s’est perdu ou parce qu’il a été piégé, alors l’imam peut faire ce qu’il juge opportun : le tuer, en faire un esclave, le relâcher ou le libérer moyennant une rançon en argent ou en personnes». Ibn Taymiyya ajoute qu’il s’agit là d’une «opinion partagée par la majorité des juristes [musulmans] et qu’elle est conforme au Coran et à la Sunna [la vie et les enseignements du prophète de l’islam]».
Tarek Fatah a publié un message sur Twitter pour attirer l’attention sur une fatwa d’Ibn Taymiyya prônant la supériorité des Arabes sur les autres musulmans.
Une autre fatwa d’bn Taymiyya tranche que les alaouites (une minorité musulmane à laquelle appartient l’actuel président syrien Bachar al-Assad) «sont de plus grands infidèles que les chrétiens, les juifs et les idolâtres». Au fil des siècles, cette fatwa a souvent servi de justification à la majorité sunnite pour persécuter la minorité alaouite.
PARTIE 4 – Jean-François Revel sur la fragilité des démocraties occidentales face à une menace intérieure
En 1990, dans le discours prononcé en Algérie qui a servi de base à son livre Priorities, le guide spirituel des Frères Musulmans, Youssef Qaradawi, encourageait les musulmans vivant en Occident à délaisser les sciences appliquées pour étudier dans des disciplines davantage destinées à influencer l’opinion publique, comme le journalisme, le droit, etc. Près de vingt-cinq ans plus tard, de nombreux sympathisants islamistes se retrouvent dans des positions extrêmement sensibles dans les médias et les agences gouvernementales occidentales. L’incitation de Jamal Badawi aux juges et aux fonctionnaires musulmans à ne pas appliquer les dispositions des lois contraires à la charia doit être examinée dans ce contexte.
Au début des années ’80, Jean-François Revel a consacré son essai Comment les démocraties finissent à décrire la menace que représentait la pénétration idéologique et matérielle de l’URSS dans les pays occidentaux. Aujourd’hui, ce sont les islamistes opérant en Occident qui représentent cette menace et qui cherchent à canaliser la forte immigration musulmane dans le sens de leur programme totalitaire. Ces islamistes sont d’ailleurs souvent subventionnés par les gouvernements occidentaux qui croient (au mieux) favoriser «l’intégration des nouveaux arrivants».
Le premier chapitre du livre de Revel explique combien l’ouverture des sociétés occidentales et leur acceptation d’une opposition politique légitime rend ces sociétés vulnérables face à ceux qui ambitionnent de les détruire de l’intérieur.
Bien que destinées à freiner le péril communiste, les remarques de Revel sont toujours utiles aujourd’hui pour nous éclairer sur les caractéristiques des démocraties exploitées par les islamistes pour faire avancer leur propre programme totalitaire.
«La démocratie incline à méconnaître, voire à nier les menaces dont elle est l’objet, tant elle répugne à prendre les mesures propres à y répliquer. Elle ne se réveille que lorsque le danger devient mortel, imminent, évident. Mais alors soit le temps lui manque pour qu’elle puisse le conjurer, soit le prix à payer pour survivre devient accablant.»
(…) «La démocratie est en effet ce régime paradoxal où est offerte à ceux qui veulent l’abolir la possibilité unique de s’y préparer dans la légalité, conformément au droit, et même de recevoir à cet effet l’appui presque patent de l’ennemi extérieur, sans que cela passe pour une violation vraiment grave du pacte social.»
«La frontière est indécise, la transition facile entre l’opposant loyal, qui use d’une faculté prévue par les institutions, et l’adversaire qui viole ces institutions mêmes. Le totalitarisme confond le premier avec le second, de façon à justifier l’écrasement de toute opposition; la démocratie confond le second avec le premier, de peur d’être accusée de trahir ses propres principes.»
«On aboutit donc à cette situation renversée, que nous vivons tous les jours dans cette société que nous appelons par convention l’Occident, situation où ceux qui veulent détruire la démocratie paraissent lutter pour des revendications légitimes, tandis que ceux qui veulent la défendre sont présentés comme les artisans d’une répression réactionnaire.»
Références supplémentaires
Point de Bascule : Fiche Jamal Badawi
Point de Bascule : Fiche Youssef Qaradawi
Point de Bascule (11 novembre 2010) : En marge du film Des hommes et des dieux : Comment l’exégèse coranique justifie le meurtre des moines